2020, si proche, si loin !

Le dimanche 3 novembre 2019, le député-maire de Djibo, Oumarou Dicko, a été assassiné par des hommes armés non identifiés, avec deux autres de ses compagnons de route, alors qu’il était en chemin pour Ouagadougou. Au-delà de l’émoi, de la consternation et de la vague d’indignations qu’a suscité cet assassinat, les Burkinabè dans leur ensemble, doivent faire une vraie introspection face au péril terroriste. La raison est simple : si la situation se dégrade davantage, elle ne profitera à personne. Sur le terrain, la réalité est cruelle. En plus des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui tombent, les terroristes n’épargnent ni Peulhs, ni Gourmantchés, encore moins les Mossi. Fonctionnaire ou cultivateur, musulman ou chrétien, militant du MPP, du CDP ou de l’UPC, homme ou femme, jeune ou vieux, tous les Burkinabè sont aujourd’hui de potentielles victimes.
Même si l’on ne saurait faire de différence entre les vies humaines arrachées à l’affection de nombreuses familles, la mort du député-maire de Djibo est bien plus qu’interpellatrice. En effet, pour un élu national (député) qui plus, est maire d’une ville aussi tampon, son assassinat marque une autre étape dans la cruauté des terroristes. Et pour cause, le député-maire était à lui seul, un symbole de la résilience, qui, malgré le contexte sécuritaire très difficile dans sa zone, a refusé de la quitter. « Il est toujours resté parmi les siens afin de mettre en œuvre les projets de développement de la commune … Rester chez soi, lutter ensemble afin de résister aux attaques, c’était sa conviction », confiait le maire de Dori, Aziz Diallo en hommage à l’illustre disparu. Avec l’assassinat du maire de Koutougou et l’enlèvement de ceux de Markoye et de Gorgadji dont on est jusque-là sans nouvelles, M. Dicko avait de bonnes raisons d’abandonner les siens comme de nombreux autres l’ont fait.
Pour qui connaît la situation géographique de la ville de Djibo, nul besoin de rappeler que ce crime doit sonner le glas des critiques faciles et des accusations stériles. Djibo est comme une digue en période de crue. Si elle cède, les prochaines localités tomberont les unes après les autres. Il urge donc d’enterrer les égos et faire place à l’union sacrée des Burkinabè, dans leurs diversités ethniques, religieuses, politiques et d’associations, en vue de faire front commun derrière leurs FDS. Mais au lieu de cela, les conférences de presse, interviews, débats radiotélévisés et autres attaques sur les réseaux sociaux se poursuivent et rivalisent de critiques acerbes, allant parfois jusqu’à demander la démission du gouvernement et du chef de l’Etat. Est-on sûr que cette démission profitera à un quelconque parti politique ? A-t-on la solution à la crise sécuritaire à offrir aux Burkinabè, après un hypothétique départ d’un gouvernement? Les hommes politiques burkinabè aiment-ils vraiment leurs concitoyens comme ils le clament à longueur de meetings ? Cherchent-ils le pouvoir pour eux-mêmes ou pour le peuple ? Veut-on gouverner tout ou une partie du pays ? Les Burkinabè qui subissent les affres du terrorisme ne font-ils pas partie de leurs électeurs ?
En un mot, comme en mille, il convient de cesser toute activité politique, de taire les divergences, de s’unir, pour combattre le terrorisme avant de parler d’élections. Celles-ci peuvent attendre, mais pas la situation sécuritaire du pays qui se dégrade de jour en jour. Les forces vives des grandes nations ont toujours su mettre de côté leur égo, pour combattre et vaincre leur ennemi commun, quitte à se retrouver par la suite sur le terrain politique pour se « battre ». L’heure de la mobilisation tous azimuts doit sonner et sans plus tarder. 2020 est peut-être proche, mais aussi très loin. Il ne suffit pas de gagner des élections, mais aussi et surtout d’exercer le pouvoir d’Etat dans un climat apaisé. Le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est mieux placé pour témoigner.

Jean-Marie TOE

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