Depuis 2015, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes. Cette situation d’insécurité a engendré de nombreuses pertes en vie humaine dont des Forces de défense et de sécurité (FDS) et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Ces soldats qui ont combattu jusqu’au sacrifice ultime ont laissé derrière eux, toute une Nation, des femmes et des enfants dans la vulnérabilité par endroits. Pour aider les ayants droit à surmonter leur deuil et à se reconstruire, l’Etat et des structures privées ont mis en place des mesures d’aide d’autonomisation financière. Une main tendue qui impulse un nouveau souffle de vie aux veuves et orphelins, autrefois abandonnés à leur sort.
Kienfangué est un village de la commune rurale de Komsilga, au sud-ouest de la capitale Ouagadougou. Ce village abrite plusieurs points de vente de produits de la Loterie nationale burkinabè (LONAB), dont des clubs de Pari mutuel urbain du Burkina (PMU’B). Le dernier-né des clubs, ouvert en mai 2025 appartient à Fanta Kantiono (nom d’emprunt), de taille moyenne, teint clair et âgée de 38 ans. Cette jeune dame a perdu son époux, au cours d’une attaque, le 4 avril 2020 à Bourzanga dans la région des Koulsé. Laissant sa famille, sa femme et ses deux enfants (11 et 6 ans à l’époque), tous inconsolables.
Aujourd’hui, respectivement en classe de 4e et de CM2, les deux orphelins sont à la charge de leur génitrice. Veuve trop tôt, elle sait qu’elle devra désormais porter seule le fardeau de la vie. C’est en larmes qu’elle arpentait les rues de Ouagadougou à la quête d’emploi. Et, c’est l’ONG AMPO international qui l’emploie comme cuisinière avec un salaire mensuel de 52 500 F CFA. Avec cette rémunération, difficile pour la jeune veuve et ses orphelins de
« s’en sortir » avec un loyer mensuel de 40 000 F CFA. Fanta Kantiono a dû se trouver un autre logement de 35 000 F CFA et trouver une autre école où la scolarité est moins chère.
« Je n’avais pas les moyens de payer leur scolarité de 110 000 F CFA. Il a fallu que l’une des responsables de AMPO m’aide à solder le restant de la scolarité de l’année scolaire

que les blessés en opération », précise le directeur du CEPSA, l’adjudant Ignace Kan.
2020-2021 qui était de 20 000 F CFA », explique-t-elle. Par la suite, elle dit avoir quitté l’ONG pour de la sous-traitance avec des services traiteurs jusqu’à l’obtention de l’indemnisation des soldats morts pour la patrie. Avec cette somme, Fanta a pu se construire un logement sur la parcelle, préalablement acquise par son défunt mari, dans le quartier Garghin, à la périphérie de Ouagadougou.
De plus, et depuis mai dernier, Fanta Kantiono est gérante d’un kiosque PMU’B. Ce vendredi 29 août 2025 aux environs de 16 heures, son kiosque grouille de monde. Le hangar et l’intérieur du club sont pleins à craquer. Les voix se croisent. Entre les éclats de rires et les discussions, la gérante du club veille au grain, saluant les habitués et encaissant les mises avec dextérité, chacun des parieurs espérant miser sur les bons chevaux qui devraient « courir » à 18h.
Retour à la vie
Cette affluence démontre la vivacité du club PMU’B de notre interlocutrice. Aujourd’hui, la veuve a quelque peu retrouvé la joie de vivre dans ce petit univers qui se lit sur son visage avec ce « nouveau départ » qu’elle vient de prendre, en tant que gérante du club.
« Franchement, je vis mieux depuis l’ouverture de mon kiosque. Non seulement, j’ai de quoi prendre soin de mes enfants, mais aussi j’ai l’esprit plus tranquille », confie-t-elle avec sourire. Fanta Kantiono a même, sous sa coupe, deux aides vendeuses qu’elle rémunère chacune à 50 000 F CFA le mois.
