Dans le cadre de l’atelier régional de partages d’informations et d’expériences sur « les services écosystémiques des forêts et des arbres pour la résilience socio-écologique au changement climatique en Afrique », organisé par le Forum forestier africain (AFF), deux chercheurs burkinabè ont présenté les résultats de leurs recherches menées sur la réserve de biosphère de Bala, la forêt classée de Dinderesso et la forêt classée du Kou dans la province du Houet et sur deux types de sols dégradés à Saria (province du Boulkiemdé) et dans la forêt classée de Laba (province du Sanguié), les 3 et 4 juillet 2023, à Nairobi, au Kenya.
Dans un contexte de changement climatique, la recherche scientifique a un grand rôle à jouer pour la résilience de l’Afrique. Fort de cette conviction, le Forum forestier africain appuie des projets de recherche sur les liens entre changement climatique et gestion durable des forêts et des arbres hors forêts dans plusieurs pays africains.
A l’occasion de l’atelier régional de partages d’informations et d’expériences sur « les services écosystémiques des forêts et des arbres pour la résilience socio-écologique au changement climatique en Afrique », qu’il organise du 3 au 7 juin 2023 à Nairobi, deux études réalisées au Burkina Faso et financées par AFF ont été présentées.
La première, conduite par le doctorant en développement rural, Option foresterie, à l’Université Nazi Boni, Comlan René Yaovi, porte sur « Impact du changement climatique et de la dynamique du couvert végétal sur les services écosystémiques des aires protégées au Sud du Burkina Faso » avec pour terrain de recherche la réserve de biosphère de Bala (19200 ha), la forêt classée de Dinderesso (8 500 ha) et la forêt classée du Kou (115 ha), dans la province du Houet.
Les services écosystémiques sont tous les biens et services tels le bois, les plantes médicinales, les produits forestiers non ligneux, l’éco-tourisme, l’ombre, le service de régulation climatique (chaleur, fraicheur, apport en pluie) sans oublier les services socioculturels comme les rites, les cultes traditionnels dans ces réserves forestières, a-t-il précisé.
« A travers cette recherche, nous avons voulu, entre autres, évaluer le niveau de connaissances et de perception de ces services par les populations riveraines mais aussi l’équilibre entre la capacité de fourniture de services écosystémiques des forêts (l’offre) et les besoins des populations (demande) », a indiqué M. Yaovi.
Des pertes de milliards F CFA
Sur 22 indicateurs ou services évalués, l’étude conclue que les populations riveraines ont une connaissance de la plupart des services que les forêts leur donnent.
« Elles savent par exemple que c’est la forêt qui rend le climat doux, apporte la pluie, fertilise les sols, améliore la qualité de l’air… », a-t-il fait savoir.
Cependant, elles ne perçoivent pas les interactions entre les services ; par exemple, elles ignorent que couper du bois peut les empêcher de bénéficier d’autres services comme la régulation du climat. Tout comme les paysans, l’administration aussi ne perçoit pas toujours ces interdépendances entre les services écosystémiques, qui commandent que tout projet d’exploitation des forêts soit planifié afin d’assurer la continuité et la coexistence des différents services, a-t-il ajouté.
« L’étude a également permis de monter que de 1985 à 1999, du fait de l’action de l’homme, la forêt classée de Dinderesso a perdu de la valeur, estimée à plus de 2 milliards F CFA. Au niveau de la réserve de Bala, sur la période 1985-2000, la perte est d’environ un milliard F CFA ; alors qu’entre 2000 et 2019, il y a eu un gain de 1,6 milliards F CFA, grâce aux nouvelles approches de gestion », fait-il savoir.
A l’issue de son étude, René Yaovi recommande un changement d’approche ; il faut proposer des solutions alternatives aux populations si l’on ne veut pas qu’elles exploitent les ressources forestières de façon abusive, a-t-il préconisé. Et d’insister qu’il faudrait une véritable prise de conscience de l’importance des forêts, de leur valeur économique, par les gouvernants, si l’on veut faire bouger les lignes.
Face à l’insuffisance du personnel forestier pour assurer une meilleure protection des forêts, le jeune chercheur préconise l’utilisation des images satellitaires et de l’intelligence artificielle pour suivre la dynamique du couvert végétal et pour mieux surveiller de manière permanente les forêts.
Le second travail de recherche présenté à cet atelier régional est l’œuvre de l’ingénieure de recherche à l’INERA, Dr Sata Diawara, et porte sur la « performance de trois espèces ligneuses locales sous différentes pratiques de plantation et effets sur l’infiltration en eau du sol et la séquestration du carbone », dans les localités de Saria (province du Boulkiemdé) et Laba (province du Sanguié).
Conditions de réussite des compagnes de reboisement
L’objectif de la recherche est de tester différentes options de gestion sylvicole pour améliorer les performances des plantules du kapokier (Bombax costatum), du raisinier sauvage (Lannea microcarpa) et du caïlcédrat (Khaya senegalensis) sur deux sols dégradés du Burkina Faso, à savoir le sol de station de Saria et le sol de la forêt classée de Laba.
A travers des dispositifs de plantation sur ces deux types de sols, l’étude a permis de conclure, après 22 mois d’expérimentations, que l’apport de 2Kg de compost dans les trous de plantations de 60 cm de diamètre et de 60cm de profondeur améliore nettement la performance de croissance des plantules des trois espèces, a souligné Dre Diawara.
L’étude a également montré que la plantation de ces trois plantes améliore la capacité d’infiltration de l’eau dans le sol. Ce qui permet de disponibiliser de l’eau pour les plants dans le développement de leurs systèmes racinaires et de leurs organes aériens, a-t-elle ajouté.
Mais pour ce qui est de l’amélioration de la fertilité des sols, il faut attendre un peu plus longtemps pour reprendre les analyses chimiques sur la teneur en carbone et en matière organique des deux sols qui avaient été faites avant les plantations, évaluer cette teneur avant de tirer des conclusions.
« Les résultats préliminaires de nos recherches permettent d’interpeller le ministère en charge de l’environnement à tenir compte des dimensions des trous de plantations pendant les compagnes de reboisement. Car, ce que l’on constate pendant ces campagnes, ce sont des trous de plus petite dimension qui sont utilisés. Et aussi d’apporter du compost pour disponibiliser les éléments nutritifs tels que le phosphore et l’azote pour les jeunes plantes », a recommandé Mme Diawara.
Elle a aussi suggéré de coupler à ces pratiques, un arrosage régulier des plants durant la saison sèche et de les protéger contre les effets néfastes des perturbations anthropiques (feux de brousse, broutage et piétinements des animaux).
Dans tous les cas, il ne sert à rien de mettre chaque année sous terre un grand nombre de plants qui ne pourront pas survivre aux conditions environnementales difficiles lorsque les bonnes méthodes de plantation ne sont pas appliquées ; car, ce qui va permettre d’atteindre les objectifs de récupération des terres dégradées, c’est le taux élevé de survie des plants, a-t-elle conclu.
Mahamadi SEBOGO
Depuis Nairobi (Kenya)