Malades abandonnés : dans la détresse des laissés-pour-compte

Daouda Sankara passera encore sa nuit dans le froid, dans cette moustiquaire.

Trainant dans les couloirs, les lieux de culte, les recoins…des hôpitaux, les malades sans accompagnants (abandonnés) dorment souvent, à la belle étoile dans des conditions difficiles. Abandonnés à leur triste sort, avec espoir, ils s’échinent à résister à des pathologies souvent incurables. De fin octobre à la mi-novembre 2025, nous sommes allés à la rencontre de ces laissés-pour-compte aux urgences traumatologiques, médicales, viscérales, psychiatriques…

La nuit est en train d’envelopper le Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). Mardi 25 novembre 2025. Il est 18h20mn. Le vent frais de l’harmattan souffle. Le temps est glacial. Blottis sous des arbres, recroquevillés sous des hangars, couchés sur des banquettes ou dans des couloirs, certains malades vont y passer leur énième nuit, à la belle étoile ou dans des abris de fortune. Ali Galbané (27 ans) vient de finir sa séance d’hémodialyse.

Extenué et incapable d’user de ses membres inférieurs, il peine à regagner son fauteuil

Plusieurs malades passent leur nuit à la belle étoile.

roulant…Agée d’une cinquante d’années, Awa Saré, sa mère, se débat de toutes ses énergies pour l’asseoir dans sa « voiturette ». Direction : leur chambre à coucher située
sous le hall du centre d’hémodialyse. Dans cette « boite » d’à peine 3 mètres carré, sans porte ni fenêtre, des tas d’habits sont posés pêle-mêle. Une natte trouée par endroits lui sert de couchette. Angoissée, Awa s’empresse d’attacher la moustiquaire. Une… deux roulettes, Ali est dans sa demeure. Depuis 2 ans, il squatte cette bicoque,
« une maison de luxe » qu’il n’avait jamais espéré habiter depuis 8 ans qu’il erre dans l’hôpital Yalgado.

« Nous avons dormi dans des toilettes… »

Les yeux pleins de larmes, il nous replonge dans son passé où sa vie a basculé. Elève en classe de 3e, Ali est diagnostiqué malade d’insuffisance rénale. Aucun centre de dialyse n’existe dans son Bittou natal pour lui assurer le filtrage régulier de son sang. Sa vie est désormais en danger. Quelques biens de la famille sont bradés pour avoir la caution de 500 000 F CFA pour commencer la dialyse. Il est obligé d’abandonner les cours pour sauver sa vie. Avec sa mère, il prend le risque de venir à Ouagadougou pour ne pas succomber à la maladie.

« Nous devrions faire 3 séances de dialyse par semaine. Sans moyens financiers, c’était impossible pour nous de faire ces allers-retours dans la semaine », précise le jeune,
la voix tremblotante. Sans aucune famille d’accueil dans la mégalopole Ouagalaise, Ali décide de poser ses pénates au sein de l’hôpital. Loin de son confort de Bittou, il passe désormais ses nuits sous un hangar à proximité du service traumatologique. « Nous n’avons pas d’argent pour louer une maison. Donc, il fallait dormir n’importe où », dit-il. 6 ans après, à la merci des moustiques, cafards, insectes de toutes natures… le jeune est obligé de déménager manu militari.

Couché dans sa moustiquaire, ce SDF espère recouvrer la santé et sa famille.

« Le hangar a été détruit pour construire un bâtiment», se remémore-t-il. Mais, il n’est pas au bout de ses peines. « Lorsqu’on a détruit le hangar, nous n’avions plus nulle part où aller. Nous étions obligés de dormir dans les toilettes pendant 2 ans. C’est après qu’un médecin nous a donné l’autorisation de dormir ici », confesse sa mère. Depuis leur « déménagement » à l’hôpital et abandonné par les siens, Ali Galbané ne vit que d’aumônes et du modique salaire de 10 000 F CFA de sa mère, qui lui est versé pour le nettoyage des toilettes du centre d’hémodialyse. Assise à 5 mètres, Fati Konkobo ne cesse de nous dévisager. La voix à peine audible, d’un geste de la main, elle nous invite à la rejoindre. Ali et Fati partagent le même chagrin : des parias de leurs familles à cause
de leur insuffisance rénale chronique.