« Cet emploi permanent est le soutien le plus fort de tout ce que j’ai reçu en tant que veuve de soldat tombé. Je suis capable désormais de prendre en charge mes enfants et mes parents », ajoute-t-elle l’air soulagée. Les dépenses de la famille ne sont plus un

casse-tête pour elle. Au mois d’août déjà (NDLR au moment de l’interview), elle avait déjà versé la moitié de la scolarité de ses enfants qui s’élève à 315 000 F CFA, leur assurant ainsi le chemin de l’école sans crainte d’être expulsés. Cela grâce aux ristournes qu’elle perçoit. « Le premier mois, j’ai eu environ 400 000 FCFA.
Je sais que plus les ventes augmentent, mieux ma commission sera élevée », précise la nouvelle gérante l’air joyeuse.
Cet espoir retrouvé, Fanta le doit à la Loterie nationale burkinabè (LONAB) qui lui a tendu la perche, dans le cadre du projet d’autonomisation des ayants droit des forces combattantes tombées au front. Un projet concrétisé à la LONAB par l’ouverture de 50 nouveaux clubs du PMU. Selon la Nationale des jeux de hasard, les clubs ont été octroyés aux bénéficiaires en tenant compte de toutes les entités des forces combattantes.
Ainsi, dix clubs sont revenus aux veuves et ayants droit de la Police nationale, trois pour la douane, neuf pour les VDP, deux pour la Brigade nationale de sapeurs-pompiers (BNSP), huit pour l’armée de terre, six pour l’armée de l’air, neuf pour la Gendarmerie nationale et trois pour les Eaux et forêts.
Avant leur prise de service, elles ont suivi une formation initiée par la LONAB, du 7 au 11 mai 2025 à Ouagadougou. Bien avant, les gérantes et aides vendeuses de clubs et 20 autres veuves ont été recrutées et formées, du 23 au 26 avril 2025 pour intégrer les Espaces courses en direct (ECD) de la LONAB, comme des guichetières. Awa Ouédraogo (nom d’emprunt), la veuve du soldat tombé, le 26 septembre 2018, à Baraboulé dans la région du Soum en fait partie. « Depuis ce jour, ma vie a basculé. Sans emploi et deux enfants sous ma coupe, je ne savais pas à quel saint me vouer. J’ai pleuré pendant un long moment », raconte-t-elle. Au quotidien, elle « errait » dans la ville, frappant à toutes les portes pour trouver un métier afin de subvenir à leurs besoins.
Ainsi, d’Agent itinérant de santé (AIS) pour un salaire de 25 000 F CFA le mois à coiffeuse, en passant par la vente de produits de consommation divers, Awa Ouédraogo a tout essayé pour joindre les deux bouts. Incapable de supporter le coût de la scolarité, ses enfants sont

ramenés dans une école plus accessible à sa bourse. Mais, ses angoisses prennent fin quand son nom est tiré au sort à la Direction centrale de l’action sociale et des services psychologiques des armées pour être guichetière dans un Espace course en direct (ECD) de la LONAB. « Je n’y croyais pas », parlant de ces instants qui ont changé le cours de sa vie.
Après quelques jours de formation, elle a été engagée depuis juin 2025 comme une guichetière. Finis les jours d’errance. Elle arrive même aujourd’hui à garantir la place dans de meilleures écoles pour ses enfants, Aïcha en classe de 3e et Abdou au CM2, après le
paiement effectif de leurs scolarités qui s’élèvent respectivement à 135 000 F CFA et 115 000 F CFA, depuis le mois d’août. « Mon premier salaire était d’environ 200 000 F CFA. Je n’avais jamais tenu une telle somme dans ma main. Vous imaginez ma joie quand je l’ai reçu ? », confie-t-elle.
Le Directeur général (DG) de la LONAB, Ibrahim Ben Zarani, soutient que le recrutement des guichetières et l’ouverture des 50 nouveaux clubs du PMU-B est porteuse d’espoir et d’opportunités. Cette initiative, dit-il, est le fruit d’une décision « éclairée » du Conseil d’administration de la LONAB et guidée par une directive gouvernementale. Quant au processus de recrutement de ces bénéficiaires, la directrice centrale de l’action sociale et des services psychologiques des armées, Arlette Mathilda Ouédraogo, explique que l’Agence de soutien aux veuves, orphelins et victimes de guerre (ASVOVIG) et les structures partenaires identifient les bénéficiaires et les dossiers sont transmis aux instances de recrutement avec la mention spéciale « ayant droit ». « Ces profils sont intégrés dans la limite des quotas fixés », détaille la directrice de la coopération, de l’informatique et de la communication de ASVOVIG, le commandant Wend-lassida Nemata Dera.

