Accès à internet : « Le client va pouvoir s’approvisionner à moindre coût », Sidi-Mohamed Galiam Ouédraogo, DG des infrastructures de télécommunication électronique

Le Burkina Faso va pouvoir bénéficier d’une bande passante internationale globale grâce au Point d’atterrissement virtuel (PAV) implanté à Bobo-Dioulasso. A travers cet entretien avec le Directeur général des infrastructures de télécommunication électronique du ministère du Développement numérique et des Postes, Sidi-Mohamed Galiam Ouédraogo donne de plus amples informations.

Sidwaya (S) : Le Burkina Faso dispose maintenant d’un point d’atterrissent virtuel. De quoi s’agit-il ?

Sidi-Mohamed Galiam OUEDRAOGO (S.M.G.O.) : Un Point d’atterrissement virtuel (PAV) est comme un port sec. Quand on parle de réseau de communication dans le contexte international, c’est un ensemble de réseaux qui sont connectés par la fibre optique. Nos mers connectent nos différents continents à travers les multiples fibres qui sont au-dessus. Cela facilite du coup l’échange de communication. Pour ce qui est du Burkina Faso, c’est un pays enclavé.

Il faut pouvoir aller chercher ces fibres au niveau des pays côtiers qui sont nos voisins comme la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana, le Bénin. Il fut un temps où nous allions chercher ces fibres au Sénégal. Le PAV est comme si on amenait le point de présence de fibre optique qui est au niveau d’un des pays côtiers au Burkina Faso. On fait une analogie avec les ports secs.

Ce dispositif permet de résoudre une problématique importante de la connectivité à l’international pour un pays. Quand vous allez sur l’internet, vous cliquez sur des sites qui ont des serveurs situés à l’étranger, vous passez par un ensemble d’équipements qui vont traverser quasiment une partie du monde avant d’y arriver. Avec un pays comme le Burkina avec un bon nombre d’utilisateurs, il va avoir une bonne voie de sortie qui permet à plusieurs abonnés d’aller à l’extérieur en même temps.

Du coup, ce PAV a pour vocation de résoudre la problématique de connectivité à l’international. Il est l’interface avec les réseaux existants. Ses clients sont essentiellement les opérateurs et les fournisseurs d’accès à internet. Pour pouvoir gérer ce PAV qui est à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, il y a une coopérative de tous ces acteurs que l’Etat a créée et, leur a confié la gestion de ces dispositifs.

S : Quelle différence ce PAV apporte-t-il en termes de qualité ?

S.M.G.O. : Pendant longtemps, c’était un problème d’avoir accès à l’international. Il y avait un seul opérateur historique qui devait desservir tous les autres. Aujourd’hui, l’Etat a permis d’ajouter un peu plus de capacité, d’apporter plus de concurrence, mais, aussi de réduire les coûts d’accès à l’international de 86%. L’objectif final pour l’Etat est que ce PAV soit répercuté chez l’utilisateur final en matière de coût et de qualité.

Donc, dans l’architecture des réseaux, il y a la connectivité à l’international, il y a les réseaux de transport, notamment le backbone (le cœur d’un réseau informatique) qui sont des réseaux similaires aux lignes haute tension de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL). Le backbone est la deuxième étape. Ensuite, il y a le réseau d’accès qui peut être filaire via la fibre optique ou hertzienne.

S : Confirmez-vous que le citoyen aura l’internet à moindre coût ?

S.M.G.O. : La donne sûre et immédiate est que le client, c’est-à-dire l’opérateur et le fournisseur d’accès à internet vont pouvoir s’approvisionner à moindre coût. Il reste à ce que cela soit répercuté sur le client final. Cela ne va se sentir immédiatement chez le client, mais l’objectif est qu’il puisse le sentir indirectement. Nous sommes dans un secteur libéralisé. Quand le client a un service de téléphonie mobile, c’est via un opérateur privé. Ce que l’Etat a fait, c’est de faciliter les choses pour l’opérateur afin qu’il puisse concentrer ses investissements sur le client final, en réduisant les coûts et en améliorant la qualité.

S : Y a-t-il une explication au fait que c’est Bobo-Dioulasso qui abrite le bâtiment du PAV ?

S.M.G.O. : Le premier PAV a été fait à Ouagadougou. C’était la centrale. Il fallait un autre point. Nous l’avons placé à Bobo-Dioulasso pour deux raisons. D’abord c’est la capitale économique qui a un grand centre d’accueil. Ensuite, c’est une ville qui a une connectivité avec plusieurs pays notamment le Mali et la Côte d’Ivoire qui sont importants pour le Burkina Faso en matière de télécom. Avoir deux PAV qui sont reliés entre eux, c’est permettre une redondance en cas de panne. Le choix de Bobo-Dioulasso est lié à la fois à des questions économiques, d’architecture télécom et de sécurisation des sorties à l’international.

S : Il semble que Fada N’Gourma aussi aura un PAV. Qu’est-ce qui explique cela ?

S.M.G.O. : Pour Fada, c’est un projet qui est en cours. Il y a des études qui sont envisagées. Ce qui est sûr, l’Etat a déjà approvisionné les points de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Pour tout ce qu’il va avoir comme extension, l’idée sera de travailler avec les acteurs du privé pour qu’ils le fassent. La philosophie est que l’Etat investit pour accompagner le secteur quitte à ce que celui-ci prenne en charge pour atteindre les objectifs. Quand on parle de Fada N’Gourma ou éventuellement d’autres régions, ce sont des objectifs qui répondent à la volonté d’aménagement numérique du territoire. Par exemple, l’objectif d’un privé au départ, c’est de se faire de l’argent. Il va dans les endroits qui l’intéressent. Mais, l’Etat a d’autres objectifs pour pouvoir atteindre éventuellement des zones qui sont moins servies.

