Lu pour vous: un migrant dans la cave de Dieu

Dans son livre « Un migrant dans la cave de Dieu », l’écrivain burkinabè, Loro Mazono décrit à travers le personnage de Mabou, les souffrances subies par de nombreux migrants africains en quête d’une vie meilleure en Europe.

Malgré le petit commerce familial, Mabou, sa femme, Taï, et leurs cinq enfants, peinent à joindre les deux bouts. Pour sortir ses proches des griffes de cette pauvreté insupportable, Mabou décide de quitter le Sénégal, son pays d’origine, pour aller tenter sa chance en France. « Ah le pays de cocagne (France)! Pays où l’argent se ramasse à la pelle. Pays où le travail se trouve facilement. Pays où les gens ne souffrent jamais et ne meurent peut-être jamais », s’extasie Mabou, un brin rêveur… C’est le point de départ du livre « Un migrant dans la cave de Dieu » de l’écrivain burkinabè Loro Mazono. Ses tentatives d’obtenir un visa s’avèrent infructueuses. Munies de ses maigres économies, Mabou, le personnage principal de l’œuvre, veut néanmoins se rendre, à tout prix, à Marseille, en France. « Entre deux risques, il est préférable, selon moi, de choisir le moindre. Si tu tiens absolument à faire le voyage pour Marseille, il serait préférable de te rendre à Tanger. Là-bas, tu trouveras certainement un passeur qui te proposera ses services. Celui-ci t’embarquera et te conduira à Tarifa, ville frontalière entre le Maroc et l’Espagne. Ainsi, tu pourras peut-être gagner Marseille. Nombre de candidats à l’émigration sont passés par là et vivent aujourd’hui en France », lui conseille-t-on. Encouragé, et surtout déterminé, il débute son périple pour Tanger (Maroc), en passant par Dakar et Casablanca. Au cours de son séjour, il fait la connaissance d’un passeur malhonnête. Pour rejoindre la Méditerranée, Mabou doit débourser vingt mille dirhams, soit plus d’un million trois cent mille F CFA. Mabou est obligé de s’acquitter de cette somme. Sous le froid et le vent, c’est le début d’un voyage sur une mer furieuse… Un voyage hasardeux. Des rencontres plus ou moins favorables.

Un migrant stoïque

La désillusion s’installe peu à peu chez Mabou au fur et à mesure que des kilomètres le séparent de son village natal. Il réalise son erreur, mais il est déjà trop tard pour faire marche arrière. Plongé dans un grand désarroi, Mabou comprend que la vie de migrant est loin d’être un long fleuve tranquille… « S’il échappe à la noyade, c’est pour devenir l’ouvrier corvéable à merci d’un entrepreneur cupide qui voit en lui une main-d’œuvre à bon compte » (quatrième de couverture). Humaniste, et frénétique, « Un migrant dans la cave de Dieu » dévoile la face cachée et éhontée de l’exploitation de migrants. Au fil des pages, l’on découvre, cependant, la capacité de résilience, et le stoïcisme d’un père de famille qui rêvait d’un eldorado. Le lecteur découvre, à travers les lignes, la peur, la terreur et les déceptions de Mabou, et notamment ses tristes pensées pour les siens restés au pays… Après ses études en Lettres Modernes à l’Université de Ouagadougou, Loro Mazono, lit-on à la quatrième couverture de l’œuvre, travaille comme enseignant, puis comme agent au dépôt légal à la direction du livre et de la promotion littéraire au ministère de la Culture et des Arts. En décembre 1998, le journaliste Norbert Zongo est assassiné. Loro Mazono prend activement part à la protestation du 8 avril 2000 pour réclamer justice. Il est arrêté et écroué. Une fois libéré, il rédige un article sur les conditions de sa détention. Arrivé en France en 2001, il collabore avec « L’Indépendant », le journal fondé par Norbert Zongo. Demander davantage de dignité pour dix-sept migrants ayant passé la nuit dehors avec des enfants en bas âge, dans des conditions dégradantes, lui vaut d’être arbitrairement placé en garde en vue au commissariat de Police de Gap. Loro Mazono se consacre aujourd’hui à l’écriture, pour continuer de donner sa voix aux plus faibles. Il est également l’auteur, entre autres, de « Le Placenta »; « Hommage au journaliste Norbert- Zongo »; « La Quatrième Poubelle »; « Massa Djembéfola ou le Dictateur et le Djembé »; « La porteuse de Baya ». « Un migrant dans la cave de Dieu » coûte 19, 50 euros (environ 13 000 F CFA).

W. Aubin NANA

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