Nabasnogo Roch Pananditigri, coordonnateur de l’Initiative de la Grande muraille verte au Burkina : « Le développement du capital humain et institutionnel est un des points essentiels »

Le coordonnateur national de l’IGMVSS Nabasnogo Roch Pananditigri : « il était important de renforcer la communication afin de donner la bonne information sur l’initiative de la grande muraille

Le Programme de renforcement des capacités de l’Initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel, a été mis en œuvre à travers deux phases 2014-2016 et 2017-2021. Trois ans après la fin de la seconde phase, le coordonnateur national de l’initiative de la grande muraille verte au Burkina Nabasnogo Roch Pananditigri, fait le point des résultats engrangés. Il aborde les relations entre les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de ces deux phases, notamment la coopération belge. M. Pananditigri présente les enseignements pour une mise à l’échelle des acquis en matière de gestion durable des terres.

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous rappeler le contexte dans lequel a été lancé le Programme de renforcement des capacités de l’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel au Burkina Faso (PRC-IGMVSS) ?

Nabasnogo Roch Pananditigri (N.R.P.) : Le programme de renforcement des capacités de l’initiative Grande Muraille verte pour le Sahara et le Sahel a été lancé au Burkina grâce au partenariat avec la coopération belge au développement. A la suite de la publication par le ministère en charge de l’environnement en 2012 de la stratégie et le plan d’action de l’Initiative de la grande muraille verte (SPA/IGMVSS), l’APEFE qui est une agence de coopération internationale intégrée au sein des relations internationales de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie a demandé à rencontrer le ministère pour échanger sur des possibilités de collaboration et de partenariat.

Lors de cette rencontre avec le secrétariat général du ministère, les deux parties ont identifié un certain nombre de problématiques qui affectent la mise en œuvre efficace de l’IGMVSS au Burkina. Ces problématiques identifiées ont permis par la suite d’élaborer ce programme de renforcement des capacités de l’initiative de la grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel. Ainsi, la première est que le Burkina dispose d’un potentiel assez important de terres, mais elles sont fortement dégradées et paradoxalement il existe plusieurs fonds pour lutter contre la désertification et la dégradation des terres.

Alors que le ministère en charge de l’environnement ne disposant pas de toutes les capacités techniques pour une mobilisation accrue des ressources afin de restaurer ces terres dégradées. Secundo, on a noté aussi que beaucoup de décideurs et partenaires techniques et financiers ne disposaient pas assez d’informations sur l’initiative de la grande muraille verte au Burkina. De ce fait, il était important d’améliorer la communication afin de donner la bonne information sur les objectifs et ambitions de l’initiative à tous les acteurs intéressés par la problématique de la dégradation des terres.

Le Burkina disposait déjà d’un certain nombre de résultats de recherche sur la gestion durable des terres, mais beaucoup d’acteurs opérationnels ne les connaissaient pas. Nous avons donc envisagé d’utiliser le PRC-IGMVSS comme un créneau pour valoriser au mieux les bonnes pratiques de GDT ainsi que les résultats de recherche afin de permettre aux communautés, aux acteurs de les implémenter sur le terrain.

Enfin, il est ressorti que l’absence de cadre formel de concertation des acteurs de la gestion durable des terres influence également sur la mise en oeuvre. Voilà l’ensemble des problématiques qui ont motivé l’engagement de la coopération belge à accompagner l’initiative de la grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel à travers le programme de renforcement des capacités.

S. : Et quels étaient les objectifs spécifiques de ce programme durant les deux phases ?

N.R.P. : Lors de la première phase du programme de renforcement des capacités de

l’initiative de la grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel durant la période 2014-2016, l’objectif était de faire connaître l’initiative à travers la mise en place de ses organes et de son fonctionnement. L’APEFE nous a accompagnés dans la mise en place même de la coordination nationale de l’IGMVSS.

Au cours de la deuxième phase qui a commencé en 2017 jusqu’en 2021, nous sommes passés à la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action de l’Initiative de la grande muraille verte. Cela s’est traduit par le renforcement des capacités organisationnelles et techniques du ministère en charge de l’environnement et une expérimentation du processus de mise en œuvre de la SPA/IGMVSS dans une commune pilote tout en prenant en compte le genre.

S. : Quel a été le coût global du PRC-IGMVSS pour les deux phases ?
N.R.P. : De 2014 à 2021, le coût total  des deux phases est d’environ 2 700 000 000FCFA.

S. : Quels sont les principaux partenaires du PRC-IGMVSS ?

N.R.P. : l’Association pour la promotion de l’éducation et de la formation à l’étranger (APEFE) a été notre interface directe à travers le financement de la Direction générale coopération au développement (DGD) et de Wallonie Bruxelles international (WBI) dont l’intervention est plus orientée sur les volets communication et la formation des acteurs institutionnels.

