Fourniture locale des biens et services miniers: Ces amazones qui tracent leurs sillons dans un domaine « masculin »

La promotrice de 3M Solutions Nacro : « Nous mettons une main d’ouvre hautement qualifiée à la disposition des entreprises minières ».

Le Burkina Faso connait un boom minier depuis plus d’une décennie, ouvrant la voie à d’énormes opportunités d’affaires et d’emplois pour les burkinabè. Comme dans nombres de secteurs d’activités, les femmes captent moins les retombées de cette industrie minière. Certaines d’entre elles, brisant les codes sexistes et les difficultés de tous ordres, tracent leurs sillions dans l’entrepreneuriat dans le secteur minier. Le Journal de tous les Burkinabè, Sidwaya, est allé à la rencontre de ces amazones de la fourniture locale des biens et services miniers.

Avec un bac littéraire, rien ne la prédestinait à un emploi technique, surtout pas dans la mécanique industrielle. Sauf sa détermination à surmonter ce handicap à réaliser son rêve. En effet, Windinso Agathe Nacro/Compaoré rêvait de travailler dans le secteur minier industriel. Pour y arriver, une formation professionnelle technique ou l’apprentissage d’un métier technique, allait lui ouvrir la voie. Le BCA A4 en poche, Mademoiselle Compaoré, à l’époque, n’a pas le regard tourné vers les études universitaires. Elle eut vent d’un projet de la société minière I AM GOLD Essakane SA, qui visait à faciliter l’accès des jeunes et des femmes aux emplois miniers, à travers un programme de formation et d’insertion socio-professionnelle.

A l’issue du texte de recrutement, elle est retenue pour la formation au certificat de qualification professionnelle (CQP) en soudure. Les cinq meilleurs apprenants devraient être embauchés par la mine. Avec la rage de réaliser   enfin son rêve si proche, elle mettra tout en œuvre pour ne pas rater cette opportunité. Au bout des six mois de formation, elle termine première de la promotion. « Après deux semaines de stage, elle est recrutée par la société minière. Ainsi commence ma carrière dans le secteur minier », relate-t-elle, fièrement. Alliant sérieux, passion et volonté, la jeune dame va vite gravir les escaliers de l’ascension professionnelle. Après une année dans l’emploi de soudeuse, elle passe à l’ingénierie-dessin. « En tant que dessinateur projecteur, je devrais modéliser tout ce qu’il y avait comme structures sur le site, qu’il s’agisse des bâtiments et des installations techniques ; ces dessins sont ensuite transmis aux techniciens pour les travaux de réalisations. A ce poste, je n’avais pas droit à l’erreur », confie-elle. Après deux ans, Mme Compaoré est promise au poste de planificateur. C’est à ce poste que l’idée d’entreprendre dans le secteur minier a commencé à germer dans la tête de l’ancienne soudeuse. « C’est un poste intéressant, car j’étais en relation avec les exécutants des travaux et les fournisseurs de la mine. J’échangeais beaucoup avec ces acteurs pour éviter les cas de non-conformité. Ce poste m’a permis de savoir les failles, les insuffisances des fournisseurs », fait-il savoir. En 2017, elle est débauchée par la société minière SEMAFO Mining, toujours comme planificateur.

En 2019, capitalisant ses huit années d’expériences dans les deux mines, Windinso Agathe Nacro/Compaoré décide de rompre son contrat de travail et de voler de ses propres ailes, mais toujours dans le secteur minier. « J’adore ce secteur minier, c’est là que je me sens utile », lâche-t-elle. Elle crée sa propre entreprise de sous-traitance, « 3M Solutions » et se lance ainsi dans la fourniture locale des biens et services miniers, à travers l’offre de son expertise en maintenance industrielle, avec les mines comme principales cibles, mais aussi avec les cimenteries, les carrières, les brasseries, etc. comme potentiels clients. Outre le domaine de la maintenance industrielle, « 3M Solutions » fait également dans la fourniture de matériels industriels miniers et d’autres secteurs, et dans le placement de main d’œuvre dans les mines. « Nous mettons une main d’ouvre hautement qualifiée à la disposition des entreprises minières. Ayant travaillé dans le secteur, nous savons le type de personnel, de qualifications qui répond aux attentes des mines », souligne-t-elle. Trois ans plus tard, 3M Solutions » s’est exportée hors des frontières du Burkina Faso, en s’implantant au Sénégal et en Côte-D’Ivoire.

