Elevage laitier : les vaches font de nouveaux salariés

L’élevage laitier est de plus en plus pratiqué au Burkina Faso. Des vaches de race améliorée sont en effet sélectionnées pour produire des quantités importantes de lait. Une production qui approvisionne les laiteries. Dans la région des Cascades, la production du lait de vache a fait des salariés. Zoom sur quelques producteurs et transformateurs du lait local.

La production du lait de vache a fait de nombreux salariés dans la région des Cascades. Ces derniers touchent en effet, chaque mois, leurs revenus, dans une banque de Banfora, comme tout travailleur du public ou du privé. Kadidjatou Diallo, 43 ans, mariée et mère de deux enfants, estime son gain mensuel à 300 000 F CFA. Sur cette somme, 100 000 F CFA sont réservés aux dépenses (tourteaux, soins des animaux et autres), confie-t-elle. C’est dans une atmosphère conviviale qu’elle nous reçoit, dans la matinée du 3 décembre 2019 à Lafermé, village situé à 14 km de Banfora. Avant de faire place aux échanges, nous avons droit à une visite guidée. Aux petits pas de la dame, suivent les nôtres. Non loin de la concession, des animaux sont en pâturage. Nous tombons sur de l’herbe fauchée pour leur alimentation.

Après cette courte tournée, place aux échanges. Dame Diallo dit avoir 20 ans d’expériences dans l’élevage des bovins. Aujourd’hui, elle dispose de 35 têtes. Sa production journalière en lait varie de 15 à 30 litres, respectivement en saison sèche et humide. D’ailleurs, pour accroitre sa production, elle a commencé à inséminer ses vaches. Son objectif est de disposer de plus de vaches de race. En plus de sa propre production, elle collectionne le lait d’autres producteurs, pour livraison à une laiterie. Les autres producteurs cèdent le lait à 300 F CFA le litre. Et la paie se fait chaque fin de mois. En retour, Kadidjatou Diallo livre le lait à 350 F CFA le litre à une laiterie à Banfora. Elle est également payée chaque fin de mois, par chèque, dans une banque de la place. A notre passage, Hassane Sidibé, 45 ans, un de ses livreurs de lait, avait déjà reçu sa paie la veille. « Mon troupeau, nous explique-t-il, compte 30 têtes. Depuis dix ans, je suis en partenariat avec madame Diallo pour la commercialisation du lait. Et en une dizaine d’années de travail, aucun problème n’est survenu entre nous. En saison hivernale, je peux la ravitailler avec 20 litres par jour, mais actuellement, nous proposons juste quatre à cinq litres. L’activité m’offre beaucoup d’avantages. Mon gain journalier s’élève à 5 000 F CFA en saison humide et 1 000 F CFA ou un peu plus en ce moment, du fait du manque d’herbes ». L’une des destinations du lait local produit dans la région reste la Laiterie Banfora Kossam (Labanko) de Djakaridja Sirima. Il est d’ailleurs le président de la Plateforme d’innovation lait. Dans la matinée du 3 décembre 2019, il est au four et au moulin à notre arrivée.

De mécanicien à producteur de lait

Il déclare que sa laiterie est approvisionnée par des producteurs qui travaillent sous la forme d’abonnés. « Notre approvisionnement est assuré par les producteurs-pilotes ou organisés avec des fermes, des éleveurs se structurant en coopératives, des centres de collecte», a-t-il déclaré. Il précise que généralement, ils livrent la totalité de leur production et sont payés à la fin du mois. Certains perçoivent la moitié du paiement avant la fin du mois et d’autres le tiers. «C’est selon les capacités et les besoins de tout un chacun», ajoute-il. Dans tous les cas, poursuit-il, le paiement s’effectue par chèque. Un mode de paiement qu’apprécie bien M. Sirima.

« Nous avons réuni les producteurs, et procédé à des sensibilisations pour leur collaboration avec les banques. Le chèque des producteurs varie entre 20 000 et 300 000 F CFA par mois. Celui des collecteurs, entre 150 000 et 500 000 F CFA. Des producteurs sont ainsi parvenus à améliorer leurs cheptels », révèle M. Sirima. Un autre gros livreur de Labanko est l’éleveur Aboubacar Héma. Cet ancien mécanicien d’engins à deux roues, installé à Tarfila, à sept km de Banfora, est âgé de 47 ans, marié à deux femmes et père de sept enfants. Il a préféré abandonner son garage au profit de l’élevage laitier. Sur son passé, il apporte des précisions : « Auparavant, j’étais mécanicien d’engins à deux roues. Mais, j’étais passionné d’élevage. Alors, j’ai procédé progressivement à l’achat des animaux (…). Quand ils furent au nombre de 20, je les ai réunis en un seul endroit. Aujourd’hui, mon troupeau compte 53 têtes. J’ai cinq vaches laitières de race métissée ». Avec seulement neuf vaches, il dit produire 30 litres de lait par jour. Mais, pendant les grandes productions, « nous pouvons atteindre 40 à 50 litres », indique M. Héma. Le prix de vente du litre est de 300 F CFA. « Et le gain minimum de la journée est de 10 000 F CFA. Donc dans le mois, nous recevons au moins 300 000 F CFA. Nos dépenses, en moyenne, s’élèvent à 100 000F CFA », souligne Aboubacar Héma. Et de préciser que l’argent engrangé permet de payer les employés et de subvenir aux besoins familiaux (alimentation, santé, éducation)
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Bobo-Dioulasso, autre réalité !

