Boukaré Zouanga, directeur des affaires monétaires et financières : « L’affacturage offre aux entreprises, l’assurance d’un paiement rapide et sûr »

Lors du conseil des ministres du 12 janvier 2021, le gouvernement burkinabè a adopté un projet de loi relatif à l’activité d’affacturage. Pour en savoir davantage, Sidwaya s’est entretenu avec le directeur des affaires monétaires et financières, Boukaré Zouanga, en service à la direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique.

Sidwaya (S) : Lors du dernier conseil des ministres, le gouvernement burkinabè a adopté un projet de loi relatif à l’activité d’affacturage. En français simple, à quoi renvoie l’affacturage, encore appelé factoring ?

Boukaré Zouanga (B.Z.) : De façon simple, les entreprises qui produisent les biens et services vendent une bonne partie de leurs produits à crédit à leurs clients. Ce décalage entre la vente du produit et l’encaissement de cette vente crée parfois des difficultés de trésorerie. L’affacturage (aussi appelé factoring) est la convention par laquelle un établissement spécialisé, appelé le factor (ou affactureur), qui est souvent en pratique un établissement de crédit, accepte de régler les créances qu’une entreprise détient sur ses clients, en contrepartie du transfert à son profit de ses créances et d’une rémunération, consistant en commissions et agios.

Le factor paie l’entreprise de manière anticipée et se charge du recouvrement des créances ainsi transmises auprès des débiteurs, au risque de devoir supporter l’éventuelle insolvabilité de ces derniers. L’affacturage offre ainsi aux entreprises, l’assurance d’un paiement rapide et sûr de leurs factures clients.

S : Y a-t-il plusieurs types d’affacturages ?

B.Z. : Oui, l’affacturage peut prendre plusieurs formes selon la littérature. Il y a : L’affacturage classique : l’entreprise cède ses factures au factor en échange d’un financement immédiat ; L’affacturage notifié non géré ou semi-confidentiel s’adresse aux entreprises au chiffre d’affaires plus conséquent. Cette forme d’affacturage consiste, pour l’entreprise, à céder au factor les créances notifiées tout en gardant à l’interne, la relance et l’encaissement des factures de ses clients.

Dans ce cas, les clients paient toujours directement le fournisseur ; L’affacturage confidentiel ou affacturage non notifié permet à l’entreprise de conserver la gestion du poste client. Les règlements sont financés par une société d’affacturage, mais les clients ne sont pas informés de la souscription au contrat.

L’entreprise est donc tenue de régler à l’échéance le factor. L’affacturage inversé ou reverse factoring : l’entreprise mandate par avance le factor pour régler ses fournisseurs. Les fournisseurs doivent alors signer un accord autorisant l’établissement de factoring à payer à la place de l’entreprise. Et l’entreprise pourra bénéficier d’un escompte commercial et régler le factor à l’échéance normale des factures.

S : Qu’est-ce qui a prévalu à l’adoption de ce projet de loi relatif à l’affacturage ?

B.Z. : La loi bancaire en vigueur dans les pays membres de l’UMOA est la loi qui régit cette opération. Cependant, elle reste muette sur certains aspects importants de l’opération d’affacturage. Il s’agit notamment des modalités de transfert des créances au factor, du recouvrement des créances par le factor, de la conclusion et d’effets, d’extinction ainsi que de la rémunération du contrat d’affacturage.

L’absence de précisions sur les modalités pratiques de fonctionnement de l’affacturage a fortement contraint le développement de cet instrument de financement dans l’UMOA. En effet, ces aspects sont traités sur la base du droit commun, en particulier les dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ainsi que celles de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. Celles-ci ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités de l’activité bancaire d’où la nécessité de prendre un texte.

C’est dans ce cadre que lors de sa session du 10 décembre 2020, le conseil des ministres de l’UMOA a, par décision N° 023 du 10/12/2020/CM/UMOA, procédé à l’adoption du projet de loi uniforme relative à l’activité d’affacturage dans les Etats membres de l’UMOA, à charge pour les Etats membres de prendre les dispositions nécessaires en vue de son insertion dans leur ordre juridique interne.

S : Qui peut être factor ou créer une société d’affacturage suivant ce projet de loi ?

B.Z. : L’activité d’affacturage a été définie comme une activité bancaire. Aussi, elle est exercée par les établissements de crédits (banques et établissements financiers à caractère bancaire) ou les systèmes financiers décentralisés agréés dans les États membres de l’UMOA. Ainsi, pour créer une société d’affacturage, il faut relever des établissements ci-dessus cités.