est toujours associée à toute aide pour les ayants droit des soldats tombés au front.
A terme, ce sont 170 emplois directs qui seront créés par la LONAB, foi de son DG. Il poursuit que loin d’être un simple geste, « cette seconde chance est l’expression concrète de la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont donné leur vie pour sa sécurité ». Pour le DG Zarani, c’est surtout un témoignage de l’engagement à ne jamais oublier leur sacrifice et à soutenir ceux qu’ils ont laissés derrière eux, conformément à la vision du chef de l’Etat.
« Si elles sont autonomes financièrement, elles peuvent bien prendre en charge dignement les enfants », explique-t-il. Et c’est déjà le cas pour ces « heureuses gagnantes » de la LONAB. « Quand nous regardons le niveau des commissions, nous constatons que les nouvelles recrues sont déjà dans le bain. Nous sommes très satisfaits de leur prestation. En plus, les échos qui nous parviennent des directions de l’Ouest et de l’Est sont très satisfaisants parce que les employés apprécient », affirme le DG Zarani, l’air très heureux.
Dans le cadre de la réalisation de notre reportage, le DG de la LONAB a visité, le jeudi 24 juillet 2025 à Ouagadougou, deux ECD et deux clubs de PMU’B gérés par des veuves des FDS tombées au front pour les encourager. Selon lui, ces gérantes de kiosque PMU perçoivent 4,8 % de leur recette mensuelle et 2 % des ventes sont rétrocédées aux guichetières des ECD.
De l’auto-emploi aussi
En plus de la LONAB, plusieurs autres structures offrent une seconde chance aux ayants droit des forces combattantes tombées au front, en leur offrant des emplois permanents, l’une des réponses les plus solides pour assurer la résilience et l’autonomie des veuves. « Il garantit non seulement un revenu régulier, mais offrent aussi un cadre social où les bénéficiaires retrouvent leur utilité », explique le commandant Wend-Lassida Nemata Dera. Ainsi, des quotas leur sont offerts lors de certains recrutements. C’est le cas à l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) qui, par un communiqué daté du 2 octobre 2025, a lancé un recrutement de 20 personnes au sein des orphelins, des veuves et veufs des Forces armées nationales et des forces de sécurité intérieure tombées au front.
Ce sont trois caissiers, deux agents clientèles et 15 agents technico-commerciaux. Les dépôts de dossiers de candidatures se sont déroulés du 20 au 24 octobre 2025. L’élan de solidarité à leur endroit ne faiblit pas. Le 9 juillet 2025, lors de la célébration des 30 ans de

« EMANA Confection », le promoteur, Jean Pierre Nanema, a offert 10 bourses de formation d’une valeur de 10 millions 500 mille F CFA à l’ASVOVIG au profit des veuves.
En termes d’auto-employabilité, des centaines de femmes sont aussi formées aux métiers de la coupe-couture, de la coiffure-esthétique, de la pâtisserie- cuisine et de la saponification au Centre d’éducation et de promotion sociale des armées (CEPSA) situé au camp Sangoulé-Lamizana, selon son directeur, l’adjudant Ignace Kan. Salimata Zerbo (nom d’emprunt) est une bénéficiaire de la 3e promotion sortie, le 21 août 2025. Veuve, elle est aujourd’hui une coiffeuse à Kamboinsin, grâce à ce programme de formation. Enseignante de formation, elle a dû abandonner son métier après son accouchement en mars 2023 pour prendre soins du bébé.
Malheureusement, quatre mois après, elle perd son époux, le 25 juillet 2023 à Tanwalbougou dans la région du Goulmou. Son nouveau statut de veuve lui permet de bénéficier d’une formation en coiffure au CEPSA. Après 60 jours (de décembre 2024 à mars 2025), explique-t-elle, elle reçoit une attestation et un kit d’installation (une coiffeuse, un lave-tête et une chaise). Depuis, le 7 juillet 2025, elle est propriétaire d’un salon de coiffure dans lequel elle emploie deux coiffeuses. Toute heureuse, elle est fière d’exercer ce métier, car c’était sa deuxième passion. « C’était mon rêve d’être une coiffeuse. J’ai ouvert le salon bien avant la sortie officielle de notre promotion avec mes propres fonds. En plus de la coiffure, je fais la pédicure et la manucure, je vends des mèches, des habits et des accessoires de beauté », explique-t-elle.
