
Fonctionnaire international chargé de l’informatique à l’UNICEF à Addis-Abeba, en Ethiopie, Gilbert Nanema y est le délégué adjoint du Haut conseil des Burkinabè de l’extérieur (HCBE). Il est également secrétaire général adjoint de la communauté burkinabè résidant dans ce pays. Dans cette interview accordée à Sidwaya, le 24 juillet 2025, à Addis-Abeba, M. Nanema aborde l’attachement de la diaspora burkinabè en Ethiopie à la mère patrie. Tout en appelant ses compatriotes à l’union sacrée autour de la nation, il se réjouit de voir que les efforts de reconquête du territoire national, se mènent concomitamment avec des initiatives novatrices de développement endogène et qui témoignent de la capacité de résilience du pays des Hommes intègres et renforce son image de marque à l’internationale.
Sidwaya (S) : Comment se porte la communauté burkinabè résidant en Ethiopie ?
Gilbert Nanema (G.N) : La communauté burkinabè se porte bien ; elle est une petite communauté particulière, essentiellement composée de fonctionnaires des Nations unies, de l’Union africaine et de certaines ONG, donc des personnes très en mouvement. Malgré la mobilité de ses membres, la technologie aidant, la communauté garde une communication assez fluide, tient des réunions, mène des activités et participe surtout aux Journées patriotiques en étroite collaboration avec l’ambassade qui est un soutien inestimable. Je profite souligner le rôle que jouent nos ambassades. Pour nous de la diaspora, chaque fois que nous mettons le pied à l’ambassade, c’est comme si nous sommes rentrés au pays. Nous y vivons une forte sensation ! Et lorsque nos réunions se tiennent à l’ambassade, elles prennent une dimension spéciale, tellement nous nous sentons chez nous au pays. Cette porte ouverte de notre ambassade à Addis-Abeba nous donne beaucoup de facilités. Partout où elles se trouvent, nos ambassades jouent un grand rôle dans la mobilisation des Burkinabè de l’extérieur, et cela est à saluer.
S : A combien peut-on estimer les Burkinabè vivant en Ethiopie ?
G.N : Nous avons un répertoire de Burkinabè résidant à Addis-Ababa. En termes de familles, nous sommes entre 20 et 25 et entre 40 et 50 personnes, essentiellement des fonctionnaires internationaux. Des Burkinabè qui viennent à l’aventure, on n’en a pas en Ethiopie, qui est un pays un peu spécial dans ce sens-là.
S : Quels types d’activités la communauté burkinabè mène-t-elle en terre éthiopienne ?
G.N : Les faits sociaux qui concernent les membres sont surtout pris en compte dans nos activités : les baptêmes, les mariages, les cas malheureux de décès, même quand ils se produisent au pays. Les principales fêtes chrétiennes et musulmanes sont célébrées en communauté, pour communier ensemble en tant que burkinabè. Au niveau des Nations unies, chaque année, il est organisé un bazar où chaque pays peut venir présenter ses produits. Entre temps, nous avons eu un passage à vide au niveau de cette activité. Mais, nous sommes en train de reprendre les choses en main pour que cette année, par exemple, le bazar soit vraiment une occasion pour la communauté burkinabè de présenter les produits et les mets locaux du pays.
S : Cette communauté burkinabè, bien que mobile, est-elle bien intégrée au sein de la société éthiopienne ?
G.N : Il y a une bonne intégration professionnelle et sociale. La langue nationale qui est l’Amharic est difficile à maitriser, mais nous fournissons des efforts pour l’apprendre et cela facilite les interactions avec les Ethiopiens. L’Ethiopie a une culture très ancienne et riche, qui ressemble à la nôtre en termes de valeurs telles que la famille, le respect des ainées et le port des tenues traditionnelles. De ce fait, on n’est pas très dépaysé et les Ethiopiens se montrent généralement gentils envers nous.
S : Généralement, les Burkinabè, partout où ils passent, sont bien appréciés pour les valeurs de travail, d’intégrité… qu’ils incarnent. Est-ce le cas également en Ethiopie ?
G.N : Vous faites bien de le souligner. Les Burkinabè sont assez appréciés. Et

heureusement, ces derniers temps d’ailleurs, cette appréciation est encore très appuyée. Nous avons la chance que ce qui se passe au pays, au niveau politique, soit très bien vu par tout le monde, en tous les cas en Ethiopie. Dès que vous dites que vous êtes Burkinabè, les questions pleuvent tout de suite : comment va le Président ? Comment va le capitaine Traoré ? Comment va … ? Les gens sont donc très intéressés à connaître davantage le Burkina Faso. Cela vient ajouter à l’admiration qu’ils ont pour les Burkinabè.
Et justement, nous devons en profiter pour faire tout ce que nous pouvons pour appuyer notre pays. Car, il y a une réelle bonne image du Burkina qui est véhiculée. Même ceux qui ne parlent pas bien français connaissent tellement bien le pays et le président que nous sommes obligés de garder le drapeau assez haut. Les Burkinabè sont assez appréciés et cela fait énormément plaisir !
