L’ancien président sud-africain, Jacob Zuma, 81 ans, qui jouit toujours d’une certaine popularité, refait parler de lui, au moment où, on le croyait politiquement enterrer. Contraint à la démission, après neuf ans de pouvoir entachés de nombreux scandales, le « vieux », comme on le surnomme, mène un ultime combat contre son propre parti, le Congrès national africain (ANC).
Militant de la première heure, il en veut à sa formation politique qui l’avait obligé, en 2018, à jeter l’éponge pour sauver son image. Au cours d’une conférence de presse, le 16 décembre dernier, cette figure de la lutte anti-apartheid a annoncé qu’il ne votera pas pour l’ANC aux élections de 2024. Il n’a pas pourtant manifesté son intention de quitter sa famille politique. L’ex-chef d’Etat sud-africain a, par ailleurs, appelé à voter un nouveau parti, l’uMkhonto weSizwe (MK), nom emprunté à l’ancienne branche armée de l’ANC, dont il a fait partie.
Zuma s’est également lancé dans une diatribe contre son successeur, Cyril Ramaphosa, présenté comme un « relai du capitalisme blanc ». Cette sortie médiatique traduit l’animosité, que l’ex-chef de l’Etat sud-africain a développée contre son propre camp depuis son départ forcé du pouvoir. Pire, elle tombe au mauvais moment, puisque l’ANC connait des difficultés qui menacent sa stabilité et sa réputation.
Les problèmes de gouvernance, les tensions de trésorerie et les scandales à répétition impliquant ses dirigeants ont sans doute terni l’image du parti majoritaire, menacé de perdre sa suprématie, pour la première fois, depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994. La preuve de la baisse de la côte de l’ANC vient des élections locales de novembre 2021, à l’issue desquelles, le parti n’avait pas réussi à avoir 50% des voix, mais plutôt de 46%.
Dans ces conditions, le discours offensif de Zuma porte un coup dur à l’ANC face à une montée en puissance de l’opposition qui surfe sur les problèmes du moment (la vie chère, le chômage, les pannes d’électricité, l’insécurité et la corruption…) pour mieux se positionner. Même si, l’ANC a promis ester en justice pour préserver le nom de sa branche armée, auquel il tient dur comme fer, l’offense de son ancien président est de nature à l’affaiblir sérieusement.
La rancune tenace, Zuma aurait voulu faire le contraire, qu’il allait ruminer sa colère contre les tenants de l’ANC, au lieu de laver le linge sale en public. Avec la dissidence qu’il incarne désormais, l’ancien président sud-africain, une voix toujours influente, va évidemment emporter avec lui des électeurs de son parti. Ce qui est de nature à renforcer les rangs de l’opposition face à l’ANC, appelé à batailler ferme pour conserver son prestige, à quelques mois des futures élections.
Zuma prétend sauver l’ANC des griffes de ses dirigeants actuels, mais sa démarche tient plutôt lieu d’une volonté de déstabilisation du parti, qu’il a contribué à construire. Mais à la vérité, il doit s’en prendre à lui-même, qu’à l’ANC, où il a fourbi ses armes. L’ancien président sud-africain, de par sa réputation sulfureuse, compte parmi ceux qui ont œuvré à mettre le parti dans une situation difficile.
Sa démission contre son gré de la présidence atteste de cette triste réalité. Au lieu d’aider à sauver la maison commune, Zuma travaille à saper ses bases, ce qui est déplorable. Tout comme les autres cadres du parti (l’actuel chef de l’Etat a échappé en décembre 2022 à une procédure de destitution pour une affaire de corruption), il porte une part de responsabilité dans ce que l’ANC vit en ce moment. Zuma, dont les ennuis judiciaires sont loin d’être finis, devait faire des propositions à même de faire remonter la pente au parti, que de l’enfoncer. C’est la posture la mieux indiquée à son âge.
Kader Patrick KARANTAO