Au nom du père, du fils et des ancêtres !

Mais où est donc passée la foi des hommes et à quoi ressemble d’ailleurs cette foi ? Il paraît qu’on peut la rencontrer dans toutes les religions, au pied d’une Croix, à l’ombre d’un Croissant lunaire ou même dans l’antre des ancêtres. De la Bible au Coran en passant par les mystères de nos traditions et coutumes, les vérités du monde et de la vie semblent se trouver de part et d’autre. Malheureusement, entre les Ecritures et la culture, il y a très souvent des ratures. Du révélé à l’occulte, il y a un grand brouillard et chaque entité se réclame de la vérité en jetant parfois la pierre à l’autre.

Traditions et religions se regardent souvent en chiens de faïence et c’est à se demander si la rivalité séculaire qui divise les croyances mérite d’être. Bref, curieusement, la seule religion qui peut se targuer de n’avoir pas mené de guerre sainte aux autres semble être celle de nos aïeuls. Traitée de tous les noms d’oiseaux de mauvais augure, la religion traditionnelle, si ce n’est un abus de langage, est relayée à tort ou à raison au rang de paganisme, d’idolâtrie et même de diabolique, pire de satanique.

Dès les premiers sons de cloche des chapelles, nous avons jeté le bébé avec l’eau du bain et nous nous sommes confiés à l’Eternel. Mais le monde contemporain ne s’est pas vraiment reconverti, comme on pourrait le croire ou faire croire. Au-delà des églises bondées de fidèles, des mosquées touffues de croyants, il y a les bousculades nocturnes au pied des autels non révélés. Ainsi, on se baptisera en blanc à l’eau bénite avant d’aller croiser les jambes devant le masque sacré. On accrochera son boubou de vendredi avant d’aller danser nuitamment à un carrefour autour d’une marmite remplie d’aiguilles, de cauris et d’un poulet innocent froidement décapité.

Aujourd’hui, chacun crie sa foi en Dieu en flirtant avec les dieux. On consultera les cauris et le sable avant d’aller sabler le sang du Christ et happer le corps du Fils de l’homme. A qui mentons-nous ? Voyez toute cette foule de croyants patauger dans la boue et traîner dans la poussière, sous le soleil, autour du célèbre guérisseur.

Du paralytique qui a reçu un « missile » à la belle femme « aride » en passant par l’incurable plaie sempiternelle qui saigne, quelques coups de queue mystique, quelques « versets » incantatoires suivis d’impositions de mains suffisent pour exorciser le mal. Parmi ces malades, il y a des baptisés, des confirmés et même des charismatiques. Parmi ces désespérés, il y a des gens qui ont « bu » le Coran recto verso jusqu’à la lie. Pour le puriste « berger », ces

« brebis » sont en train de boire à la source du diable. Pour « l’homme de Dieu », l’œuvre du guérisseur est impie et satanique. Pourtant, le mystique médecin aux paroles magiques invoque toujours le nom de Dieu avant de guérir. Même en égorgeant le poulet, il scande le nom de Dieu en demandant aux ancêtres et aux esprits des eaux et de la terre de transmettre fidèlement sa requête.

Combien portent le prénom « Tanga » ou « Tinga », « Dafra » ou « Kuilga », mieux «Tiiga » ? Parmi les porteurs de ces prénoms, il y a des pasteurs ou des prêtres. Ils peuvent y ajouter « Clément », « Romain », « Raphaël » ou « Gabriel », ils resteront tels. Parce qu’on ne peut pas donner dos à  soi-même. Malheureusement, depuis que nous avons appris à dire « amen » au noumène, nous avons tout balancé par-dessus bord, sans remords, parce qu’ « ils » nous ont toujours fait croire que nous avions tort.

Nous avons tout cassé et brûlé, même l’écorce de l’arbre bienfaiteur ne sert plus l’homme de foi. Il n’a plus foi aux forces de la nature. Les racines déterrées avant le lever du soleil sur fond de « prières » et de libations portent la sève pécheresse du mal. Mais une fois au scanner, on se rend compte qu’ils marchent presque tous avec des talismans, des amulettes, des scarifications rituelles sous la chemise, des « ceintures blindées » au bas de la cravate ou des « bagues antibalistiques » qui côtoient l’alliance en toute innocence. Arrêtez de nous berner, nos traditions ne sont pas toujours en contradiction avec nos religions, fussent-elles révélées. Elles n’attendent qu’à être exploitées judicieu-sement, sans préjugés et sans condescendance ; sans complexe aucun. En attendant, je vais attacher ma ceinture et empocher ma « queue » pour fortifier ma foi sur le chemin de Croix.

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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