Cruel destin !

Ils ont illustré positivement cette Afrique des présidents issus des urnes. Synonyme bien sûr de chefs parés de légitimité et de légalité, rompant ainsi avec cette autre Afrique des coups d’Etat. Au bilan, il y a comme un destin cruel qui leur colle à la peau et qui les marquera à jamais.

Ils, ce sont Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Alpha Condé (Guinée Conakry), Mahamoudou Issoufou (Niger), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso) et Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire. Tous titulaires de diplômes universitaires et qui ont fait leur cursus dans l’Hexagone d’où ils sont revenus dans leur pays.

Et se sont retrouvés présidents de la République, chefs de l’Etat. Présidents issus des urnes, c’est là que se séparèrent leurs destins. Ils auront eu des sorties souvent aux antipodes de la démocratie laissant un verdict peu flatteur de l’incapacité des intellectuels africains à pouvoir se mettre au service de leurs populations, en conformité avec les us de la démocratie.

Sur ces intellectuels de haut vol, quatre ont été poussés à la sortie par des militaires. Autrement dit par coup d’Etat. Roch Marc Christian Kaboré du Burkina qui a incarné le renouveau démocratique dans un pays qui, en cinquante années d’indépendance, passé l’intermède Maurice Yaméogo, premier président démocratiquement élu (1960-1966), premier civil à diriger la Haute-Volta, est apparu en cette année 2015 comme l’incarnation d’une nouvelle ère.

A-t-il répondu aux aspirations des milliers, voire des millions de ses compatriotes qui voyaient en lui le point de rupture de l’intrusion de l’armée dans les affaires de l’Etat dans sa charge la plus noble ? En voyant ce qui s’est passé ce lundi 24 janvier 2022, soit seulement sept ans après sa prise de fonction, la réponse ne se discute pas.

Quand, ajoutée à cela, la liesse populaire, les démocrates du monde tombent des nues. Et dire que Roch Marc Christian Kaboré n’a pas réussi, c’est utiliser une métaphore, qui cache mal la réalité. Avant lui, il y a cet autre destin d’un autre de ses fidèles amis Ibrahim Boubacar Keïta qui avait jubilé à la chute de Blaise Compaoré en octobre 2014, avant de connaitre le même destin, quitter le pouvoir par la force des armes et surtout avec sa population, non, son peuple applaudissant à tout rompre.

Comme il l’avait fait à son premier mandat. Avec les présidents Roch Marc Christian Kaboré, Ibrahim Boubacar Keïta, il y a bien un autre intellectuel en politique, le professeur Alpha Condé qui, contrairement aux deux cités, a été opposant historique, a goûté à l’univers carcéral.

Arrivé à la tête de la Guinée, celui que ses compatriotes appelaient professeur Alpha a, malgré lui, quitté le pouvoir par les armes avec une population en liesse. Avec eux, il y a bien cet autre intellectuel africain, Laurent Koudou Gbagbo, lui aussi opposant historique arrivé de façon « calamiteuse » au pouvoir en 2000, il a quitté le pouvoir chassé par le crépitement des armes.

Longtemps avant ces hommes perçus comme des sauveurs, il y a eu dans les années 90 des programmes d’ajustement structurel, quand l’Afrique des coups d’Etat frémissait parce que celle des pouvoirs des urnes forçait son passage, se mettait en place. Dieudonné Nicéphore Soglo du Bénin, lui aussi venu par les urnes, a fait un petit tour et s’en est allé. Battu qu’il a été par son challenger, un vieux de la vieille, général Mathieu Kérékou.

A qui la faute ? Au président ou à tous ses courtisans qui clament qu’ils sont prêts à mourir pour lui mais qui à la moindre étincelle cherchent refuge à l’extérieur ? Dans le lot, les seuls qui font exception et donnent un sens à la règle sont bien les présidents Mahamadou Issoufou du Niger et Alpha Oumar Konaré du Mali.

Issoufou est venu, il a mené le bon combat, et est parti librement. Avec lui, il y a bien cette fierté africaine, professeur Alpha Omar Konaré du Mali, parti comme il est venu, dans les honneurs d’une mission bien accomplie.

Jean Philippe TOUGOUMA

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