Deux éléments de motivation sont à l’origine de cette initiative entrepreneuriale de Mme Nacro, aujourd’hui trois enfants. Partant de son expérience, elle a très compris qu’il y a de place à prendre dans la fourniture locale de biens et services miniers.

« Mieux gérer les employés »

Mieux, elle savait qu’elle pouvait répondre au besoin du marché avec une offre de qualité, tout en créant de l’emploi. « Quand j’occupais le poste de planificateur, il arrivait que les fournisseurs ne respectent pas les délais de livraison ou encore que le matériel livré ne soit pas conforme. Ce qui occasionnait des pertes de temps énormes. Ce qui est demandé dans les mines, c’est la proactivité. Malheureusement, c’est qui manque chez certains fournisseurs », déplore-t-elle. Il lui arrivait aussi de voir certains employés des entreprises sous-traitantes se plaindre du traitement salarial qui leur était réservé. « Je me suis dit en créant ma propre entreprise, je pourrais mieux traiter les employés et montré qu’il y a une possibilité de mieux gérer les employés », confie la jeune mère, qui visiblement semble ne pas supporter les injustices sociales.

La deuxième raison est que, malgré sa passion pour le secteur industriel minier, le travail minier comporte des contraintes pour la vie familiale, surtout avec les séjours permanents sur les sites, loin foyer. Créer sa propre société était l’alternative pour être maître de son temps et pouvoir en disposer pour sa vie familiale. « Créer mon entreprise était la solution pour rester connecter à ce secteur minier industriel. Car, si on m’enlève de ce secteur, on m’aurait privé de beaucoup de choses », rigole-t-elle.  Aujourd’hui, l’impact socioéconomique de cette jeune entreprise de fourniture locale de biens et services miniers d’à peine 5 ans d’existence est palpable. Créée sous forme d’une SARL, section Burkina Faso, elle emploie une trentaine de travailleurs permanents et environ une centaine de non-permanents, avec un niveau de traitement salarial minimal de 150 000 F CFA et un chiffre d’affaires d’environ un milliards F CFA. Mieux, ces cinq dernière années, 3M solution a payé en moyenne par 334 millions F CFA d’impôts et taxes au fisc.  Son exemplarité en matière de respect de ces obligations fiscales, lui a valu une attestation de reconnaissance de reconnaissance de la Direction générale des impôts en 2023.

Pour Mme Nacro, la question de la sous-représentation dans le secteur minier ne se pose pas. Elle est d’une évidence frappante. « Les mines sont un secteur assez masculin. La preuve quand je commençais à Essakane, dans le département maintenance industrielle, j’étais pratiquement la seule femme ; il fallait s’affirmer », confie-elle

Les pesanteurs socioculturelles ayant pendant longtemps limité l’accès des femmes métiers miniers, fait que naturellement, ajoute-t-elle, elles ne pouvaient qu’être sous-représentes dans l’entrepreneuriat minier. « Dans l’entrepreneuriat, l’une des principales difficultés résident dans les exigences de garantie au niveau des banques. Culturellement, la femme ne peut être propriétaire terrien, encore moins disposer d’un PUH pour offrir en garantie de prêt bancaire. Ces contraintes amènent beaucoup de femmes à se résigner et à rester dans le secteur informel. Pire, les préjugés font que d’autres femmes n’envisagent même pas l’entrepreneuriat. Surtout qu’elles n’ont pas le soutien de leurs maris », analyse-t-elle, l’air impuissante face à un construit socioculturel solide.  Mme Maryse Sedogo/Traoré est une figure montante de l’entrepreneuriat féminin dans le secteur minier burkinabè. Elle est la directrice générale de Aurora Drilling services qu’elle a fondé en fin 2023 et qui opère dans un domaine hautement technique et central dans l’activité minière : le forage minier en phase d’exploration, d’exploitation et de réhabilitation de la mine. Son histoire avec le secteur minier remonte à 2011. Contrairement à Mme Nacro, Mme Sedogo n’y est pas arrivée par le cœur du métier de l’industrie minière, mais par un segment non moins important, sinon essentiel : celui de la finance.