C’est une quantité importante de lait que reçoit par jour la laiterie Labanko. Selon Djakaridja Sirima, la capacité de production en saison humide est de 700 litres/jour. Par contre, en saison sèche, la production varie entre 400 et 500 litres par jour. Une quantité qui sert à la transformation. Sur la transformation, M. Sirima indique sans ambages que savoir faire du yaourt ou du lait frais ne fait pas d’une personne un transformateur de lait. « Notre métier va au-delà. Le transformateur a de meilleures utilisations du lait, de la créativité pour la production de produits dérivés. Chacun a sa touche personnelle. Au niveau de la laiterie, nous proposons des produits écrémés, de la crème fraîche, du yaourt, du ‘’gapal’’, du ‘’Wakashi’’ et fromage frais, de l’huile de lait ou beurre de lait qui a de nombreuses utilisations (alimentation, cosmétique) », précise-t-il. Au regard de ce qui précède, l’organisation dans la production et la collecte du lait peut inspirer les autres régions du pays. Mais, à Bobo-Dioulasso, le système de production et de collecte du lait local n’a pas encore atteint ce stade d’organisation. Néanmoins, il existe de gros producteurs et des transformateurs. Aaladouon Coulibaly a dix ans d’expériences dans l’élevage des vaches laitières. Avec une seule vache laitière à ses débuts, son troupeau compte aujourd’hui dix-sept têtes. Lui aussi met l’accent sur les vaches de races. Dans sa ferme, sise à Sakabi, ce sont des vaches de type «boudali », « olchène », du « manbelehar » et du « bril » qu’il nous présente. Il confie que sa production journalière varie de 40 à 60 litres, selon la période. « Je vends le litre à 400 F CFA. Notre principale cliente est Mme Diallo à Bobo-Dioulasso. En situation de mévente au niveau de Mme Diallo, je ravitaille Mme Konaté également à Bobo-Dioulasso. Mes deux clientes ont toujours été satisfaites de la qualité de mon lait. Avec mon expérience dans le domaine, l’entretien des animaux et la production deviennent assez faciles », souligne M. Coulibaly. D’ailleurs, une de ses vaches produit 25 litres par jour.

Premier prix au SABEL

Cette dernière lui a permis de remporter le premier prix dans la filière lait au Salon de l’élevage du Burkina Faso (SABEL), tenu du 27 novembre au 1er décembre 2018 à Ouagadougou. « La récompense était un tracteur, une somme de 1 000 000 F CFA et des aliments pour animaux estimés à 200 000 F CFA », a révélé le producteur laitier. Nous avons également rencontré une des clientes de M. Coulibaly. Il s’agit de Adjaratou Konaté/Sangaré, mère de quatre enfants. « Je travaille dans le domaine de la transformation et la commercialisation des produits laitiers à Bobo-Dioulasso, depuis 15 ans », a-t-elle souligné. D’entrée de jeu, la transformatrice avoue qu’elle a bénéficié, au préalable, d’une formation auprès des habitués des secteurs. « Mon travail consiste à la transformation du lait en yaourt, en crème, en ‘’gapal’’, en pommade, en savon et autres. La production journalière est au minimum de 100 litres. Nous nous ravitaillons auprès des éleveurs environnants, à 400 F CFA le litre », dit-elle. Et de souligner : «Ceux-ci honorent la commande et nous parvenons toujours à écouler nos produits. Les difficultés rencontrées à mon niveau sont souvent la malhonnêteté de certaines vendeuses ambulantes que j’emploie, la possibilité de contamination du lait, vu qu’il s’agit d’un aliment assez délicat ». Tous les producteurs de lait de vache rencontrés avouent que le secteur est rentable. «Alors, je dis aux jeunes d’arrêter de trier les métiers. Avec un lopin de terre, ou simplement un couple d’animaux, on est parfaitement capable de bâtir sa richesse», conseille M. Coulibaly.

Comme toute activité, les difficultés ne manquent pas. Les différents producteurs les résument à l’insuffisance de l’eau, des herbes et du personnel. Pour pallier certaines difficultés, ils cultivent tous de l’herbe de fourrage. Les variétés « dolique », « barakaria », « casanis » et autres sont ainsi produites sur place. Ce sont de grandes quantités de réserves qui étaient disponibles dans la ferme de Aboubacar Héma, lors de notre passage. Il estime ses réserves à environ 15 tonnes de fourrage.

Boubié Gérard BAYALA
gbayala@ymail.com

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