Répudiée pour cause de maladie

Le visage ridé, la peau décharnée, livrée à elle-même, c’est dans un état piteux que nous la retrouvons sur la banquette en fer, entourée d’un baluchon et d’une vieille natte. 19h20. Assise sous le hall, elle attend que les derniers patients vident le lieu pour qu’elle installe sa « chambre ». L’attente est longue. Mais, les quelques mots qu’elle lâche, laisse entendre

Le coordonnateur de la pastorale santé du diocèse de Bobo-Dioulasso, Abbé Emmanuel Nabaloum : « dans notre centre, plus de 2 000 malades abandonnés y ont trouvé gite, couvert et soins ».
« je n’ai pas le choix ». Après 15 ans de traitement, l’époux de Fati Konkobo a fini par se lasser d’elle. Sans remord, il l’a répudié en 2022. Depuis lors, elle erre dans l’hôpital dès le lever du jour pour venir passer ses nuits au milieu des ferrailles. En pleurs, elle confie : « Depuis 3 ans, mon mari m’a divorcée parce qu’il dit ne plus avoir les moyens pour s’occuper de moi pour une maladie qu’il a traitée sans solution. ll a ajouté qu’il préfère désormais s’occuper de ses trois enfants ».

Désormais seule face à la maladie, Fati vit de la charité de l’église et de la mosquée pour se garantir au moins un repas quotidien. « Je me rends souvent à l’église pour pouvoir manger. Si le partage est déjà fait, je reviens dormir avec la faim », affirme-t-elle. Aussi, elle n’hésite pas à quémander les restes d’aliments du personnel soignant pour assouvir sa faim. « Souvent, lorsque les infirmiers finissent de manger, je leur demande la nourriture. S’il en reste, ils me donnent », révèle-t-elle. Dormir le ventre plein relève d’un « miracle » pour elle. « Ce soir encore, je n’ai rien à manger. J’attends le repas des infirmiers. Ils finissent de manger vers 22h après les séances de dialyse», lance-t-elle, somnolente.

Fati Konkobo a été répudiée à cause de sa maladie.

Il est 22h et les derniers patients quittent la salle de dialyse. C’est le moment idéal pour passer au lit. Fati n’a plus l’énergie d’aller tendre la main pour avoir à manger. Illico presto, elle déballe sa natte. Dans un espace de moins d’un demi mètre, elle coince sa couchette. « Je dois dormir tôt, parce que dès 4 heures du matin, il faut que je me réveille pour que
les nettoyeuses fassent leur travail », précise-t-elle avant de prendre congé de nous.

Des ordonnances difficiles à honorer

La nuit poursuit toujours sa course. Il est 23 heures. Assis dans son fauteuil roulant devant la mosquée, Daouda Sankara médite sur son sort. Depuis 11 ans, il « habite » à l’hôpital. Seul à porter sa croix, celui qui souffre d’insufissance rénale vit dans la hantise de comment honorer ses ordonnances. Empilés dans son sac noir accroché au cou, il s’y balade avec depuis belle lurette espérant tomber sur un bon samaritain. « Au niveau de mon cœur, le sang est coagulé. Donc le docteur m’a prescrit une ordonnance pour acheter des produits », relate-t-il. Sans hésiter, il brandit l’ordonnance.

« Mes soucis, c’est comment acheter mes produits et manger. Chaque quatre jours, je dois faire des examens. C’est très pénible pour moi », se lamente le Sans domicile fixe (SDF). Son calvaire commence en 2014. Comme par miracle, il perd l’usage de ses yeux. Très vite, ses parents sillonnent toutes les contrées pour espérer le faire voir à nouveau la lumière du jour. Au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Laba dans la commune de Boromo, les soignants lui font savoir que son mal est loin d’être ophtalmologique. Référé au CHU Yalgado, il est déclaré insuffisant rénal. Il doit parcourir plus de 200 Km trois fois par semaine pour faire sa dialyse.

Impossible pour ses parents agriculteurs d’offrir ce « luxe » à leur fils. Il est alors contraint d’élire domicile au sein de l’hôpital. Mais, les jours passent, personne ne vient à sa rescousse. Accusé régulièrement d’être à la base de sa maladie, son frère ainé et les siens ont fini par l’abandonner. « Depuis, je suis seul ici à me débrouiller. Comment quelqu’un peut se donner une maladie ?», s’interroge-t-il. Encore, une nuit de galère : sans nourriture ni médicaments à avaler. Une ribambelle de moustiques s’invite aux échanges. Les piqûres s’intensifient. Daouda ne les supporte pas.