Sauver les emplois

Comptable de formation, titulaire d’un bachelor en gestion internationale de l’Université d’Ottawa, d’un diplôme d’études supérieures en ingénierie financière de l’Université de Québec et d’une maitrise en management, Maryse Sedogo, commence sa carrière professionnelle à la banque de Montréal où elle avait en charge la direction d’équipe financière, notamment dans l’investissement, le crédit, l’analyse financière.

Après une douzaine d’années dans le secteur bancaire canadien, sur décision familiale, elle rentre au bercail, afin de mettre un tant soit son expertise au développement socioéconomique de son pays. Elle intègre Services de Forage Orbit Garant inc., une société canadienne opérant dans le forage minier au Burkina Faso, mais aussi au Ghana et en Guinée. D’abord au sein de l’équipe de gestion financière, puis dans le département des opérations, avant de prendre la direction générale de l’entreprise en 2018. Mais face au développement du contenu local dans le secteur extractif, l’entreprise, dans le cadre de sa stratégie interne devrait trancher entre poursuivre ses activités ou se retirer de la sous-région. Elle acte pour la dernière option, avec pour conséquence de jeter sa centaine d’employés au Burkina Faso au chômage. En bonne mère soucieuse de l’avenir de ses enfants, la pilule est amère et a du mal à passer chez Mme Traoré.

« En tant que directrice générale, je devrais assurer le pilotage de ce retrait. J’étais celle qui devrais donc rencontrer les collaborateurs pour leur annoncer cette difficile nouvelle qu’il faudrait qu’ils commencent dès l’année prochaine à chercher d’autres opportunités d’emplois. Ce qui était plus difficile pour moi est que je n’avais d’opportunité ou d’alternative à leur proposer », relate-t-elle. Lui vient alors l’idée de réfléchir avec les premiers responsables sur comment avoir un partenariat pour reprendre l’entreprise, tout en se conformant aux exigences du contenu local, afin de sauver les emplois et partant, de permettre à la société de continuer à impacter l’économie burkinabè. « Voilà ce qui m’amener à quitter la relative stabilité salariale pour atterrir dans l’entreprenariat, un domaine où il faut beaucoup de résilience. Mais ce qui m’a réellement motivé, c’est l’impact socioéconomique qu’il y a derrière le projet », confie-t-elle, avec un brin de fierté pour avoir réussi une telle transition. Un accord de partenariat pour un accompagnement technique, mais aussi le transfert à Aurora Drilling services des actifs physiques de Services de Forage Orbit Garant inc., notamment les équipements présents au Burkina Faso, est conclu entre les deux parties. Ainsi est née Aurora Drilling services, une société anonyme (SA) à capital social de 10 millions F CFA. En contrat de forage avec une mine de la place, Aurora emploie aujourd’hui 82 travailleurs permanents, tous déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), confie Mme Traoré.

