Au bord du précipice

Ces jours-ci, le Sénégal occupe le devant de la scène médiatique et de la pire des manières. Depuis la condamnation, le 1er juin dernier, de l’opposant, Ousmane Sonko, à deux mois de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », des scènes de violence ont éclaté dans plusieurs villes du pays. Les partisans de Sonko et les forces de l’ordre s’affrontent et c’est à qui prendra le dessus sur l’autre. Même si la tension est quelque peu retombée dimanche, on n’est pas loin du chaos, à voir les dégâts matériels et humains enregistrés.

Selon un bilan émanant du ministère sénégalais de l’Intérieur, 16 morts et plus de 350 blessés parmi les manifestants ont été recensés, depuis le début des manifestations. Les troubles ont aussi occasionné une trentaine de blessés dans les rangs des forces de défense et de sécurité. La police a par ailleurs mis le grappin sur 500 manifestants, considérés comme des « individus armés et dangereux », en possession de cocktails Molotov, d’armes blanches et d’armes à feu de gros calibres.

Le régime de Macky Sall et le camp Sonko se rejettent la responsabilité des manifestations et des conséquences qui en découlent. Ce jeu de ping pong ne fait pas rigoler, puisque le pays s’est embrassé, retenant l’attention de la communauté internationale. Des organisations, comme l’ONU et l’Union africaine (UA), ont déploré et appelé à la cessation immédiate des violences. A la vérité, les émeutes « au pays de la Teranga » ne sont pas surprenantes. Depuis deux ans, la situation sociopolitique y est tendue, à cause des ennuis judiciaires de Sonko.

Plus que jamais populaire auprès de la jeunesse, l’opposant est dans le viseur du pouvoir qui semble mettre tout en œuvre pour compromettre ses ambitions présidentielles. On pouvait penser le contraire, si Sonko, tout comme d’autres opposants, ne faisaient pas l’objet d’une sorte de harcèlement judiciaire. C’est malheureusement le cas. La condamnation pour « corruption de la jeunesse » des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), qui a mis le feu aux poudres, n’est pas le seul dossier judiciaire dans lequel il est impliqué.

La requalification des faits dans cette affaire a d’ailleurs de quoi faire sauter au plafond, puisque Sonko était poursuivi pour viol et menace de mort sur une employée d’un salon de massage, Adji Sarr. Cette condamnation a été précédée d’une autre relative à un procès pour « diffamation » et « injure publique », intenté par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang contre Sonko. Il avait écopé de six mois de prison avec sursis devant le tribunal de Dakar.

Les soucis judiciaires du patron du PASTEF passent mal aux yeux de ses soutiens qui voient une volonté manifeste du pouvoir en place de l’écarter à la présidentielle de février 2024 à laquelle, il entend se présenter. Les partisans de Sonko ne font pas fausse route, puisque le chef de l’Etat, en s’en prenant subtilement aux opposants au travers de la justice, affiche une attitude étrange.

Alors qu’il n’a pas le droit à un autre bail, Macky Sall traque ses potentiels successeurs, ce qui dénote de sa volonté de rester aux affaires. Aucun autre argument ne peut justifier la posture du président sénégalais. Mais le hic, c’est que Sonko n’est pas un opposant comme les autres. Il incarne un espoir pour la jeunesse sénégalaise en quête de repères et soucieux de voir le pays assumer pleinement son destin, sans une mainmise des occidentaux.

C’est bien pour cette raison, qu’il est périlleux de toucher à Sonko. A plus forte raison de vouloir l’écarter de la course à la présidentielle. Tout scénario qui vise à remettre en cause les ambitions présidentielles de l’opposant ne peut qu’engendrer des violences. La situation qui prévaut actuellement au Sénégal instruit à souhait et c’est bien dommage. Les fidèles de Sonko, remontés à bloc, réclament désormais le départ du pouvoir de Macky Sall. Un bras de fer semble être engagé et on se demande jusqu’où il ira.

Kader Patrick KARANTAO

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