Avant de déménager dans ce local, Ali Galbané et sa mère…

Il s’empresse de partir. Direction, la cuisine de l’hôpital. C’est dans le couloir du mur arrière qu’il va passer sa énième nuit dans sa « chambre », une mini moustiquaire qu’une bonne volonté lui a offerte pour qu’il ne dorme plus à même le sol. Posée à côté de quelques accompagnants de malades, sans gêne, il tire la fermeture éclaire et plonge dans cette
« cage ». Abou Mass, lui, ne sait plus à quel Saint se vouer. Au fil des années, son entourage a fini par se lasser aussi de lui. Aujourd’hui, son gros souci est comment rester en dialyse pendant longtemps tout en esperant payer ses médicaments et ses examens. Sans solution, il vit perpétuellement dans la psychose. Lorsque ses crises commencent avec sa tension qui monte, la nausée qui envahit sa gorge, les courbatures qui le « paralysent »

…couplées aux malaises insupportables, il se pose la difficile question : « est-ce que je vais me réveiller le lendemain ?». « La maladie a des sequelles difficiles. J’avais perdu complement la voix. A un certain moment, j’ai dis, Seigneur, je suis prêt viens me chercher…tellement j’avais mal », relate-t-il. Desesperé
des promesses, il confie : « certaines personnes te disent, écris-moi, je vais t’envoyer un peu d’argent. Tu les appellent toute une journée, ils ne répondent pas. A force de les rappeler, tu les énerves. Quelqu’un m’a dit la semaine passée qu’il a assez fait aussi pour moi. Je devais rénouveler mes produits autour de 17 000 F CFA. J’avais à peu près 5 000, lorsque je l’ai sollicité ». Désormais, il s’est resigné en attendant
la grace divine pour le “debarrasser” de sa maladie.

Inhumés sans un dernier adieu

…ont logé dans ces toilettes.

Souffrante de problèmes neurologiques, Aïcha ne veut pas aussi s’apitoyer sur son sort. Paralysée des deux pieds, son époux décide de la conduire à l’hôpital pour une meilleure prise en charge. Prétextant qu’il va faire une commission, il disparait sans laisser de traces. Les jours passent, aucune nouvelle de son conjoint. Il est injoignable sur ses téléphones. Sans soins, elle se retrouve seule, abandonnée avec son nourrisson. Pris de compassion, un des siens est venue la ramener en famille pour des traitements. Elle n’a jamais cru que son époux l’abandonnerait dans des moments critiques.

« Facilement, j’allais mourir sans qu’il ne soit à mes côtés », regrette-t-elle. Affaibli par la maladie, Adama n’a pas été aussi « veinard ». Incapable de dire comment il s’est retrouvé seul à l’hôpital ni la nature des diverses pathologies dont il souffre, il a séjourné au
CHU Souro Sanou (CHU-SS) de Bobo-Dioulasso pendant plusieurs semaines sans soins. Interpelé, le service de l’action sociale réussit à joindre son frère pour l’en informer. Au grand dam de tous, sa réponse laisse pantois : « je ne viens pas parce que nous ne sommes pas en odeur de saintété ». Le service social le supplie de ne pas abandonner son frère dans ces moments difficiles. Mais, peine perdue ! Le 28 octobre 2025, Adama rend l’âme dans l’indifférence totale de son frère ainé.

«La veille de son décès, nous l’avons appelé pour le sensibiliser de ne pas rompre ses liens avec son frère. Mais, il n’a rien voulu entendre. C’est l’hôpital, par le biais du service social, qui s’est occupé de lui jusqu’à son décès. Lorsqu’il est décédé, nous l’avons aussi informé.

De nombreux dialysés n’ont plus retrouvé leur famille depuis de nombreuses années.

Nous attendons de voir s’il viendra chercher le corps ou pas », déplore le chef du service social du CHU-SS, Amidou Konané. Il viendra ou pas pour s’occuper de son inhumation, difficile pour le service social de répondre. Selon Amidou Konané, au constat, plusieurs malades sont sans accompagnants au sein du CHU-SS. « Certains accompagnants n’ont plus espoir que leurs malades vivent. Ils arrivent qu’ils fuient les laisser.

