Le venin social est le pire des poisons. Le jour de la fin de l’homme est en train de retentir dans les cœurs. De plus en plus, l’homme est de moins en moins le médicament de l’homme. Pourtant, l’humanité doit survivre à l’adversité entre l’homme et l’homme. Pourtant, la terre doit continuer à tourner. Pour qui bâtirons-nous de chair et de sang l’empire qui s’érige sur le pire pour atteindre son apogée ? En quoi la destruction peut-elle être la fondation de la construction ? La rancœur est un gros arbre qui pousse et fleurit dans les cœurs comme se répandent les mauvaises herbes des champs abandonnés. La rancune a une saveur de prune à l’arrière-goût amer.
Derrière le sourire « sincère » de l’ami qui admire, se cache l’enfer de l’ennemi qui soupire comme un vampire. La main tendue porte sous la manche la dague aiguisée de la blague qui tue. Chacun a une dent contre l’autre et mord en soufflant sur la douleur qui s’endort. Le baiser le plus mortel est fraternel mais sa splendeur cache un danger sempiternel. L’amour crie au secours dans les girons des fratries de la patrie. Le seul sauveur digne est un estropié perclus au sol. Le prochain n’a plus le faciès du divin ; son regard louche porte les traits masqués d’un visage fardé à l’excès. Le mal est avec nous, en nous et contre nous. Nous sommes parfois ce mal qui nous guette et nous pousse vers le pire. Nous sommes coupables par action ou par omission. Quand on sème du riz, on ne récolte pas du maïs. On ne soupe pas avec le diable pour digérer au Paradis. Il y a toujours une raison à toute chose, mais encore faut-il savoir distinguer les effets qui perlent des causes qui les génèrent.
Nous sommes sales à l’intérieur, propres et rayonnants à l’extérieur. C’est du dedans que l’on est vraiment ce que l’on est ; c’est dans le cœur que l’on a la vraie définition de soi. Malheureusement, nous sommes les plus féroces créatures au pelage d’agneau, aux griffes rétractées et aux canines retroussées. Nous sommes des joueurs perpétuels, nous cachons tout au monde sans savoir nous dissimuler à nous-mêmes. Il n’y a rien de plus gênant que de mentir aux autres tout en marchant avec la vérité qui colle à l’âme. L’habit ne fait pas le moine, mais à quoi servirait un beau plumage s’il est pouilleux et crasseux ? Le blanc est signe de pureté si derrière l’immaculé qui éblouit, il n’y a pas de taches noires. Nos cœurs sont souillés de haine et battent au rythme de la vengeance pour la géhenne. Nos esprits sont hantés par la revanche ; nos pensées sont peintes en noire ; nos mains sales portent toujours les marques du mal, même dans des gants de velours.
Ô drôles d’humains ! On ne peut pas faire du neuf avec du vieux ; le passé mal assumé est un boulet bien attaché. Il faut que l’audace de se remettre en cause dépasse l’instinct de se débiner. On ne peut pas se fuir et fuir l’histoire ; l’héritage du mal se transmet de génération en génération. Attention à la relève du pire ! C’est la capacité des hommes à s’assumer devant leur propre fardeau qui fera d’eux des acteurs de paix. C’est de la sincérité des hommes que naissent le plus souvent les grands espoirs. C’est le sens élevé de l’humilité et de la responsabilité qui nous fera grandir. Il y a trop de souffrances qui attendent d’être apaisées, trop d’injustices qui attendent justice, trop de maux qui attendent le pansement du bien.
Malheureusement, il n’y a que de la Bétadine dans la boîte à pharmacie, d’où tout le sens de nos péripéties. Attention au venin social ! Soyons sincères, pour éviter l’enfer.
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr