
Nioré est un quartier du village de Pouni Nord, situé dans la commune rurale de Didyr, province du Sanguié (Réo), région du Centre-Ouest. Les habitants de ce quartier font face à d’importantes difficultés d’accès aux soins de santé. Ils doivent parcourir environ 7 km (villages de Dassa ou Pouni), souvent à vélo ou à moto, pour ceux qui en ont les moyens afin de se rendre au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) le plus proche. Face à cette situation préoccupante, la population de Nioré a décidé de s’organiser pour construire localement un CSPS.
L’éclat du soleil présage une forte chaleur en cette matinée du 22 mai 2025 à Nioré, un quartier du village de Pouni Nord.
Mais cela n’entame en rien l’ardeur des habitants dans la construction de leur Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Sur le chantier, la répartition du travail est remarquable. Des coups de pelles pour mélanger le ciment d’un côté, des moules pour confectionner les briques d’un autre, une partie du groupe tient des pioches et des haches pour défricher l’aire réservée au domaine du dispensaire. Pendant ce temps, une bonne partie des femmes du quartier se chargent d’approvisionner le site en eau et l’autre partie s’occupe de la cuisine pour la restauration des travailleurs.
Les hommes et les femmes du troisième âge sont présents également pour encourager les jeunes gens. La construction du premier CSPS du quartier semble être une affaire de tous. Parce qu’à Nioré, le centre de santé le plus proche se trouve à 7 kilomètres. Un chemin long et pénible souvent parcouru à vélo, ou à moto, avec des malades et des femmes enceintes, avec à la clé des accouchements en chemin et par moments, le décès des nouveaux nés. Secrétaire du comité de suivi des travaux de la construction du CSPS, Salif Bazoin Bako, précise que la souffrance des populations a atteint son paroxysme, lorsque la commune rurale de Dassa, un village voisin, a été attaquée par les terroristes.
« Nos femmes ont failli nous quitter, car elles ne savaient plus où aller pour avoir les soins médicaux. Marcher des kilomètres et traverser la colline pour trouver un centre de santé présentait un risque d’agression pour elles », témoigne M. Bako.
« C’était des jumelles, malheureusement, une est morte »
Au regard de cette situation, de nombreuses femmes accou-chaient sans visite prénatale. Bibata Kanzié a perdu son enfant dans ces circonstances. Alors que sa grossesse présentait des complications, elle devait marcher 7 kilomètres pour se rendre dans un centre de santé. Malgré ce calvaire, elle s’y est rendue à quatre reprises. « Les douleurs m’ont surprise au champ. J’ai voulu continuer en même temps à l’hôpital, sans être accompagnée. Arrivée derrière la colline, je n’ai pas pu continuer.
Je suis restée là-bas pour accoucher. C’était des jumelles, malheureusement, une est morte. Celle qui a survécu est actuellement inscrite à l’école », déplore-t-elle. Edoua Kando ne voulait plus d’enfant même si elle en était capable à cause des souffrances subies avec sa grossesse. « Quand je suis enceinte, mes jambes me font mal et un jour je devais aller à la pesée. J’ai eu des difficultés pour marcher. Ce jour-là, il n’y avait personne pour m’amener à l’hôpital. Je devais marcher

communauté pour réaliser le projet.
7 km pour rejoindre la maternité. J’ai pleuré comme un enfant à cause de la fatigue. Mais Dieu a fait grâce, j’ai pu arriver à la maternité et j’ai pu avoir la pesée après des pauses sur la route. La grossesse n’était pas à terme mais la distance était très longue. Dès lors, je n’ai plus le désir de l’accouchement malgré mon jeune âge », soupire-t-elle.
Face à cette situation, la communauté décide d’associer une accoucheuse villageoise pour aider à minimiser les risques lors des déplacements des femmes enceintes au cas où une femme n’atteint pas la maternité. « Souvent, on vient me réveiller à minuit pour accompagner une femme en travail à la maternité. Plusieurs fois, des femmes ont accouché en cours de route et parmi elles, au moins trois ont perdu leurs enfants », se lamente Eyon Kanyala, accoucheuse villageoise. En plus de la distance, la route qui mène au CSPS le plus proche est en mauvais état. Des accompagnants, pour avoir conduit des malades sous la pluie et sur une voie dégradée sont arrivés eux-mêmes malades, confie Salif Bazoin Bako.