S : Vous connaissez bien la situation de crise sécuritaire et humanitaire que traverse le Burkina Faso depuis une dizaine d’années. Comment, de l’extérieur, vous vivez cette difficile épreuve que vit la mère patrie ?
G.N : Il faut dire que c’est quand même pénible pour nous qui avons quitté le pays à un moment où il n’y avait pas cette situation. Du dehors, quand tu écoutes, suis les informations, cela fait très mal de voir que le Burkina Faso, un pays assez accueillant, qui abrite beaucoup d’événements comme le FESPACO, le SIAO, et qui est très bien admiré, se retrouve dans cette situation. Mais heureusement, ce qui est intéressant, c’est que malgré tous ces problèmes, il y a une résilience, une sorte d’engagement qui est contagieux.
L’engagement au haut niveau commence à être contagieux à tout le monde. On se rend compte qu’il y a une résilience qui se fait voir et que l’engagement et la fibre patriotiques des Burkinabè sont très forts. Certes, on a de la peine à accepter ce qui se passe, mais on a beaucoup d’espoir. Nous sommes tous d’ailleurs engagés à continuer, comme nous pouvons, à soutenir notre pays.
S : Pour vous, cet engagement des Burkinabè de l’intérieur comme de l’extérieur, qui se manifeste à travers les contributions au Fonds de soutien patriotique (FSP), est un élément positif…
G.N : Absolument ! Et nous sommes engagés dans cette lancée en Ethiopie. En décembre dernier, nous avons pu envoyer un peu plus de 9 millions F CFA au pays. En juin passé, nous avons pu aussi envoyer un peu plus de 3 millions F CFA et tout cela avec des gens qui ne sont pas toujours sur place. Ce n’est pas facile, mais nous sommes sûrs qu’au prochain rendez-vous, nous serons encore là. Cet engagement et cette capacité de résilience des Burkinabè sont une exception que tout le monde admire.
Cette détermination des Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur à se prendre en charge revient très souvent dans les questions que les gens nous posent : “ vous êtes vraiment très engagés, on a l’impression que le Burkina n’a plus besoin de bailleurs de fonds …” ! Absolument, cela constitue un point très positif. Et nous, Burkinabè de la diaspora, sommes très engagés dans cette voie, et nous pensons qu’il faut continuer.
Quand on est hors du pays, on se sent vraiment Burkinabè. Car, tous les jours, vous êtes interpellés : « vous êtes de quel pays ? Ah, vous êtes Burkinabè ! » Nous vivons donc réellement cet attachement au pays de manière forte et nous devons garder la tête haute pour faire honneur au pays d’une part et d’autre part, pour répondre à l’appel de la patrie.
S : Vous parliez tantôt de résilience, malgré la situation sécuritaire, il y a également plusieurs initiatives de développement qui se déploient sur le terrain. Comment appréciez-vous que le pays soit à la fois sur le front de la lutte contre le terrorisme et sur le front du développement ?
G.N : Nous l’apprécions d’autant plus que les gens ne s’attendaient pas, dans un contexte pareil, à voir le développement aussi se poursuivre. Beaucoup de gens pensent que nous sommes tellement acculés par les terroristes que nous ne pouvons plus travailler. Heureusement, comme par miracle, Dieu aidant, malgré tout cela, on a l’impression que nous sommes même plus actifs qu’avant. Le monde entier garde comme image, un pays qui, malgré les difficultés, arrive à poser des actes assez forts sur le plan économique !
On peut citer les usines de tomates, les constructions de routes, Faso Mêbo à Ouagadougou et dans certaines villes… C’est très merveilleux ! On se demande comment nous n’avions pas pensé à tout cela avant ! Toutes ces actions de développement font partie de ce qui donne au Burkina, cette image que tout le monde vend facilement, celle d’un pays d’exception qui fait école pour toute l’Afrique.
S : Face à cette situation de crise sécuritaire et de besoin de développement, avez-vous un message à lancer aux Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur ?
G.N : Le message reste le même que celui que le président du Faso ne cesse de lancer. Personne ne viendra faire à notre place, ni notre développement, ni notre sécurité. C’est à nous donc de nous prendre en charge et de suivre le pas et le rythme qu’ont déjà engagés les autorités. C’est ainsi que nous allons pouvoir nous en sortir. La situation a provoqué un réveil qu’il faut appeler tout le monde à maintenir. Restons éveillés, gardons notre solidarité, notre génie créateur. Certes, la situation est difficile, mais comme on dit souvent, la résurrection vient après la mort.
Nous lançons donc cet appel à tout le monde à rester soudé. Pour le moment, la situation paraît difficile à plusieurs niveaux, mais nous pensons que nous sommes sur la bonne voie ! Ce qui se passe actuellement dans notre pays est devenu comme une école pour le monde entier. Nous devons donc garder ce rythme-là et montrer que nous sommes capables de nous relever et que nous serons un exemple peut-être pour beaucoup de peuples et de pays qui traversent des situations difficiles. Gardons la tête haute, le meilleur reste à venir !
Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO
windmad76@gmail.com
(Addis-Abeba, Ethiopie)