Pour eux, débourser de l’argent pour les soigner, c’est peine perdue », regrette-t-il. Il confie que son service a enregistré 50 malades sans accompagnants en 2023, en 2024 c’était 47. « A la fin du troisième trimestre 2025, nous sommes à 23 », précise-t-il. Mais l’hôpital, à ses dires, a l’obligation de les soigner selon ses moyens et l’action sociale, à travers le Fonds national de solidarité et de résilience sociale, œuvre à ce qu’ils aient accès aux soins y compris les médicaments, les examens, les actes médicaux, les nattes, du savon, de la nourriture… « Les cas qui me marquent beaucoup, c’est ceux dont on recherche les proches et malheureusement, ils décèdent.

L’administration est appelée à les inhumer sans que les familles ne sachent s’ils vivent ou pas. Nous sommes tous appelés un jour à partir, mais au moins que la famille sache, si tu es toujours sur terre ou pas. Si tu es parti, on peut faire ton deuil », estime-t-il. Malheureusement, ajoute-t-il, son service n’arrive pas à retrouver les parents de la majeure partie des malades sans accompagnateurs. « Et même s’il arrivait que la famille vienne un jour pour le chercher, c’est difficile de retrouver les traces de sa tombe pour leur dire, c’est ici que votre parent repose désormais. Il y a des gens qui pensent que leurs proches sont toujours en vie, mais ils sont décédés, il y a longtemps », regrette-t-il.

Pascal Sanou, néphrologue et spécialiste en transplantation d’organes: “ plusieurs malades ont besoin de soutiens en continu”.

D’un geste de la main, il montre quelques effets empilés dans des cartons et sacs en plastique, posés dans les recoins de son bureau. « Vous voyez le sac en haut ? Il y en a plein ici. Ce sont des gens qui sont décédés. On n’a pas pu trouver leurs proches pour les informer pour qu’ils fassent le deuil», se désole-t-il. Arzouma (nom d’emprunt) est passé de vie à trépas le 25 octobre dernier. Toutes les recherches pour trouver sa famille se sont révélées infructueuses. Le 28 octobre 2025, il a été inhumé.

« C’est après son décès qu’on a retrouvé ses parents. Nous étions en train de les rechercher dans la communauté ghanéenne comme il s’exprimait en Ashanti. Des membres sont venus l’identifier et ont dit qu’ils ne le connaisse pas. Or, c’est un de nos frères du Sanguié. Lorsqu’on arrive à trouver la famille, cela nous soulage. On ne souhaite pas que quelqu’un meure dans ces conditions », avoue-t-il, la gorge nouée d’émotion.

« La société est absente… »

Rencontrée le 28 octobre 2025, après sa dialyse, Chantal Barro a décidé de se battre seule pour vaincre sa maladie. Depuis 7 ans, elle fait des allers-retours deux fois par semaine de Toussiana à Bobo-Dioulasso pour filtrer son sang. Débourser 2600 F CFA deux fois par semaine est un casse-tête pour elle. « Je ne reçois pas d’aide. Les gens sont fatigués de moi. Le seul frère qui me soutient me donne 20 000 F CFA par an pour mes soins », avoue-telle. Pilier de la famille, sur qui reposait la scolarisation de ses enfants, elle est devenue au fil des années, une « charge sociale ». « J’ai arrêté de solliciter de l’aide, puisque c’est sans suite », confirme-t-elle. Selon Yabil Traoré, ingénieur de santé en hémodialyse, la maladie rénale est une maladie chronique et la prise en charge est à vie. Et, certaines familles n’arrivent pas à y faire face et les malades sont laissés à eux-mêmes.

Yabil Traoré, ingénieur de santé en hémodialyse : « on ne peut être insensible face à la souffrance des malades qui n’arrivent pas à honorer leurs ordonnances, se nourrir, faire leurs examens.. ».

En tant qu’être humain, confie-t-elle, on ne peut être insensible face à la souffrance des malades qui n’arrivent pas à honorer leurs ordonnances, se nourrir, faire les examens…« Parfois, nous sommes obligés de payer les perfuseurs, les transfuseurs… pour eux. Le geste des médecins est à louer. Parce que les quelques médicaments qu’ils reçoivent sont distribués gratuitement aux malades qui n’arrivent pas à payer leurs médicaments contre la tension, le fer contre l’anémie… », confie-t-elle. Et le néphrologue et spécialiste en transplantation d’organes, Pascal Sanou, d’expliquer que plusieurs malades sont socialement démunis et ont besoin de soutiens en continu.