Bien que bénéficiant d’un héritage matériel et immatériel important, il fallait mobiliser plus du milliard F CFA pour mettre la nouvelle société sur rail. Et les choses n’étaient pas gagner à l’avance. « Il nous fallait l’accompagnement des institutions financières. Mais ce n’était pas aisée au début ; les femmes dans le secteur ont des difficultés à avoir accès aux financements, car il y a beaucoup de stéréotypes socioculturels qui entrent en ligne de compte », déplore la directrice générale de Aurora Drilling services. Pour décrocher de nouveaux marchés, poursuit Mme Traoré, il nous fallait expliquer longuement pour convaincre les partenaires que certes, l’entreprise est nouvelle dans ses statuts mais pas dans les affaires dans le secteur minier, elle a un capital expérience ; mieux, non seulement, elle a des compétences en son sein mais qu’elle bénéficie toujours de l’accompagnement technique du prédécesseur. Aujourd’hui, elle affiche de grandes ambitions. « Dans ce changement stratégique, l’ambition est de grandir mais nous nous concentrons d’abord sur le Burkina Faso », laisse-t-elle entendre, sans dire en plus.

Le rêve de devenir entrepreneur

Mais au commencement, tout ne s’est pas passé comme une lettre à la poste. « Le fait de ne pas être technicienne du métier (forage) a été un handicap au début. Faire ou réussir cette transition professionnelle demande beaucoup de curiosité, d’ouverture d’esprit », confie-t-elle. Mais par sa présence permanente sur le terrain, sa curiosité, à parler et poser des questions aux techniciens, elle réussit à surmonter cette contrainte. « Il fallait aussi se former. Il m’arrive de monter sur la foreuse et de demander au technicien de m’explique comme ça fonctionne », la patronne de Aurora. Dina Lankoandé/ Yanogo est un autre nom des femmes burkinabè qui s’illustrent positivement dans l’entrepreneuriat, notamment dans la fourniture locale des services miniers. Titulaire d’une Maîtrise en Droit obtenue à l’Université de Ouagadougou, d’un Master en GRH décroché à l’ISIG et d’un Master en Management des affaires, spécialité affaires internationales de l’Université Jean Moulin de Lyon, elle a une longue expérience dans la prestation de services au minier.

Son rapport avec le secteur extractif commence en 2010, où elle a eu la chance d’être gérante d’un cabinet spécialisé dans la fiscalité minière, à l’âge de 25 ans. Deux ans après, elle intègre un autre cabinet opérant dans le pilotage, la gestion de ressources humaines et la fourniture de personnel aux mines. Elle y a piloté des projets de transport de minerais, des travaux de terrassement, de locations de matériel lourd, etc. Après une dixaine d’années à travailler pour les autres, Mme Lankoandé prend la résolution de changer de statut : passer de celui d’employé à employeur. « J’ai l’avantage d’avoir une très longue expérience dans la connaissance des besoins du secteur minier, surtout en matière de personnel minier, car je suis dans le domaine depuis 2011. Nous avons commencé au moment où on faisait venir beaucoup d’expatriés », relate-t-elle. Elle décide alors de répondre à ce besoin des compagnies minières en fondant Upright Partners, une entreprise spécialisée dans les solutions industrielles et humaines, dont elle est la directrice exécutive. Car, en sus du capital technologique et financier, la disponibilité de personnel qualifié pour l’activité minière était un autre défi pour les industries extractives, surtout au début du boom minier, soutient celle qui a toujours rêvé d’être entrepreneur.

« J’ai toujours voulu entreprendre, être libre de mes choix sans avoir à requérir l’avis de quelqu’un.  Je savais qu’il y avait beaucoup de choses à faire dans le secteur minier. Abandonner son poste de responsable d’une grosse entreprise, avec un salaire confortable, pour repartir à zéro, ce n’était pas évident. Mais cinq après, je ne regrette pas mon choix », lâche-t-elle. Consciente des difficultés d’accès aux financements, surtout quand on est femme, Mme Lankoandé a épargné pendant près de cinq ans ; ce qui lui a permis de mobiliser au moins 60 millions F CFA pour le lancement de son entreprise et de faire face à la spécificité des contrats miniers. « Dans les mines, il faut avoir une certaine capacité financière. Ce n’est pas comme les marchés publics de l’Etat où on peut avoir des avances pour démarrer l’exécution du marché. Tout se fait sur fonds propres, ce n’est qu’après service fait que tu déposes tes factures pour paiement », souigne-t-elle

Initialement créé pour la fourniture de personnel aux mines, Upright Partners emploie aujourd’hui 12 agents directs, avec un personnel indirect pouvant atteindre 150 travailleurs, voire plus. Aujourd’hui l’entreprise s’est également spécialisée dans l’audit de conformité au droit du travail, santé-sécurité au travail, dans la bonne gouvernance d’entreprise, le recrutement pour les mines, la formation pointue en sureté, conduite-défense, en entretien technique des appareils.

