Le triple saut du Faso

Quand j’ai vu Hugues Zango sauter, je me suis dit : ce garçon n’a pas que du talent sous les muscles ; il a aussi du cœur et du cran. Mais avoir du cœur, ce n’est pas posséder l’organe qui bat et pompe le sang dans nos veines. Avoir du cœur, c’est avoir quelque chose dans le ventre. C’est être déterminé à réussir coûte que coûte, vaille que vaille. Avoir du cœur c’est se battre jusqu’au bout de l’effort ; parce qu’au-delà de l’effort, il y a les vrais hommes forts. Mais on ne devient pas fort en dormant sur ses lauriers, jusqu’à huit heures du matin. On ne devient pas un champion en faisant de petits bonds de crapaud.

Quand je pense que ce jeune homme a autant de ressources dans le crâne que dans les jambes, je reste bouche bée face à la hargne de l’homme intègre. Oui, on peut être sportif de haut niveau et convoiter un doctorat dans sa ligne de mire. Et dire qu’il vise encore la lune malgré son record en or ! Aujourd’hui, il est le digne fils du pays, l’ambassadeur de la Nation. Il peut même entrer à la présidence sans taper. On ne saute pas plus de 18 mètres pour perdre son temps à ramper avec des fainéants de dernière série.

On n’est pas champion pour briller comme un lampion. Une fois de plus, on ne saute pas 18 mètres pour paresseusement raser les murs des six mètres du quartier, désœuvré et engourdi. Combien sommes-nous capables de sauter plus loin que la plante de nos propres pieds ? Combien excellent dans leur domaine au point de toiser les autres dans le leur ? Combien sont-ils ces Burkinabè qui ne peuvent même pas taper adroitement dans un ballon, mais qui huent leur propre équipe nationale en cas de mauvaise passe ou de défaite ?

Pourtant les Etalons ont bien joué le match ! Ils ont raté des occasions certes, mais qui n’a jamais manqué une occasion dans sa vie ? Il y en a qui n’ont d’ailleurs jamais eu d’occasion, parce qu’ils ne savent même pas ce que c’est qu’une opportunité. Mais ce sont les tonneaux vides qui font beaucoup de bruit.
En tout cas, Zango a fait le saut. Mais si chacun de nous pouvait exceller autant dans son domaine d’activité, le développement tant prôné et clamé ne serait plus un mirage.

Si du balayeur de rue au grand commis de la République, chacun pouvait se mettre à fond à l’ouvrage, nous serions en avance sans forcément être le premier. Malheureusement, il y a des choses qu’on n’apprend pas à l’école moderne : l’intégrité et l’humilité, le courage et l’espoir, la générosité et la gratitude. On peut empocher un doctorat et marcher sans un sous vaillant ; on peut être un professeur et raisonner comme un profane ; on peut avoir un salaire d’un million et continuer à voler la République ; on peut avoir un boulot que l’on aime mais qui ne nourrit pas suffisamment son homme et être heureux.

On ne peut pas sauter 18 mètres en triple saut sans véritablement prendre son élan et sauter. On ne peut pas frauder en triple saut ! Il n’y a point de magie, point de secret. Il n’y a que la volonté, le courage et l’abnégation, la foi et l’effort. Mais combien sont ces Burkinabè qui ont fraudé pour avoir le BEPC, le BAC, ou un concours ? Combien sont-ils ces intègres de la pègre à être cités dans tous les rapports à scandale sans être égratignés, sans même être entendus ? Parfois, il suffit de trimbaler des casseroles et sentir mauvais pour être élevé au piédestal. Il suffit d’avoir les mains sales pour mériter le strapontin de la mangeoire et se goinfre…..

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