L’agriculture occupe une place importante dans l’économie du Burkina Faso. Avec une population en croissance rapide et des conditions climatiques de plus en plus imprévisibles, la nécessité d’améliorer les rendements agricoles et de renforcer la résilience des producteurs est devenue une priorité nationale. C’est dans cette optique que les innovations biotechnologiques modernes émergent comme une solution prometteuse pour
transformer les pratiques agricoles au pays des Hommes intègres. Le coton Bt, le niébé Bt (Bacillus thuringiensis) et le maïs apparaissent comme des solutions pour développer l’agriculture burkinabè. Au-delà des bénéfices techniques, ces avancées peuvent s’intégrer parfaitement dans l’Offensive agropastorale du gouvernement, visant à booster la productivité agricole pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Reportage !
A Yabasso, village situé à environ 45 km de Bobo-Dioulasso sur la Route nationale 1 (RN1), Wouaba Millogo, producteur de profession, est en train de transformer sa manière de cultiver avec une nouvelle variété de légumineuses : le niébé Bt (Bacillus thuringiensis). Ce mercredi 11 septembre 2024, il observe avec satisfaction la progression de ses plantes, qui se développent bien dans ses champs après quelques semaines.
« J’ai semé le 27 août dernier », confie-t-il avec enthousiasme, en contemplant les feuilles verdoyantes qui s’épanouissent sous le soleil. Fort d’une première expérience réussie avec cette variété biotechnologique moderne de niébé l’année précédente, Wouaba a décidé de renouveler l’essai, convaincu des avantages offerts par cette innovation.
« J’ai constaté de nombreux avantages à cultiver le niébé Bt par rapport à la variété conventionnelle », explique-t-il, non sans une certaine fierté. La résistance aux ravageurs et aux maladies, qui affectaient les rendements dans les années précédentes, est un des atouts majeurs de cette culture améliorée. Grâce à cette innovation, l’agriculteur a pu réduire ses traitements phytosanitaires, diminuant ainsi non seulement ses coûts de production, mais aussi l’impact environnemental sur ses terres.
L’année passée, les résultats ont été plus que probants : des rendements plus élevés, des graines de meilleure qualité et une réduction significative des pertes lors de la conservation. « La biotechnologie moderne est une chance pour nous, agriculteurs. Elle nous permet de surmonter les défis qui semblaient insurmontables avec les variétés traditionnelles », précise Wouaba Millogo, qui voit en ces innovations une réponse aux difficultés agricoles que rencontrent les producteurs burkinabè.
A l’instar de Wouaba Millogo, François Tani, agriculteur dans le département de Koumbia, province de Tuy, est l’un des nombreux producteurs ayant testé la biotechnologie du niébé Bt en 2023. Son expérience, comme il le décrit, a été positive. « Grâce au niébé Bt, nous avons observé une augmentation de rendement de plus de 50 % par rapport aux variétés conventionnelles, surtout grâce à sa résistance accumulée aux maladies », a-t-il souligné. Pour l’agriculteur chevronné, le niébé Bt présente un double avantage : un rendement supérieur en termes de graines et un feuillage abondant, précieux pour l’alimentation animale avant la récolte.
« Avec cette technologie, nous sommes passés d’un rendement de 300 à 500 kg par hectare à environ 800 kg, voire une tonne », précise François Tani, qui est, par ailleurs, le président de la Fédération nationale des agriculteurs Biotech (FNAB). En plus de ses bénéfices directs sur la production, le niébé Bt permet de renforcer la résilience des cultures face aux défis environnementaux, tout en offrant des solutions durables pour l’agriculture. L’enthousiasme de François Tani pour cette technologie innovante est palpable. Il considère le niébé Bt comme une avancée majeure qui pourrait transformer l’agriculture dans sa région et au-delà.
Le coton Bt, une biotechnologie à haut rendement
Au-delà du niébé Bt, François Tani a également été l’un des principaux producteurs de coton Bt avant la suspension de sa culture en 2016. Pour lui, l’un des principaux attraits du coton Bt réside dans sa capacité à réduire considérablement la nécessité de traitements phytosanitaires fréquents. Cette caractéristique permet non seulement de diminuer les coûts liés aux traitements, mais aussi d’économiser un temps précieux, tout en améliorant les rendements. En effet, l’efficacité du coton Bt dans la lutte contre les ravageurs se traduit directement par une réduction des interventions manuelles et une gestion simplifiée des cultures.
Cette réduction des traitements phytosanitaires permet aux producteurs de se concentrer davantage sur d’autres aspects de leur activité, tout en bénéficiant d’une meilleure rentabilité grâce à des rendements accumulés. « Lorsque nous avons adopté la production du coton Bt, nous avons atteint des rendements impressionnants, allant de 500 à 600 mille tonnes et nous avons même frôlé les 700 mille tonnes », souligne-t-il avec fierté.
Ces chiffres témoignent de la productivité exceptionnelle de cette technologie, qui a permis aux producteurs de maximiser leurs rendements. François Tani décrit le coton Bt comme une technologie qui, non seulement améliore la productivité, mais également simplifie le travail des agriculteurs. Sa capacité à offrir des rendements élevés avec moins de traitements phytosanitaires réduit considérablement la charge de travail et les coûts associés. En limitant les interventions nécessaires pour contrôler les ravageurs, le coton Bt permet aux producteurs de se concentrer sur d’autres aspects de la culture et d’améliorer l’efficacité globale de leur exploitation.