Comme un seul homme
Face à cette difficulté, les habitants n’ont pas attendu les aides extérieures. Ils se sont levés comme un seul homme et ont décidé d’agir en construisant par eux-mêmes leur CSPS. « Une fois, j’étais allé voir mes oncles dans ce quartier, de retour j’ai vu une femme enceinte qui souffrait énormément pour rejoindre l’hôpital. Cette situation m’a vraiment touché. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de la construction du CSPS », a expliqué le Secrétaire général (SG) du Comité villageois
de développement (CVD) du village de Pouni Nord, Toussaint Bado. Bien qu’il n’ait pas les moyens de réaliser à lui seul le projet, M. Bado ne se décourage pas. Il décide de faire appel à l’ensemble de la communauté pour sa mise en œuvre. Il repart donc voir son oncle Souleymane Bako pour lui exposer l’idée. Celui-ci y adhère immédiatement. « Je lui ai dit que si nous les jeunes du village, pouvons dépenser de 5 000 à 10 000 F CFA dans des choses moins importantes, alors que nos mamans, nos frères marchent plus de 7 km pour aller au CSPS, nous pouvons les sensibiliser afin qu’ils adhèrent au projet », confie le secrétaire du CVD.
Un soutien des autorités locales
Convaincu du bien-fondé de cette infrastructure, le SG du CVD et les habitants de Nioré mettent rapidement en place un comité de suivi des travaux dirigés par Habidine N’do. Dès lors, la population se mobilise pour réunir le « nécessaire » tels que les agrégats, le ciment et le fer de construction. Lorsque le ciment a atteint 27 tonnes, le comité fait le point au CVD. Il se déporte par la suite chez le préfet, Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune rurale de Didyr, Abdoulaye Yaogo, pour lui parler du projet. Surpris de la quantité de matériaux déjà mobilisés par le comité, M. Yaogo marque tout de suite son accord pour accompagner le projet. Il prend en main les démarches. Il informe les responsables du district sanitaire de la province et leur demande la conduite à tenir.
Un acte patriotique
Pour Salif Bako, il était nécessaire et important qu’il y ait un technicien pour suivre les travaux. « Nous avons déjà mobilisé 27 tonnes de ciment et bien d’autres matériels. Tous ceux qui travaillent devraient apporter au moins trois barres de fer. Ce qui nous manque, c’est un technicien pour nous montrer quels types de matériaux nous devons utiliser dans la construction », explique-t-il. Cette difficulté est en passe d’être résolue puisque l’autorité communale a décidé de mettre à leur disposition des techniciens pour les accompagner. « Leur action est un acte salutaire et patriotique et cela est encouragé par le Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré », affirme le PDS.
Pour ce qui concerne le volet administratif, il a pris l’engagement de les accompagner afin qu’ils aient les documents nécessaires. Une fois les travaux terminés, promet-il, l’ouverture sera immédiate. « J’appelle tous les filles et fils de Pouni Nord, à soutenir et à s’associer à cette initiative communautaire qui fera le bonheur des populations », lance Abdoulaye Yaogo. Selon le président des jeunes de Nioré, Salya Badolo, la construction de ce CSPS va permettre de libérer la population de la souffrance en matière de santé. Elle va contribuer, se convainc-t-il, au développement du quartier voire du village. La population de Nioré, mobilisée comme un seul homme pour la réalisation de ce projet, est fière de pouvoir doter le quartier d’un CSPS sans une aide extérieure.
« Le dispensaire appartient à tout le monde, et c’est normal de contribuer à son édification », renchérit Inoussa Badolo, un jeune manœuvre, confectionneur de briques sur le chantier. Le délégué du quartier Nioré, Souleymane Badolo, appelle toute la population à rester mobilisée jusqu’à l’achèvement de l’infrastructure. « Même si tu es vieux, tu peux venir encourager les jeunes, ta présence va les galvaniser pour qu’avec ou sans une aide extérieure nous puissions terminer ce que nous avons commencé », invite-t-il. André Balibié Bazié, chef du village de Pouni Nord reconnait les efforts consentis par les différents acteurs. Il appelle également à la contribution de tous pour la construction du CSPS, avec la certitude qu’il permettra d’améliorer les conditions sanitaires du village. André Balibié Bazié implore la protection de Dieu afin que les travaux puissent s’achever en paix.
Hubert Bado