Saisir les opportunités qu’offre le code minier

Outre le Burkina Faso, Upright Partners est présente également en Côte-d’Ivoire. Avant ces moments de croissance, le début fut laborieux. Après sa création, de 2019 à janvier 2021, l’entreprise va faire un passage à vide, sans un seul marché. Pendant ce temps, il fallait continuer à honorer les charges incompressibles. La Covid-19 aidant, les sorties de prospection était réduites. Son tout premier contrat a consisté en un placement d’un technicien dans un mine pour une durée de deux semaines, puis un second marché de mise à disposition de deux techniciens.

Contrairement aux autres, Christine Kaboré n’était pas un professionnel du secteur minier. Titulaire d’une licence en gestion et marketing, elle a d’abord exercé dans le secteur bancaire pendant 12 ans. De la banque, elle aperçoit que le code minier de 2015 offre des opportunités en matière fourniture locale de biens et services dans bien de domaines. « J’ai vu qu’avec le nouveau code minier, le nettoyage et l’entretien sont réservés à 100% aux nationaux ; je me suis donc vite intéressée à ce secteur », confie-t-elle. Elle décide alors de se lancer dans la fourniture de prestations aux compagnies minières dans ce domaines. Après deux années gestation et de fonctionnement informel, elle formalise en 2020 son SARL, Neyliss Offers, spécialisée dans le nettoyage industriel, plus précisément dans l’entretien permanent et périodique des locaux professionnels, tels que les bureaux, le matériel et mobilier, le nettoyage fin de chantier, la gestion des déchets, la fumigation (désinfection) intérieure. L’entreprise opère également dans la distribution des équipements de protection individuelle.  Pour faire face à ses charges incompressibles, en attendant de décrocher un marché dans les mines, Mme Kaboré se retourne vers les résidences privées, les ONG, les institutions financières auxquelles son entreprise offre ses services de nettoyage et d’entretien. « Pas faute d’avoir tenté, peut-être que ce n’était pas assez. Sinon nous avons essayés du mieux que nous pouvions, à travers les dépôts d’offres de service. Mais les marchés miniers sont différents des marchés classiques que l’on connait. C’est un domaine compliqué avec ses exigences et normes qu’il faut connaitre. La réponse aux besoins des mines s’effectue toujours dans la scélérité», fait-elle remarquer.

Mais à force de persévérance, après quatre années, à l’issue d’un appel d’offre concurrentiel, Christine Kaboré décroche enfin son premier contrat de nettoyage et d’entretien, d’une valeur de 15 millions F CFA pour une durée de six mois, avec une mine de la place. « Depuis 2020, nous pouvons dire que c’est en 2024 que nous sommes entrées réellement dans la fourniture locale de biens et services miniers », ironise-t-elle. Aujourd’hui, avec un chiffre d’affaires de 26 millions, l’entreprise emploie 25 personnes dont six permanents. Pour la mobilisation des fonds nécessaires à la création de son entreprise, elle dit n’avoir pas rencontré de difficultés particulières.  « Sur le plan financier, je n’ai pas eu de problème, car, le domaine du nettoyage ne demande pas beaucoup d’investissements », fait-elle savoir.

Aujourd’hui, bravant les pesanteurs socioculturelles et les difficultés de tous genres, ces femmes entreprenantes opérant dans la fourniture locale de biens et services miniers, tiennent leur place l’économie burkinabè, dans l’écosystème minier, et participent à sa compétitivité, indique la directrice exécutive de la Chambre des Mines du Burkina (CMB), Priscille Zongo. « Les sociétés minières disent que les femmes ont plus de rigueur, de doigté, sont plus sérieuses dans le travail. Elles contribuent à la productivité du secteur. De l’avis des managers, quand une femme est sur une machine, elle en prend mieux soin. Le secteur minier a donc besoin de la contribution des femmes », confie-t-elle.