S : Quelle est la relation entre Points d’échange internet (PEI) et PAV ?

S.M.G.O. : Le PAV permet d’échanger la capacité. Le PEI est un point pour faciliter les échanges locaux entre opérateurs locaux d’information. Par exemple, si vous avez un site à l’étranger, il passe par le PAV pour pouvoir arriver à ce site. Vous avez un site qui est localisé au Burkina Faso, pour y aller, on va favoriser les échanges entre les opérateurs pour que le client ne puisse pas aller à l’international pour pouvoir y revenir. Le PEI est un point qui permet de faire des échanges locaux. Dans les points d’échanges, on a fait amener des éléments qu’on appelle des « cashs ». Dans notre jargon, ce sont des
« cashs Google » et des « cashs Facebook » qui sont à Ouagadougou aujourd’hui.

C’est comme s’il y avait une sorte de mise à jour de Google et Facebook mondiale au Burkina Faso. Quand un utilisateur de Ouagadougou clique sur Facebook, c’est sur le « cash » qui est à Ouagadougou et aujourd’hui à Bobo-Dioulasso. Par exemple, si un habitant de Bobo-Dioulasso va sur Facebook, il sera dirigé sur le « cash Facebook » qui est localisé au niveau du point d’échange internet de Bobo-Dioulasso. Et quand il va s’agir d’un habitant qui est hors des deux villes, ce sera au niveau d’un des deux
« cashs ». Bientôt nous aurons le cash Google à Bobo-Dioulasso.

Dans ce « cash Google », il faut noter qu’il y a beaucoup d’applications derrière. Ces genres de « cashs » réduisent les temps d’accès aux pages. Pour pouvoir accéder à une page Google avant, vous pouviez prendre au moins 200 millisecondes. Mais, avec ces
« cashs » qui sont mis localement dans les points d’échanges internet, on peut avoir 50 millisecondes. Ce sont des éléments techniques qui permettent d’améliorer la qualité. Il est aussi important de savoir que derrière un réseau d’accès qui doit être de qualité, cela est à la charge des opérateurs privés.

S : Peut-on dire qu’à partir de ce PAV le Burkina Faso est connecté à l’infrastructure mondiale de la fibre optique?

S.M.G.O. : Le Burkina Faso est connecté à l’infrastructure mondiale depuis longtemps. Avec l’Office national des télécommunications (ONATEL), le pays est connecté à la fibre optique. Le centre de transmission de Ouagadougou est connecté, il y a presqu’une vingtaine d’années. Le secteur des télécoms est parfois critiqué, mais quand vous regardez, il y a du travail qui a été fait. Il y a cinq ans de cela quand vous vous connectiez sur Facebook pour regarder une vidéo, c’était difficile. Aujourd’hui c’est facile grâce aux infrastructures que l’Etat a construites avec la collaboration des privés. La connectivité à l’internet existait, mais en 2016, on était à 12 mégabytes/s. Aujourd’hui nous sommes presque à 60 mégabytes/s. C’est aussi une quête permanente d’amélioration qui a été faite par l’Etat mais aussi par les acteurs du privé. Mais cela va aussi avec la multiplication des usages.

S : Avec le PAV, peut-on dire qu’un 4G l’est réellement au Burkina Faso ?

S.M.G.O. : D’abord, pour avoir la 4G, il y a une technologie de 4G au niveau des réseaux d’accès que vous avez entre l’antenne et l’utilisateur. Il y a un ensemble d’infrastructures des réseaux de collecte, des réseaux backbones et la connectivité à l’international. Pour avoir la 4G, il faut que tous ces éléments soient réunis. Cette infrastructure va contribuer à améliorer la qualité de la 4G. Cependant, tout dépendra de la manière dont on fera l’architecture des réseaux au niveau des opérateurs. Vous pouvez avoir un site 4G dans un endroit qui va être moins performant qu’un site 3G parce qu’il est dimensionné pour beaucoup d’utilisateurs sur une très longue distance.

Quand on dit qu’un site 4G est plus performant qu’un site 3G, c’est exactement pour la même zone avec le nombre d’utilisateurs. Même si c’est un site 4G au lieu d’avoir 100 utilisateurs, on se retrouve à 10 000, il faut mieux le dimensionner parce qu’en réseau 4G, ce sont des débits partagés. Tout dépendra de comment vous dimensionnez votre réseau. In fine, le PAV va permettre d’améliorer la qualité des services que nous avons, mais tout cela n’est qu’un maillon. Il y a d’autres maillons qui doivent être mis à profit.

S : Quelle différence entre le haut niveau et très haut niveau en matière d’internet ?

S.M.G.O. : Dans le schéma d’aménagement numérique que nous avons fait et qui a été validé en 2019 par le Conseil des ministres, le haut débit correspond à deux mégabytes/s en montant et un mégabyte/s en descendant par utilisateur pour neuf personnes sur dix en un lieu donné. Par contre, avec le très haut débit, on s’est aligné à 30 mégabytes/s. C’est vraiment avec des technologies comme la fibre optique qu’on peut avoir du très haut débit. Le schéma d’aménagement a été conçu en tenant compte de ces définitions qui sont une transposition de ce qui se fait ailleurs en termes de haut débit et de très haut débit. Mon souhait est que nous puissions construire ensemble le secteur des télécoms qui va être au service du développement de notre pays.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO

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