S. : Quels sont les principaux succès du PRC-IGMVSS après sept ans de mise en œuvre ?

N.R.P. : Après sept ans, nous avons pu enregistrer plusieurs succès. Le développement du capital humain et institutionnel est un des points essentiels. Le programme a permis de renforcer les capacités opérationnelles de la coordination nationale de l’IGMVSS au Burkina et aussi des structures relais comme les antennes régionales ainsi que les agents qui sont sur le terrain pour l’implémentation de la stratégie et du plan d’action de IGMVSS.

La mise en œuvre des deux phases du PRC-IGMVSS a permis d’instaurer la concertation avec les différents acteurs impliqués. Cette concertation a été déterminante pour bâtir la synergie, la complémentarité et l’harmonisation des approches qui sont indispensables pour le succès des actions et la durabilité des acquis. Le volet communication a permis de rapprocher les acteurs en cultivant le capital de confiance, mais aussi d’enclencher le changement de comportement au niveau des cibles du projet.

En matière de gestion durable des terres, sans la participation des communautés il peut y avoir des remous qui vont mettre en péril les investissements. La responsabilisation des acteurs, notamment la collectivité territoriale a été constatée. Donc la collectivité a pu vraiment prendre en main les choses pour assurer la durabilité des actions. Cela est rassurant. Le genre a aussi été pris en compte dans tout le processus de la conception jusqu’à la mise en œuvre.

Le genre a été pris en compte parce que, comme vous le savez, nous sommes à 52% de femmes et en milieu rural cela aussi est constaté et vérifié. Et lorsque les femmes s’engagent dans ce type d’activités c’est la garantie qu’on a pu toucher une cible qui va nous donner un impact assez sérieux et important.

S. : Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des impacts sur les communautés locales, notamment en termes de gestion durable des terres et de renforcement de la résilience face aux changements climatiques ?

N.R. P. : Les agents du ministère en charge de l’environnement qui ont bénéficié du renforcement de leurs capacités et de nos jours, ils sont plus à l’aise pour accompagner les communautés. En effet, avec les formations reçues, ils arrivent aujourd’hui à accompagner, par exemple, les collectivités dans l’élaboration des projets GDT et de conduire des actions de délimitation des unités d’aménagements.

Aussi, plus d’une trentaine d’organisations paysannes et de structures techniques de l’Etat sont parvenues à rédiger des notes conceptuelles de projet de gestion durable des terres à soumettre à des partenaires techniques et financiers, en réponse à des appels à projets dont certains ont bénéficié de financements.

La commune de Bourzanga a été identifiée comme une commune pilote pour l’implémentation de la stratégie et du plan d’actions de l’IGMVSS. C’est ainsi que l’Association sougri-nooma pour le développement des initiatives féminines de Bourzanga ( ADIF) a vu ses capacités organisationnelles et techniques se renforcer et elle s’est plus orientée dans la valorisation des produits forestiers non ligneux.

Les femmes de ADIF sont outillées à la production de biscuits et d’autres produits dérivés qu’elles revendaient dans une boutique à Kongoussi. Les femmes de cette association ont ainsi démontré qu’elles avaient la capacité de s’organiser pour gérer au mieux les ressources qu’on mettait à leur profit. L’impact enregistré à travers cette activité révèle un début d’autonomisation des femmes de Bourzanga.

S. : Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées au cours de la mise à l’œuvre de ce programme ?

N.R.P. : parmi les difficultés majeures qui ont pu influencer plus ou moins la mise en œuvre du PRC-IGMVSS, la première, c’est la persistance de l’insécurité. Au début de la mise en œuvre, les équipes de supervision se rendaient régulièrement à Bourzanga pour coacher les acteurs au plus près. L’ambition étant de capitaliser tous les éléments.

Malheureusement avec l’insécurité on était obligé d’adopter d’autres alternatives par la mise en place de formateurs endogènes et l’utilisation d’outils digitaux pour le suivi à distance des activités. Nous avons donc délocalisé certaines activités telles que les formations et les rencontres de concertation à Kongoussi, mais nous avons perdu les relations étroites de collaboration que nous avions établies avec les communautés et les différentes associations à Bourzanga.

La pandémie de la COVID 19 a affecté la réalisation de certaines activités qui devaient regrouper les acteurs, par exemple pour les formations et les voyages d’études. On aurait souhaité également que les moyens soient plus consistants. Au départ, on aurait déroulé tout le processus expérimental de la SPA/IGMVSS dans trois communes afin de pouvoir faire des comparaisons et tirer les enseignements. Mais au regard du budget alloué nous avons opté pour une seule commune pilote.

S. : Vous avez dit que lors de la mise en œuvre du programme, vous étiez au contact avec les acteurs et les bénéficiaires. Est-ce que vous pouvez partager avec nous les témoignages ou les retours d’expérience de certains de ces bénéficiaires directs ?

