Les groupes armés terroristes usent de tous les moyens pour semer la terreur. En plus de profiter des conflits communautaires pour opérer des recrutements et de recourir à la perfidie face aux armées régulières, ils veulent désormais opposer les Etats. La polémique née du supposé assassinat, le week-end écoulé, de 16 pèlerins nigérians de confession musulmane dans l’Est du Burkina Faso donne des pistes de réflexion sur ce nouveau mode opératoire.
Des voix se sont élevées au Nigéria pour tenir pour responsables de cet acte, les Forces de défense et de sécurité (FDS) burkinabè. Dans un communiqué, le président du Nigéria, Muhammadu Buhari, s’est prononcé sur cette affaire, indiquant que « les victimes se rendaient à Kaolak, au Sénégal, lorsque les bus les transportant ont été attaqués au Burkina Faso ». Il a ajouté que les 16 pèlerins ont été sélectionnés « au hasard sans aucun interrogatoire et abattus de sang-froid ».
Aussi le chef de l’Etat nigérian, a-t-il invité, le gouvernement burkinabè à ouvrir une enquête pour élucider la mort des intéressés. Cette situation a amené la ministre des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, Olivia Rouamba, à prendre langue avec l’ambassadrice nigériane, Misitura Abdulraheem, pour désapprouver les allégations portées contre l’armée burkinabè.
Tout en l’informant de l’ouverture d’une enquête, elle a également signifié à son interlocutrice que « pour le moment, aucune information concrète, ni aucun élément n’a été enregistré sur le terrain qui prouve la véracité des faits ». Mieux, la cheffe de la diplomatie a donné des explications sur la situation sécuritaire, particulièrement à l’Est, zone où l’incident se serait produit, au cours d’une rencontre élargie aux autres ambassadeurs des pays membres de la CEDEAO en poste au Burkina.
Les échanges ont permis de lever certaines incompréhensions, en attendant que les investigations puissent apporter plus d’éclairage. Comme dans la brouille avec le Ghana autour de la prétendue présence du groupe de sécurité privée Wagner au Burkina Faso, les autorités de la Transition ont joué à fond la carte du dialogue pour éviter des tensions inutiles avec le Nigéria.
Cette démarche hautement diplomatique est à saluer, dans un contexte sécuritaire sous régional précaire, où les groupes armés veulent instaurer le chaos. S’ils peinent à imposer leur volonté face à des armées gouvernementales, pas toujours bien équipées, mais déterminées, les terroristes tentent par tous les moyens de semer la zizanie. Ils se servent de la manipulation pour atteindre leurs funestes desseins, comme l’affaire des 16 pèlerins nigérians tués pourrait le laisser penser, l’intention ici étant manifestement de mettre deux pays en conflit. Le Nigéria et le Burkina ont su vraisemblablement éviter le piège de l’ennemi commun, prêt à tout pour gagner du terrain.
Jusqu’à preuve du contraire, l’armée burkinabè est réputée professionnelle en matière d’opérations, qu’elle ne saurait s’en prendre arbitrairement à des citoyens d’un autre pays. A moins de se retrouver en position de légitime défense, s’il s’agit d’une agression. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Le Nigéria et le Burkina, partenaires de longue date, qui ont en partage le défi de la lutte contre le terrorisme, entretiennent de très bonnes relations.
On se rappelle que l’Etat nigérian avait soutenu l’organisation des élections au Burkina, sous la Transition de 2015, en offrant 20 véhicules à la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette action, tout comme d’autres, illustre que l’axe Abuja-Ouaga se porte comme un charme. Les deux pays doivent continuer à préserver leur coopération et la développer davantage. Aucun fauteur de trouble ne doit mettre à mal cette collaboration. Comme l’a si bien dit le représentant résident de la CEDEAO au Burkina Faso, Tièna Coulibaly : « C’est lorsqu’il y a une fente dans le mur, que le margouillat y passe ».
Kader Patrick KARANTAO