S : L’affacturage peut-il être considéré comme une solution efficace aux contraintes que rencontrent les entreprises dans le recouvrement de leurs créances publiques et privées ?

B.Z. : Oui, l’affacturage cible principalement les entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie pour financer leur cycle d’exploitation. Autrement dit, l’affacturage adresse les difficultés des entreprises à financer leurs fonds de roulement. Le recours à l’affacturage comporte plusieurs avantages, notamment la sécurisation et le financement du poste clients, qui constitue une des principales préoccupations des entreprises.

En effet, une gestion efficace des créances en attente de paiement est primordiale pour le développement de l’activité ainsi que la réduction des coûts et risques liés aux délais de recouvrement et aux impayés. L’affacturage offre aux entreprises, l’assurance d’un paiement rapide et sûr de leurs factures clients.

Concrètement, il leur permet de déléguer la gestion des tâches administratives liées à la facturation. L’entreprise, en cédant ses créances au factor, se décharge en effet des problématiques de suivi, de recouvrement ou encore de relance.

S : En quoi l’affacturage peut-il être considéré comme un instrument de financement des entreprises, notamment des PME ?

B.Z. : Comme nous l’avons souligné plus haut, l’affacturage permet aux entreprises de mobiliser les recettes des ventes de leurs produits avant le terme convenu sur la facture. En effet, il est très rare, en pratique, qu’une facture soit payée immédiatement après son émission. D’une manière générale, les clients acquittent leurs dettes à l’échéance prévue sur les factures (ce délai peut aller jusqu’à 45 jours fin de mois ou dans les 60 jours à compter de la date d’émission de la facture).

L’entreprise supporte donc un décalage entre le moment où elle facture et le moment où le client paie. En cédant ses factures à une société d’affacturage, l’entreprise peut ainsi optimiser la gestion de sa trésorerie et continuer à financer sa production.

S : Concrètement, comment se fait la rémunération du contrat d’affacturage ?

B.Z. : La rémunération du contrat d’affacturage se fait de deux manières :

• la commission d’affacturage ou commission de service qui rémunère l’affactureur au titre de sa prestation d’affacturage ;

• la commission financière ou commission de financement qui rémunère l’avance de trésorerie octroyée par l’affactureur. La commission d’affacturage est fixée par l’affactureur, dans le respect des dispositions légales en vigueur, sur la base du montant des créances qui lui ont été cédées. Cette commission demeure acquise à l’affactureur qui peut réviser le taux y afférent, en accord avec l’adhérent. La commission de financement, négociée librement entre les parties, est mentionnée dans le contrat d’affacturage.

Cette commission est perçue lors de la mise à disposition des fonds et concerne la durée courant jusqu’à l’échéance prévisionnelle d’encaisse-ment des créances cédées (considérées). Les opérations d’affacturage sont soumises à la réglementation relative à l’usure dans l’UMOA qui plafonne le taux à 15% pour les banques et à 24% pour les autres catégories d’institutions financières. Se référer à l’article 17 du projet de loi relatif à l’affacturage.

S : Quel est l’état des lieux de ce secteur d’activité au Burkina Faso ?

B.Z. : Nous n’avons pas fait un état des lieux exhaustif de l’activité au Burkina Faso mais nous savons que beaucoup d’établissements de crédits la pratique depuis longtemps. A titre illustratif, la Société générale Burkina Faso offre à sa clientèle commerciale un service d’affacturage. Il en est de même pour FIDELIS Burkina.

S : Avez-vous le retour d’expériences réussies de l’affacturage dans d’autres pays d’Afrique ?

B.Z. : L’affacturage est une réalité réussie dans les pays maghrébins notamment la Tunisie et le Maroc. L’affacturage est également une pratique courante dans les pays de la zone UEMOA notamment au Burkina Faso. Le projet de Loi en cours permettra de promouvoir davantage ce type de financement.

S : Le projet de loi prévoit-il des mesures d’accompagne-ment pour le développement de l’affacturage au Burkina Faso ?

B.Z. : Le projet de loi ne prévoit pas de mesures d’accompagnement financier ou fiscal. C’est une loi communautaire. Cette loi a pour objet de régir l’activité d’affacturage au Burkina Faso. Elle fixe notamment les conditions de formation du contrat d’affacturage, les dispositions financières et comptables applicables à l’affacturage, les droits, obligations et responsabilités des parties et la fin du contrat d’affacturage. Toute chose qui permettra de promouvoir l’activité d’affacturage.

Interview réalisée par Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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