« Certes, il n’y a pas le marché car, je suis une nouvelle dans le quartier mais j’espère qu’avec le temps, je me ferai un pool de clientes », renchérit-elle. A l’en croire, n’eut été cette formation, elle serait dans la dépression. « J’étais au bout du rouleau après la mort de mon mari. J’ai fait un accident vasculaire cérébral et mon visage était déformé avec une paralysie légère de mes jambes », se souvient-elle, les yeux embués de larmes. Mais grâce à la formation et le fait de côtoyer d’autres veuves qui vivent la même situation, elle se remet progressivement. « Je dois me battre pour ma fille de 11 ans et mon fils de
2 ans. Ils ont plus que jamais besoin de moi », confie Mme Zerbo.
Pour le directeur du CEPSA, l’adjudant Ignace Kan, sa structure entame la 4e promotion. « Ce sont des centaines de veuves qui ont été formées dans divers métiers. Bon nombre sont installées à leur propre compte et d’autres partent se perfectionner dans des centres de couture en tant que boursières comme le centre de formation Emma couture », relève le directeur. Tout compte fait, pour celles qui n’arrivent pas à s’en sortir malgré la formation, la directrice centrale, Arlette Ouédraogo, indique que sa structure reste toujours disponible à les aider.
« A travers toutes ces initiatives, c’est une manière de montrer qu’aucune veuve ne doit être abandonnée dans la précarité », précise le ministre de la Sécurité, le commissaire divisionnaire de police, Mahamoudou Sana, lors de la sortie officielle de la 3e promotion des veuves. « Toutes ces démarches se traduisent comme une reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont consenti le sacrifice suprême. Une main tendue qui incarne la solidarité concrète et durable », renchérit Mme Dera de l’ASVOVIG. Pour les bénéficiaires, ces initiatives permettent de retrouver une stabilité, non seulement financière, mais aussi psychologique et sociale.
Fleur BIRBA
fleurbirba@gmail.com
Qu’est-ce que l’ASVOVIG ?
L’Agence de soutien aux veuves, orphelins et victimes de guerre (ASVOVIG) a officiellement lancé ses activités en décembre 2024. Elle est chargée d’assurer une meilleure prise en charge des veuves, orphelins et victimes de guerre à travers l’harmonisation de leurs politiques et/ou initiatives de prise en charge par leurs structures respectives. Depuis son lancement, elle a déjà réalisé plusieurs activités qui sont, entre autres, la conférence nationale des veuves et orphelins des forces combattantes en mars 2025, la formation de 193 veuves et orphelines des FDS et VDP dans des métiers de couture, de coiffure-esthétique, de la pâtisserie-cuisine et de la saponification, la prise en charge psychologique individualisée de 171 blessés en opérations et 155 épouses de forces combattantes (décédées, blessées ou portées disparues) et la formation de 28 médecins et psychologues des Forces armées nationales et de la Police nationale comme formateurs en santé mentale et soutien psychosocial.
F.B
Source : ASVOVIG
De nombreuses actions de la fondation « Go Paga »
Créé en 2021, le programme « Go Paga » devenu, depuis le 25 avril 2024, une fondation, vise à soutenir les militaires et les familles des militaires tombés sur le théâtre des opérations. Elle a mis à la disposition de l’armée, environ 15 sites de formation pour les enfants et veuves, des centres pour les blessés de guerre et des crèches. A cela s’ajoutent la scolarité de 1 000 enfants et l’octroi de cartes d’assurance maladie. Une crèche pour les filles-mères à l’université de Koudougou a été construite. La fondation travaille sur quatre programmes que sont le programme d’autonomisation socioéconomique des femmes en difficultés, le programme de soutien psychosocial, le programme d’éducation pour tous (surtout pour les enfants) et le programme d’activités extra-scolaires en faveur des orphelins.
F.B
Sources : wakatsera.com et
Lefaso.net