Un leadership inspirant

« Elles font du bon travail comme les hommes et je dirais mieux que certains hommes », renchérit le directeur général de IAMGOLD Essakane SA, Tidiane Barry. Pour cette société pionnière dans la promotion du contenu local au Burkina Faso, la prise en compte du genre dans toute la chaine de valeur minière est une question importante qu’elle a du reste intégré dans sa stratégie opérationnelle. « Pour ce qui concerne spécifiquement la fourniture locale, nous nous efforçons d’avoir au moins 30% de nos commandes auprès de coopératives et d’entreprises dirigées par des femmes », précise Mr Barry.

La présence des femmes dans le secteur minier, ajoute Mme Zongo, participe au bien-être familial voire social ; car, quand une femme a du revenu, elle pense en premier à ses enfants, à la famille. Plus les femmes sont dans les mines, plus les enfants ont accès à une éduction de qualité, à la santé, argumente-t-elle.

En plus d’être source de revenus et d’emplois, ces femmes entrepreneures sont des modèles de leadership qui inspirent la jeunesse, en quête de repères.  Omar Koassa est fiscaliste-comptable à l’entreprise 3M Solutions depuis 2020. Marié et père de deux enfants, son traitement salarial lui permet de gagner sa vie, de bien prendre en charge sa famille. Il salue cette belle initiative de Mme Nacro de mettre en place une entreprise dans le secteur de la fourniture des biens et services miniers, un secteur dominé par des hommes. « L’entreprise intervient dans la maintenance, un domaine où il n’y a pas de femmes. Mais comme elle est battante, elle arrive à compétir avec les hommes et à prendre des parts de marchés », fait-t-il savoir. Mr Koassa est séduit par les qualités managériales de sa patronne. « Généralement, les hommes n’aiment pas se faire commander par une femme. Mais Mme Nacro a un leadership qui lui permet de nous manager sans problème, de nous orienter. Avec elle, on se sent plus en famille qu’en entreprise », se réjouit-il. Mieux, pour Omar Koassa, par son parcours d’ouvrier à chef d’entreprise, la première responsable de 3M Solutions est un repère, un modèle inspirant qui prouve qu’il est possible pour la femme d’entreprendre et de réussir dans des domaines dits masculins.

S’il y des entreprises de femmes comme Aurora Drilling services, 3M Solutions, Upright Partner, Neyliss Offers qui tracent leurs sillons et forcent l’admiration, le genre féminin reste faiblement représenté dans le secteur minier, surtout dans l’entrepreneuriat minier. « Environ 10 % des emplois dans les mines sont occupés par les femmes. Ce taux n’est pas satisfaisant », fait savoir la directrice exécutive de la CMB ; tout en précisant que la représentativité des femmes est davantage faible lorsque l’on monte vers le top-management. Selon président de l’Alliance des fournisseurs Burkinabé de Biens et Services Miniers (ABSM), Yves Zongo, cette organisation faitière compte environ 300 membres, dont 10% de femmes. « Nous n’avons pas de répertoire spécifique d’entreprises de femmes, mais on sait qu’elles sont beaucoup présentes dans la fourniture des biens alimentaires, à travers des coopératives au niveau des sites des sociétés minières », ajoute le secrétaire technique du Contenu local et de la promotion des investissements au ministère des mines, carrières et de l’énergie, Zépherin Zongo.

Le difficile accès à l’information, aux financements, le manque de formations, les pesanteurs socioculturels sont les principaux obstacles à l’entrée dans le secteur minier. « En plus des spécificités du secteur minier, les femmes rencontrent les mêmes contraintes que celles auxquelles facent dans l’entrepreneuriat dans les autres secteurs d’activités économiques », fait remarquer Zépherin Zongo.

