France : que peut la loi anticasseurs ?

 

En dépit des mesures prises par le président français, Emmanuel Macron, pour désamorcer la déferlante des «Gilets jaunes», ce mouvement social spontané apparu en octobre 2018, qui manifeste tous les samedis en France, la tension est toujours dans l’air. A la suite de l’acte VIII de leur rassemblement le week-end dernier, le gouvernement a décidé de durcir le ton contre les violences qui émaillent les manifestations.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé que le gouvernement va déposer d’ici à début février un projet de loi à l’Assemblée nationale pour mieux encadrer le droit de manifester en France. Huit semaines après l’éclatement de la colère des Gilets jaunes contre, entre autres, l’augmentation de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la faiblesse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires, la situation se dégrade de jour en jour avec des actes de violences inouïes. Ceux qui avaient pronostiqué l’essoufflement du mouvement, parce que sans structuration cohérente, ont eu tort très tôt, puisque les Gilets jaunes continuent tant bien que mal de maintenir le cap de la mobilisation à travers le pays. Malgré des mesures comme 100 euros de plus sur le salaire d’un « Smicard » et la défiscalisation des heures supplémentaires, la détermination est encore farouche. Le déploiement impressionnant des forces de l’ordre lors des «manifs» n’y a rien fait. Face à cette situation qui s’apparente à un enlisement, les autorités françaises ont opté de recourir à la loi.

« Les casseurs n’auront pas le dernier mot », a martelé, le Premier ministre, Edouard Philippe, sur le plateau de TF1 dans la soirée du lundi 7 janvier 2019. Selon la lecture du chef du gouvernement français, la liberté de manifester est en train d’être exploitée de façon abusive depuis l’apparition des Gilets jaunes  et il est plus qu’impératif d’agir. «Il faut préserver la liberté de manifester en France et il faut sanctionner ceux qui veulent enfreindre ce droit à manifester», a-t-il signifié. Il est temps de situer la responsabilité des uns et des autres dans le désordre qui s’installe progressivement dans l’Hexagone. Et ceux qui se livrent, lors de ces manifestations, à des actes de vandalisme doivent être sanctionnés. Pour Edouard Philippe, trop c’est trop, et force doit rester à la loi. « Faire en sorte que la responsabilité civile des casseurs soit très sérieusement engagée de façon à ce que les casseurs qui payent et non les contribuables pour les dommages qui sont causés », a-t-il déclaré.

En clair, la loi encadrant le droit de manifester doit être durcie pour sauver la République. Si la loi existe, c’est pour encadrer l’action collective et lorsque les intérêts de la collectivité s’en trouvent menacés, il y a lieu de renforcer les dispositifs règlementaires. Mais se limiter à voter une loi pour recadrer des citoyens qui expriment leur ras-le-bol contre des difficultés qui les assaillent au quotidien serait une aberration. Pourquoi «l’état d’urgence économique et sociale» décrété par Emmanuel Macron en début décembre dernier n’a-t-il pas calmé le courroux des Gilets jaunes ? Pourquoi nonobstant sa structuration peu cohérente, le mouvement continue de faire parler de lui ? Plus qu’une question d’organisation, c’est une communauté de problèmes qui unit les Gilets jaunes.

Et ces problèmes ont pour nom le coût excessif de la vie et le poids des taxes et impôts qui érodent leurs maigres revenus. Tant qu’un remède efficace ne sera pas trouvé contre ces maux qui les minent, ils sortiront toujours pour crier leur mal-être sur la place publique. Le gouvernement, en plus de renforcer la loi sur le droit de manifester, a l’obligation de se pencher sérieusement sur ce qui pousse une partie importante de ses citoyens dans les rues depuis plus de deux mois.

Karim BADOLO

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