Cette simplification du travail, combinée à une augmentation des rendements, fait du coton Bt une solution précieuse pour une agriculture durable. Selon le coordonnateur du collectif citoyen pour la science et le développement durable, Aboubacar Bamouni, les semences biotechnologiques, telles que le niébé Bt, représentent une avancée majeure dans le domaine de l’agriculture. Ces technologies permettent d’obtenir des récoltes quasiment intactes grâce à leur résistance accrue aux ravageurs.
Une des grandes réussites de ces semences est leur efficacité à réduire les pertes post-récolte. « La biotechnologie agricole, en permettant aux plantes de produire leur propre toxine contre les ravageurs, offre une solution durable pour améliorer la productivité agricole dans un pays en proie à l’insécurité alimentaire », explique-t-il. Cette approche repose sur la capacité des plantes génétiquement modifiées à synthétiser une protéine toxique qui cible spécifiquement les insectes nuisibles, tout en étant inoffensive pour les humains et les autres organismes non ciblés.
Relancer le coton Bt
D’après le Dr Doulaye Traoré, l’un des pionniers de la recherche sur le coton Bt, la biotechnologie permet aux plantes de produire une toxine ciblant les ravageurs, réduisant ainsi la nécessité des traitements phytosanitaires. « Le nombre de traitements phytosanitaires est passé de six à deux, diminuant la charge de travail des producteurs et réduisant les cas d’indisponibilité souvent liés au paludisme », a-t-il expliqué. L’adoption du coton Bt a également significativement réduit les pertes causées par les insectes, en particulier les chenilles.
Cependant, malgré les avantages en termes de rendement et de réduction des traitements, un problème est survenu concernant la qualité des fibres, en raison de croisements entre des variétés américaines et locales. Cela a conduit à la suspension de la technologie en 2016. Pour relancer le coton Bt, une Fédération nationale des producteurs biotechnologiques, dirigée par François Tani, a été créée.
Bayer (une société pharmaceutique et agrochimique allemande) a obtenu le renouvellement de la licence jusqu’en 2033 et des essais de nouvelles variétés hybrides sont actuellement en cours, avec pour objectif de relancer cette technologie. Pour les pays confrontés à des défis alimentaires importants, comme le Burkina Faso, l’adoption de telles innovations peut jouer un rôle crucial dans la sécurisation des approvisionnements alimentaires et le renforcement de la résilience.
Selon François Tani, les technologies biotechnologiques sont essentielles pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et doivent accompagner les producteurs à améliorer les rendements et assurer la sécurité alimentaire. « Aujourd’hui, les producteurs sont prêts. Il n’y a pas ce producteur a qui tu demanderas de faire le choix entre le Bt et le conventionnel et il choisira le conventionnel », foi de M. Tani. Et Dr Doulaye Traoré de rassurer que la technologie Bt est perçue comme une solution prometteuse pour améliorer la sécurité alimentaire et répondre aux défis climatiques, en permettant aux agriculteurs d’étendre leurs cultures à d’autres spéculations comme le maïs.
La révolution agricole en marche
A la station de recherche de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) à Farakoba, des chercheurs comme Dr Abdallah Dao s’attèlent à une mise en route d’une biotechnologie sur le maïs et le blé. Là, des variétés différentes de maïs sont cultivées pour faire le croisement et identifier les résistances. Selon lui, l’utilisation des Organismes génétiquement modifiés (OGM) ne fait pas partie des perspectives de recherche pour l’instant.
« Il existe cependant une autre forme de biotechnologie, proche des OGM, mais considérée comme moins risquée. Il s’agit de l’édition génomique.
Cette technique consiste à modifier directement le code génétique de la plante en ciblant uniquement ce qui doit être corrigé », souligne-t-il. Pour lui, l’édition génomique n’est pas considérée comme une technologie OGM. De nombreux pays la considèrent comme une méthode conventionnelle. « Ici aussi, l’Agence nationale de biosécurité l’accepte, à condition de prouver qu’aucun gène d’une autre espèce n’a été introduit.
De plus, l’édition génomique est plus facile à mettre en œuvre que les OGM », poursuit le Docteur. Concernant le maïs, il existe deux types principaux : le maïs composite et le maïs hybride. Selon ses explications, le maïs composite ne nécessite pas de parents différenciés. Pour obtenir du maïs composite, plusieurs individus sont mélangés et ce brassage est effectué jusqu’à obtenir une stabilité, ce qui peut prendre au minimum cinq ans. Une fois que le maïs est homogénéisé, il est évalué dans différents environnements pendant deux à trois ans pour vérifier ses performances.
En revanche, pour le maïs hybride, il est nécessaire de créer d’abord les parents, ce qui demande environ sept à huit générations. Ensuite, il faut réaliser des croisements entre ces parents et évaluer chaque croisement pour déterminer lequel est le plus performant. « On utilise une méthode classique de la biotechnologie appelée haploidiploïsation (méthode utilisée pour fixer plus rapidement le matériel génétique en cours de sélection, Ndlr) qui permet de réduire le nombre de générations nécessaires pour développer une nouvelle variété de 8 à 10 à seulement 2 ans.
Bien que nous venions juste de l’initier et que nous ne soyons pas encore très avancés, cette méthode nous permettra d’aller plus vite », ajoute le chercheur. A l’en croire, en utilisant la biotechnologie, le processus de développement, qui prend normalement environ dix ans sans intervention biotechnologique, peut être réduit à environ 5 à 7 ans. Pour Abdallah Dao, la biotechnologie contribue énormément au développement de l’agriculture à tous les niveaux. « C’est un outil que l’on utilise pour accélérer certains processus. Par exemple, ce que l’on aurait pris 10 ans à réaliser peut désormais être fait en 2 ans, et cela permet d’anticiper des évolutions que la nature mettrait plus de temps à accomplir », conclut-il.
Noufou NEBIE