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

Légende (crédit photo : Mahamadi SEBOGO) 


Contribution à l’économie nationale

Avec une douzaine de mines en production, le Burkina Faso est classé 4e producteur d’or en Afrique en 2023. Ces dernières années, l’or constitue le principal produit d’exportation du pays. Selon le ministère en charge des mines, en 2023, les recettes d’exportations d’or s’élèvent à 2 349 milliards F CFA, soit 79% des recettes totales d’exportations.  Au cours de la même année, la contribution du secteur minier au budget de l’Etat s’élevait à 529 milliards F CFA (soit 19% des recettes publiques) contre 468 milliards F CFA en 2022. Pour ce qui est de la contribution du secteur minier au PIB, elle est estimée à 14,8% en 2023 contre 14,5% en 2022, et est projetée à environ 15% en 2024.

Toujours selon le département en charge des mines, en 2022, sur des achats des sociétés minières estimés à 900 à milliards F CFA, environ 380 milliards F CFA, soit 33%, sont revenus aux entreprises nationales. En 2023, la part des fournisseurs burkinabè est d’environ 450 milliards F CFA (soit 37%), sur un total d’achat des sociétés minières évaluées à 1 190 milliards F CFA. Pour certains cette part reste faible, et il existe des marges pour pousser la barre à au moins 80%.

M.S


Les nouvelles lois minières suscitent l’espoir

Après ces deux codes miniers de 2003 et de 2015, le Burkina Faso s’est doté d’un nouveau code minier et d’une loi spéciale sur le contenu local, le 18 juillet 2024. Selon le gouvernement, ces nouvelles lois minières visent à assurer une meilleure appropriation de l’industrie minière à travers le renforcement de la présence des nationaux dans la chaine de valeurs minières, mais aussi des retombés de l’exploitation minière sur l’économie nationale et l’amélioration des conditions de vie des burkinabè.

La participation totale de l’Etat au capital des mines qui pourrait atteindrait désormais au moins 45%, l’ouverture du capital des multinationales aux nationaux, le recouvrement du dividende obligatoire par tout moyen, l’obligation faite aux sociétés minières de contribuer à la constitution de la réserve nationale d’or, la mise en place d’un fonds d’appui au contenu local, constituent, entre autres, des réformes majeures introduites par ces niveaux textes de lois. Ces nouvelles dispositions qualifiées d’audacieuses par certains sont salués par les acteurs locaux.

« Il faut féliciter l’Etat, qui, aujourd’hui, a pris la pleine mesure de l’importance de la fourniture locale il y a dix ans, quand on parlait de fourniture locale, certaines compagnies minières quittaient la table. Si depuis les années 2011, on avait le cadre législatif d’aujourd’hui, ce aura été très bénéfique pour le pays », fait remarquer Dina Lankoande/Yanogo. Ce nouveau cadre juridique suscite beaucoup d’espoir mais les effets escomptés dépendront de leur mise en œuvre sur le terrain. C’est pourquoi les acteurs nationaux, à l’unisson, appellent le gouvernement à prendre toutes les mesures idoines pour l’application rigoureuse de ces textes juridiques.

M.S


Lucie Kabré, président de l’AFEMIB :« nous ne saurions imaginer un développement économique et social harmonieux sans les femmes »

La président de l’Association des Femmes du secteur minier Burkina (AFEMIB) revient sur le rôle et la place des femmes dans le secteur minier burkinabè, ainsi que les difficultés auxquelles, elles y font face.

Sidwaya (S) : Quel est l’état des lieux de la prise en compte des femmes dans le secteur minier burkinabè ?

Lucie Kabré (L.K) : En considérant les douze compagnies minières burkinabè, sur un total de 9351 employés, on a 8472 hommes contre 872 femmes, soit 9,32% de femmes, ce qui est très faible.  C’est un milieu fortement masculin. Néanmoins, la femme a bien sa place dans ce secteur important de l’économie Burkinabè.