N.R.P. : Le retour des bénéficiaires sur le programme de renforcement des capacités de l’IGMVSS est concluant parce qu’ils ont tout d’abord apprécié l’approche de mise en œuvre qui commande une participation active et une responsabilisation des acteurs. Un producteur nous a confié que la gestion durable des terres touche au cœur des problèmes de la communauté. « si on vient te donner de l’argent aujourd’hui, si tu pars au marché, et que tu le dépenses c ‘est fini. Mais après avoir appris, comment gèrer durablement la terre, tu peux le faire plusieurs années si tu le veux et cela contribue à l’amélioration des rendements de tes champs », avait-il dit. J’avoue que ce témoignage donne de la satisfaction du devoir bien accompli.

S. : Quels sont les principaux enseignements que vous utilisez et de la mise en œuvre et des résultats que vous avez obtenus à travers ce programme ?

N.R.P. : la collaboration entre les acteurs a permis d’accélérer la mise en œuvre des actions. Cela contribue également à l’amélioration de la qualité des réalisations. Nous avons noté une appropriation des actions et des résultats sans faille du programme par les bénéficiaires parce qu’ils ont été impliqués de bout en bout. Grâce au PRC-IGMVSS, les agents du ministère de l’Environnement ont développé une plus grande aptitude à accompagner les communes et les producteurs à la gestion durable des terres. On a vraiment constaté qu’il y a vraiment une plus grande aptitude maintenant.

S. : Quelles ont été les perspectives pour la continuité de ce programme ?

N.R.P. : En termes de perspectives, il y a eu une suite logique parce qu’à la fin de ce programme de renforcement de capacités, on a pu lancer un programme d’investissements. Il s’agit du projet de restauration des écosystèmes dans la région du Plateau central. Ce projet est en train d’être mis en œuvre actuellement dans quatre communes du Kourwéogo à savoir Boussé, Niou, Laye et Toéghin.

C’est textuellement le programme déroulé à Bourzanga, que l’on va dérouler dans ces différentes communes, c’est donc une suite logique. Avec ce projet on passe du renforcement des capacités à la mise à l’échelle de tous les enseignements que nous avons pu capitaliser à partir de la commune pilote de Bourzanga.

S. : Est-ce qu’au niveau du ministère, il est prévu des actions pour assurer la durabilité des résultats auxquels vous êtes parvenus ?

N.R.P. : La coordination nationale de la grande muraille verte est une émanation du ministère en charge de l’environnement. Et nous, nous sommes là pour assurer le suivi et la capitalisation de toutes les actions du PRC-IGMVSS. Globalement, le ministère capitalise également tous les résultats. Et sans oublier la coordination nationale de l’IGMVSS qui partage ces résultats avec l’ensemble des structures du ministère et d’autres ministères, par exemple de l’Agriculture.

Nous partageons aussi ces résultats au niveau international à travers les grandes rencontres. Bientôt, on sera à la COP désertification. On a prévu des présentations aussi sur les résultats engrangés par le Burkina dans le cadre de l’initiative grande muraille verte. Au niveau des collectivités, la coordination à travers les structures déconcentrées du ministère assure toujours le suivi pour veiller à pérenniser les résultats. Nous continuons aussi la mobilisation des ressources pour mettre en œuvre d’autres projets.

S. : Comment vous appréciez la coopération entre la Belgique et la coordination nationale de l’initiative grande muraille verte ?

N.R.P. : C’est un partenariat, gagnant-gagnant, parce que depuis 2014, on est toujours ensemble. Nous apprécions à sa juste valeur la contribution de la coopération belge. Nous tenons à leur traduire toute notre gratitude . Nous souhaitons, pour les années à venir le relèvement des enveloppes pour qu’on puisse couvrir plus de communes. Afin que l’impact soit davantage plus important.

S. : Est-ce que vous auriez un message à l’endroit des communautés qui bénéficient des interventions de la coordination nationale de l’initiative grande muraille verte ?

N.R.P. : Nous les invitons à mieux utiliser tout l’appui qu’on leur apporte. Beaucoup qui ont été formés, certains ont été dotés de petits matériels pour la mise en œuvre des actions de gestion durable des terres. Nous voulons les inviter à rester toujours dans cette dynamique d’amélioration de la productivité et la production des terres. Lorsqu’on arrive à améliorer sa capacité de production, on devient plus ou moins autonome et on peut faire beaucoup d’activités. Il y a une panoplie de bonnes pratiques et chacun, en fonction des moyens et de ses capacités opérationnelles, opte pour l’une ou l’autre pratique.

Nous les invitons à rester dans cette dynamique de la restauration des terres pour la production agrosylvopastorale. Nous leur demandons aussi de se mobiliser pour la préservation des ressources naturelles de la localité. Par exemple, les forêts et les différents paysages jouent un rôle à l’échelle locale et planétaire. Aussi, des interpellations sont faites sur nos modes de production et de consommation, afin de participer à la préservation desdites ressources. C’est d’ailleurs pour cela que l’engagement des différents acteurs pour la promotion de la gestion durable des terres est plus qu’une urgence.

Entretien réalisé par
Nadège YE

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