Procès du putsch : Diendéré garde sa ligne de défense

L’audition du Gal Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup d’Etat de septembre 2015, s’est poursuivie, vendredi 30 novembre 2018 devant la justice militaire à Ouagadougou.

Au 4e jour de son interrogatoire, le général Diendéré reste toujours droit dans ses bottes : n’eut été le soutien de la hiérarchie militaire, il ne serait jamais question de coup d’Etat en mi-septembre 2015. Le vendredi 30 novembre 2018, le ministère public a fait cas d’un document de la hiérarchie qui exige de « Golf » qu’il remette le pouvoir et reconnaisse l’autorité du Chef d’Etat-major général des armées (CEMGA). Pour les hommes de Alioune Zanré, cette note est la preuve que la hiérarchie militaire était contre le putsch. Aussi, celle-ci, selon le parquet, ne pouvait pas s’opposer à Gilbert Diendéré, au regard des rapports de force. « Je ne sais pas de quelle force je disposais en ce moment. La hiérarchie militaire avait toute l’armée avec elle. Quand un homme n’est pas d’accord, il dit non (…) Dès le 16 septembre, il n’y avait pas une bonne volonté manifeste de la hiérarchie de s’opposer à quoi que se soit », a répondu l’accusé. Diendéré a partagé sa propre expérience de courage en 1983, lorsque Thomas Sankara, alors Premier ministre avait été arrêté par Jean-Baptiste Ouédraogo. « Je me suis retranché au camp Guillaume avec une trentaine d’hommes pour nous opposer tant bien que nous savions qu’on pouvait nous liquider. Nous avons tenu jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée », a  expliqué le général. La réplique du parquet est aussi sanglante : « Mon général, j’espère que vous n’avez pas oublié le cas de Koudougou en 1987 où il y a eu un massacre ». L’ancien Chef d’Etat-major particulier de Blaise Compaoré titube, avant de préciser : « Ce n’est pas la même chose ». En plus du rapport de force en faveur du général, le procureur militaire a estimé que c’est ce dernier qui a fait échouer la médiation de la hiérarchie et des personnalités civiles avec la troupe. En effet, il a expliqué qu’avant la rencontre entre les deux entités au cours de laquelle Jean-Baptiste Ouédraogo et compagnie ont demandé la libération des autorités de la Transition, dans la nuit du 16 au 17 septembre, Gilbert Diendéré et Boureima Kiéré se seraient entretenus avec les soldats. L’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, mais aussi Mgr Paul Yemboado Ouédraogo et d’autres coaccusés dont le commandant Aziz Korogho font cas de ce conciliabule, dans les PV. « Diendéré et Kiéré se sont retirés pour une réunion de 45 mn avec les soldats. A leur retour, ils ont confié que les soldats refusaient de libérer les otages », selon une déposition de Jean-Baptiste Ouédraogo, lue à l’audience par le parquet. Le général est formel, cette rencontre n’a « jamais » eu lieu. « C’est faux, entièrement faux. Il n’y a pas eu de conciliabule de 45 mn », a déclaré « Golf ». Mais, pour le parquet militaire, tout s’est joué au cours de cette rencontre de 45 mn.

« Les hommes ont reçu l’argent, mais ils ont refusé de rester »

« Il n’appartient aux OSC de demander la dissolution d’un corps », dixit « Golf ».

Cependant, le Général Gilbert Diendéré a reconnu avoir remis la somme de 85 millions de FCFA aux éléments de l’ex-RSP qui étaient retranchés au camp Naaba Kom II, pendant le désarment. Pourquoi a-t-il fait cela ? L’accusé a dit avoir honoré une promesse faite aux hommes. Aussi, la manne devait leur permettre de rejoindre leurs nouveaux postes d’affectation. Le procureur militaire n’est pas de cet avis, dans la mesure où les soldats avaient reçu leur paie dès le 15 septembre et des bons de transport. Aussi, dans son P.V., Diendéré aurait déclaré : « J’ai fait le geste pour ne pas les laisser partir tout simplement ». Pour le parquet, ces propos illustrent à souhait la volonté du général d’empêcher l’exécution des actes d’affectation. L’accusé a dénoncé une « mauvaise compréhension » de ses dires. « La bonne compréhension est de ne pas les laisser partir sans honorer la promesse que je leur avais faite », a soutenu « Golf ». Il a ajouté qu’à la date de 16 septembre, plusieurs banques avaient fermé boutique. Les bons de transport en question sont également individuels et ne couvrent pas les familles et les bagages des soldats. « Ils avaient beaucoup des besoins. On connaît le salaire du soldat, avec toutes les retenues, il ne reste plus grand-chose (…). De nombreux éléments sont restés pour ça (l’argent, ndlr). Il fallait que je le fasse pour les inciter même à partir plutôt qu’à se faire massacrer, parce qu’on s’apprêtait à bombarder le camp », a souligné le présumé auteur du putsch. Outre les P.V., le ministère public a évoqué une retranscription d’un appel téléphonique. Dans celle-ci, le général de brigade a affirmé à son interlocuteur : « Les hommes ont reçu l’argent, ils ont pillé mais ils ont refusé de rester ». Des propos assez troublants pour Gilbert Diendéré.

Vendredi dans l’après-midi, les débats ont encore porté sur la dissolution de l’ex-RSP. Est-ce qu’il appartient aux militaires de s’opposer à la dissolution d’un corps ?, a demandé le parquet. « Il n’appartient pas aussi aux OSC de demander la dissolution d’un corps », a répondu le prévenu. De même, en quoi la non application d’une décision de la CEDEAO intéresse-t-elle le RSP ?, a rétorqué le parquet. « Golf » a indiqué qu’il s’agit d’un problème national que le président Michel Kafando a exposé aux éléments de l’ex-RSP. A en croire le ministère public, la résolution de ce différend ne fait pas partie des attributions de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle. L’accusé s’est inscrit en faux, car l’armée avait 25 représentants au Conseil national de Transition (CNT), une instance politique.

Djakaridia SIRIBIE

dsiribie15@gmail.com

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