Attention à la submersion de l’immersion !

Nous avons accueilli l’initiative de l’immersion patriotique comme une stratégie d’éveil des consciences et un moyen de transmission de nos valeurs aux jeunes. En choisissant de commencer par les bacheliers, le gouvernement a voulu cultiver le Burkinabè idéal dans des consciences déjà fertiles et dans des têtes pensantes couronnées par le diplôme qui donne accès à l’université. Comme pour dire qu’il ne s’agit pas d’être un bachelier pour être un chandelier dans la société. On peut avoir le BAC sans porter la lumière nécessaire pour soi et pour les autres.

En initiant l’immersion patriotique, il s’agit d’essayer de rattraper ce que l’on a perdu dans le remplissage des têtes de nos enfants par une école qui nous « serrait » les cols. Il s’agit de leur inculquer le sens de nos valeurs sociales et républicaines, les enjeux du contexte de guerre imposée et l’urgence de développer le sentiment patriotique chez ces jeunes Burkinabè. L’amour de la patrie est un élan inconditionnel du cœur pour sa patrie, la terre de ses ancêtres. Et cet amour n’est pas négociable, il n’est pas monnayable.

On n’aime pas sa patrie parce qu’on est riche ou pauvre, on ne l’aime pas parce qu’on est fort ou faible ; on l’aime parce qu’on doit l’aimer. Tout comme on ne peut dire : « Fontaine je ne boirai de ton eau », on ne peut pas donner dos à sa patrie, cette terre dont l’énergie vitale a irradié nos premiers pas. On ne se dresse pas contre sa patrie, on ne jette pas la pierre à sa patrie, on ne piétine pas la terre qui héberge son placenta ! L’immersion patriotique s’imposait, elle s’impose et s’imposera à nous tant que nous seront persécutés par les nôtres asservis et par les dresseurs de
« chiens insoumis ».

Nous avons accueilli l’immersion patriotique comme un nouvel espoir pour l’intégrité et une rupture dans notre façon d’être Burkinabè. Si l’immersion dépendait de la liberté de certains, leurs enfants n’allaient jamais y aller, fut-elle au nom de la nation. Pour un mois d’hibernation, loin des délices du petit déjeuner à la maison, du festin de midi et des grignotages de la boulimie, certains de ces jeunes renonceraient même au BAC ou à leur patrie.

Combien de parents se sont inquiétés pour leur rejeton arraché à leur affection ? Combien ont pleuré, parce qu’ils passeront 30 jours sans leur garçon préféré, sans leur fille adorée ? Combien en ont voulu à l’Etat pour les conditions d’accueil ou d’hébergement ou de traitement de leurs enfants ? Toutes ces appréhensions sont légitimes et compréhensibles : « Quel père parmi vous donnera un serpent à son fils s’il lui demande un poisson ? », dit-on dans l’un des « livres saints ».

L’amour des parents pour leurs enfants n’est pas une faute, mais la complaisance dont font certains dans l’éducation des enfants en est une. De nos jours, l’éducation dans beaucoup de foyers n’est plus une transmission de valeurs sociales ; elle est devenue une cacophonie de tolérance entretenue entre les alinéas du droit des enfants et la complaisance d’un père sans repères, dans les girons de la mère chimère qui dorlote sa poupée avec une volupté mal placée. Il y a des enfants qui sont éduqués comme on entretient un œuf ; il y a des parents qui éduquent leurs enfants comme si c’était pour aller vendre. Balancer ces genres de bambins dans un camp d’immersion, c’est presque commettre un crime de
lèse-majesté, celui d’héberger le « fils à papa » sur la natte de « Patarbtaalé, le fils du pauvre » ; celui d’exposer le fragile « colis » de l’intouchable Burkinabè ; celui de faire languir le « bébé » qui a faim jusqu’après midi avant de manger. Bref, il n’y a pas de patriote sans mental, sans moral surtout dans les sillages d’une « destination finale » comme la nôtre.

Nous avons accueilli et applaudi l’immersion patriotique, en ce sens qu’elle peut être un vecteur de connaissance de soi et des autres, un brassage entre jeunes Burkinabè de la même couvée patriotique. C’est un potentiel nid de fierté dans le partage et la
solidarité entre pensionnaires et entre pensionnaires et formateurs. Pour nous, l’immersion patriotique est une initiation à l’amour de la patrie, mais comme toute initiative digne de ce nom, un zest de douleur peut s’y inviter pour tester le courage, jauger la
résistance, voire tâter le niveau de résilience en tenant compte d’un seuil de tolérance humainement et moralement acceptable.

Malheureusement, des images très peu patriotiques circulent sur les réseaux sociaux sur les bacheliers en immersion, alors que tout ce qui devait se
passer au cours de cette immersion devait rester dans l’immersion. C’est une question de devoir de réserve, c’est un impératif de respect pour tous ces pionniers patriotes bacheliers. Il a fallu que le gouvernement hausse le ton en vue de faire cesser ces agissements.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.