Ouaga-Accra, même combat !

Le branle-bas diplomatique de la semaine écoulée, mettant en scène le Burkina Faso et le Ghana, n’est pas passé inaperçu. A la faveur du Sommet Etats-Unis-Afrique, le Président ghanéen, Nana Akufo-Addo, a fait une déclaration pour le moins gravissime au sujet de la présence du groupe de sécurité privé russe, Wagner, chez son voisin burkinabè.

Selon lui, le Burkina Faso a conclu un arrangement avec des forces de Wagner en échange d’une mine au sud du pays. Pour le chef d’Etat ghanéen, en clair le capitaine Ibrahim Traoré s’est attaché les services de Wagner dans la lutte contre le terrorisme. Ces propos n’ont bien évidement pas été du goût de Ouagadougou qui n’a jamais évoqué officiellement un partenariat avec Wagner, malgré les appels à se tourner vers la Russie pour lutter contre les groupes armés terroristes.

Conséquence, le Burkina Faso a rappelé son ambassadeur accrédité à Accra, le général Pingrenoma Zagré, pour consultation et convoqué l’ambassadeur ghanéen à Ouagadougou, Boniface Gambila Adagbila, pour mieux comprendre les déclarations du Président Akufo-Addo. C’est la deuxième fois en moins d’un an que les autorités burkinabè convoquent un ambassadeur étranger pour des clarifications.

Courant juillet 2022, en effet, l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, avait été convoqué après des propos jugés « discourtois » et « inamicaux » par le gouvernement. Cette fois-ci, ce sont des frictions avec le Ghana qui retiennent l’attention. Des crises entre deux pays peuvent subsister, certes, mais le Ghana et le Burkina Faso, qui entretiennent des relations de longue date, n’ont pas besoin d’une quelconque escalade. Surtout que les deux Etats collaborent, dans ce contexte de lutte contre le terrorisme, à travers l’Initiative d’Accra, impliquant d’autres pays.

En déclarant sans précaution que Wagner opère déjà au Burkina Faso, le Président Akufo-Addo a aussi choqué l’opinion publique burkinabè, pour qui la voie diplomatique aurait servi dans ce cas de figure, dans la perspective d’avoir le cœur net, plutôt que d’aller accuser le pays des Hommes intègres à une rencontre où il n’a pas été convié. L’Initiative d’Accra dont le Burkina Faso a d’ailleurs participé à la dernière rencontre, aurait pu également être mise à profit pour évoquer ce sujet.

D’autre part, le bon voisinage commande une attitude de bienveillance. Ouagadougou, et c’est son droit, ne peut pas comprendre que le premier des Ghanéens survole le Burkina Faso et l’Afrique pour aller poser un problème de voisinage aux Etats-Unis d’Amérique. Qu’a-t-on à apprendre à ce pays en matière de renseignement ? On pourrait estimer que Akufo-Addo a fait sien le sacro-saint principe selon lequel les Etats n’ont pas d’amis, mais des intérêts.

Mais encore faut-il reconnaitre au Burkina Faso la liberté de choisir ses partenaires en fonction de sa vision et de ses besoins. « C’est maintenant que la lutte pour la vraie indépendance commence », a affirmé le Président Ibrahim Traoré, dans son message à l’occasion de la fête nationale, le 11 décembre dernier. Les autorités burkinabè, tout en cherchant leur voie, ne perdent pas de vue qu’elles heurteront certains intérêts sous régionaux et internationaux.

Tout compte fait, le contexte n’est certes pas pareil, mais Accra et Ouagadougou n’ont pas toujours eu des relations houleuses. On se rappelle l’époque où les défunts Présidents John Jerry Rawlings et le capitane Thomas Sankara proclamaient de part et d’autre, « Ghana and Burkina, same fight ». Les deux hommes, des révolutionnaires bon teint, entretenaient de très bonnes relations qui ont permis de consolider également celles entre leurs pays.

En privilégiant la voie diplomatique, les autorités burkinabè ont donc su faire preuve de hauteur d’esprit et de réalisme, en aplanissant un différend sans trop tirer sur la corde, surtout dans un contexte où la lutte contre le terrorisme est devenue un défi commun en Afrique de l’Ouest.

Assetou BADOH

badohassetou@yahoo.fr

Laisser un commentaire