 

S : Quelle appréciation faites-vous de la prise en compte des femmes en matière de contenu local ?

L.K : La stratégie de contenu local laisse une place pour la prise en compte des femmes, car les retombées des mines doivent profiter à toute la communauté entière. Elle dispose d’un indicateur phare de suivi dans le contenu local qui est l’augmentation de la proportion des femmes employées dans le secteur minier qui devra passer de 3% de femmes en 2019 à 6% en 2023 ; 8% en 2024 et 10% en 2025.

Les actions d’accompagnement sont en cours pour permettre d’atteindre ses objectifs en la matière. Au demeurant, un travail doit se faire sur le terrain afin de doter les femmes de compétences nécessaires pour faire face aux besoins de services et de prestations des mines.

Au niveau statistique, les femmes représentent plus 52% de la population Burkinabè, nous ne saurions imaginer un développement économique et social harmonieux sans cette partie de la population.

Elles sont en partie des actrices économiques dynamiques et ne sauraient être écartées de la répartition de la richesse naturelle des localités dans lesquelles elles vivent.

Il faut aussi noter que les femmes sont reconnues comme étant des personnes crédibles et de confiance en affaires. Ce qui est un atout.

 

Prendre en compte les femmes dans la mise en œuvre du contenu local est crucial pour promouvoir l’égalité des chances et maximiser le potentiel économique. Dans les services où les femmes occupent les postes sensibles, la rentabilité est élevée parce qu’elles travaillent honnêtement et y mettent tout leur cœur dans ce qu’elles font. Leur inclusion optimise les ressources humaines, favorise le développement durable des communautés, et réduit les risques de conflits sociaux. Intégrer les femmes renforce également l’entrepreneuriat local et permet de concevoir des politiques plus inclusives et adaptées. En somme, leur participation est essentielle pour un développement équitable et durable dans le secteur minier.

 

S : Qu’est-ce qui freine l’entrée des femmes dans le secteur minier ?

L.K : La présence des femmes dans le secteur minier est limitée par des stéréotypes de genre qui considèrent les métiers miniers comme masculins, un accès restreint à la formation technique et aux opportunités de carrière, ainsi que des conditions de travail souvent inadaptées. De plus, les étudiantes rencontrent des difficultés pour accéder aux stages pour compléter leurs formations théoriques et être compétitives.  Certes, certaines mines font de la discrimination positive lors des recrutements mais c’est insuffisant.

 

Les femmes dans l’entrepreneuriat minier sont limitées par des difficultés d’accès au financement, un manque de formation spécialisée et des réseaux professionnels insuffisants. Elles rencontrent également des obstacles pour entrer dans les chaînes d’approvisionnement minier en raison des exigences élevées des minières, de la difficulté d’accès à l’information et de la discrimination. De plus, les préjugés de genre et les stéréotypes peuvent freiner leur reconnaissance et leurs opportunités dans le secteur.

S : Quelles solutions pour une meilleure promotion de la présence des femmes dans le secteur minier, l’entrepreneuriat féminin dans la fourniture des biens et services miniers ?

 

L.K : Pour promouvoir la présence des femmes dans le secteur minier, il est crucial de sensibiliser les communautés et les entreprises aux avantages de l’inclusion des femmes. Il faut également encourager les filles à poursuivre des filières scientifiques et techniques dès le plus jeune âge. Des programmes de formation et de mentorat doivent être mis en place pour les femmes intéressées par le secteur minier. Enfin, assurer des conditions de travail équitables et des opportunités de financement adaptées est essentiel pour soutenir leur participation.

 

Il convient de réaliser des études et des recherches pour comprendre les défis spécifiques auxquels sont confrontées les femmes dans le secteur minier et utiliser ces informations pour développer des politiques et des programmes plus efficaces. Il y a aussi lieu d’encourager les institutions financières à créer des produits financiers spécialement conçus pour les femmes dans le secteur minier.

Propos recueillis par M.S

 

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