« Il nous arrive parfois, de cotiser pour payer les médicaments de certains malades, de leur offrir des médicaments gratuitement que nous recevons de certains collaborateurs, de négocier des examens pour eux gratuitement. Face à certaines difficultés, parfois vous regardez ces malades s’éteindre progressivement sans pouvoir rien faire. Cette vulnérabilité, nous la vivons au quotidien », regrette-t-il. Il avoue : « quelqu’un qui souffre d’une maladie chronique et qui est abandonné soit par sa famille, son entourage, la société… moralement, il ne tient plus ».

De ses dires, le principe de soins d’une maladie chronique, c’est le soutien moral et la force psychologique que le patient a. “Lorsque celui qui souffre d’une maladie chronique n’est plus fort moralement et psychologiquement, vos soins n’ont aucune valeur », affirme Dr Sanou. Prêtre du diocèse de Bobo-Dioulasso et secrétaire général de l’Association Saint Camille de Lellis, Abbé Emmanuel Nabaloum a décidé aussi ne pas baisser les bras face aux abandons des malades. Venu pour les funérailles de son père à Koumi, à une dizaine de Km de Bobo-Dioulasso, Doula (nom d’emprunt) a décompressé et disparu. Blessé sur plusieurs parties du corps, Doula a été déposé aux urgences traumatologiques par les services de secours au CHU-SS. Sans assistance ni soin, il criait dans le couloir et faisait ses besoins sur lui durant une semaine. Récupéré par l’Association Saint Camille de Lellis et placé au centre Notre Dame de l’esperance, le psychiatre commence le traitement. Après quelques jours de recherches, sa famille est localisée en Côte d’Ivoire.

Selon Père Paul Zoungrana, l’aumônerie apporte des soutiens multiformes aux malades en détresse.

« Voilà, un malade qui aurait pu mourir banalement dans la rue comme un délinquant alors qu’on le cherchait partout. Ceux qui l’ont retrouvé l’ont tabassé croyant que c’était un voleur à cause de sa maladie mentale », confesse l’Abbé Nabaloum. Au centre, plus de 2 000 malades abandonnés y ont trouvé gite, couvert et soins. « Il y a ordinairement une population de 80 pensionnaires », précise le coordonnateur de la pastorale santé, Abbé Emmanuel Nabaloum. Avec ce fort taux, explique-t-il, l’église a dû créer un centre de réinsertion pour ceux qui ont atteint un niveau de stabilité ou dont on n’a pas encore les traces des familles.

« Il n’y a pas une réponse institutionnelle suffisante qui absorbe cette problématique quand la famille ou la société est absente. S’il y avait une couverture sociale ou sanitaire qui absorbait ces vides, alors une personne en situation d’abandon ou qui commence un trouble dont la famille n’est pas à côté serait prise en charge. Comme il n’en existe pas, il se retrouve à une forme d’aggravation et finit dans la rue », dénonce-t-il. Pour lui, une société qui perd certaine valeur de solidarité, de ­­générosité spontanée ou d’attention à l’autre est une société qui naturellement se déshumanise.

Un grain d’humanisme

Au CHU Yalgado, l’aumônerie catholique œuvre pour la prise en charge, l’assistance sociale, l’achat des médicaments et des examens gratuits pour les malades. Selon Père Paul Zoungrana, religieux camélien, aumônier du CHU-YO, les malades d’insuffisance rénale, diabète, cancer… n’hésitent pas à frapper quotidiennement aux portes de l’aumônerie pour bénéficier d’une prise en charge. Alors, il affirme que tout malade sans aucune distinction de culture, de religion, qui désire être assisté, accompagné par une prière, une présence…l’aumônerie est toujours là pour lui.

« Les malades ont besoin de présence, d’assistance, d’accompagnement pour ne pas qu’ils se découragent. C’est pour cela que nous devons être le secours pour nos frères et sœurs dans leur nécessité, surtout quand survient la maladie, une longue maladie », conseille-t-il.

Selon le chef du service social du CHU-SS, Amidou Konané, l’hôpital œuvre à ce que les malades aient accès aux soins…

Alex Ouédraogo veut toujours être le secours pour sa femme Caroline. Depuis 15 ans, il est tourmenté par sa maladie rénale. Il a épuisé toutes ses ressources, vendu ses biens immobiliers (terrains…) pour apporter soins et réconfort à sa moitié. Les années passent, aucune lueur d’espoir. Sous pression, sa famille lui demande de l’abandonner et d’utiliser son argent pour autre chose au lieu de payer des soins pour une personne dont la guérison est incertaine.

Alex ne l’entend pas de cette oreille. Fauché, il espère toujours le soutien de sa famille pour maintenir sa femme en vie. Mais rien. Personne ne décroche plus ses appels. « Je me suis marié à l’église. J’ai dit que nous serons unis dans le bonheur, la santé comme la maladie et jusqu’à la fin de notre vie. Et, je reste fidèle à cette promesse. Aujourd’hui sa santé s’est améliorée. Elle faisait la dialyse trois fois par semaine. Maintenant, c’est une fois », témoigne-t-il. Pour le Père Paul Zoungrana, c’est un élan de solidarité qui doit nous guider lorsqu’on voit des malades qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins en soins, en alimentation… car, rappelle-t-il : « La parole de Dieu dit : aime ton prochain comme toi-même. Donc, assister un malade, c’est assister le Christ lui-même » …

 

Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr


 

Stop aux agressions et violences !

Les malades sans accompagnants vivent de nombreuses peines. En plus des maladies qu’ils trainent depuis de longues années, ils sont victimes de nombreux vols et agressions de certaines personnes insensibles à leur souffrance. « La dernière fois, je dormais et j’ai branché mon téléphone pour le recharger. Lorsque je me suis réveillée pour que les femmes nettoient la salle, mon portable avait disparu », témoigne Fati Konkobo. Les témoignages du genre se rencontrent à la pelle. Si, des personnes n’ont pas les moyens de leur venir en aide, il ne faudrait pas encore en rajouter.

A.A.N


 

Un geste salvateur

En plus des soins qu’ils administrent aux malades, certains travailleurs des hopitaux et personnels soignants font preuve d’une grande générosité. Sensibles aux souffrances des malades abandonnés, ils n’hésient pas à mettre la main à la poche pour leur payer des médicaments, nourritures…”Malgré nos petits salaires, nous avons tellement de la compassion face à certaines situations que nous cotisons fréquemment pour leur venir en aide”, affirme A.S, agent de santé au CHU/YO. Ces propos sont confirmés par Serge Compaoré, patient au CHU/YO. Cet élan de solidarité qui est à saluer sonne souvent comme un ouf de soulagement pour ces patients abandonnés.

A.A.N


 

Plaidoyer pour l’instauration d’un fonds spécial dans les hôpitaux

De janvier à septembre 2025, l’action sociale du CHU-YO a déjà enregistré 1516 cas sociaux. De manière pratique les cas sociaux bénéficient de dons de médicaments, de consommables, des vivres, divers dons, des exonérations d’examens et de prise en charge des actes chirurgicaux et de consultations. Ces cas sociaux se rencontrent fréquemment au niveau des services suivants : « les urgences traumatologiques, les urgences médicales, la psychiatrie et les urgences viscérales », a souligné le DG du CHU-YO, Ousmane Néré.

Il ajoute que de nouveaux cas sociaux émergent de plus en plus au niveau de la dialyse, avec des patients qui n’ont plus les moyens de regagner leurs localités d’origine parfois éloignées et pour revenir deux à trois jours pour des séances de dialyse. Aux urgences traumatologiques, « nous avons beaucoup de cas sociaux, et dans ce service la particularité, ce sont les patients abandonnés et sans identification … qui sont soit envoyés par les sapeurs-pompiers soit par leurs parents qui viennent nuitamment les abandonner à Yalgado et disparaitre », a révélé le premier responsable du service.

Il a fait savoir que les urgences traumatologiques ont pris en charge 78 cas sociaux (y compris beaucoup de patients abandonnés) en 2024. Selon l’action sociale du CHU-YO, déjà 21 cas de malades abandonnés ont été enregistrés. La prise en charge des cas sociaux demande beaucoup de moyens. Le Fonds national de solidarité donne 2 millions par an au CHU-YO. Le Conseil d’administration autorise le CHU-YO à décaisser 2 millions…soit un total de 4 millions par an. Mais, « de janvier 2025 à septembre 2025, le CHU-YO a déjà dépensé plus de 40 millions pour les cas sociaux», a fait savoir le DG. Au regard des besoins, il lance un appel à toutes les personnes de bonne volonté, car la solidarité demeure une valeur cardinale pour le Burkina. Aussi, le DG plaide-t-il pour l’instauration d’un fonds spécial au niveau des hôpitaux pour la prise en charge de ces cas sociaux.

Source: www. chuyobf.org

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