Cameroun: l’incertitude

Alors que le climat sociopolitique est explosif au Cameroun, le Conseil constitutionnel a annoncé hier, lundi 27 octobre 2025, les résultats définitifs de la présidentielle tenue deux semaines plus tôt. Comme il fallait s’y attendre, la victoire du chef de l’Etat sortant, Paul Biya, 92 ans, a été confirmé avec 53,66 % des suffrages exprimés contre 35,19 % pour son principal rival, l’opposant Issa Tchiroma Bakary, 79 ans. Les dix autres candidats, largement distancés, occupent le bas du tableau au classement, avec des suffrages exprimés compris entre 3,41% et 0,22%.

Le « sphinx » du Cameroun, comme on le surnomme, se « tape » un 8e mandat, marquant la continuité d’un règne sans partage depuis 1982, mais son adversaire le plus sérieux n’entend pas se laisser faire. Issa Bakary Tchiroma, candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), n’a pas attendu la proclamation des résultats provisoires par l’organe chargé des élections, ELECAM, pour revendiquer la victoire et il n’en démord pas. Cette prise de position a entrainé des troubles et la tendance ne semble pas laisser présager un retour à la quiétude nationale.

L’ancien ministre de l’Emploi et de la Communication persiste et signe. Dimanche, veille de la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle du 12 octobre dernier, la tension est remontée d’un cran. Les soutiens de Tchiroma ont manifesté en réponse à son appel dans les rues, à Douala et dans d’autres villes du Nord, dont Garoua (son fief), Maroua et Kondengui. Ces manifestations, qui se voulaient pacifiques, ont malheureusement dégénéré avec au moins quatre morts, plusieurs blessés et une centaine d’arrestations de militants du FSNC. Ce climat délétère est à déplorer et plonge le Cameroun dans une incertitude, tant on redoute de violentes manifestations après la proclamation des résultats officiels.

La soif de l’alternance habite Tchiroma Bakary, mais il faut admettre que son attitude est de nature à mélanger le pays, ce qui ne profitera à personne. Malgré l’expérience et l’engagement de ELECAM, l’organisation des élections au Cameroun n’est pas exempte de tout reproche. Des fraudes ont toujours été dénoncées dans l’histoire des scrutins dans ce pays d’Afrique centrale, sans que cela n’affecte fondamentalement les résultats. Bakary Tchiroma, qui connait bien le régime Biya pour l’avoir servi, surfe certainement sur ces irrégularités récurrentes, même s’il ne saurait se substituer à ELECAM.

Les inquiétudes de l’opposant pourraient être bien fondées, vu la curieuse révélation de la presse, selon laquelle le président Biya lui aurait proposé le poste de Premier ministre, avant la proclamation des résultats officiels. Pourquoi cette main-tendue avant la confirmation du verdict des urnes ? Ce geste vise-t-il à calmer les partisans de son principal adversaire ou est-ce une proposition qui cache une victoire volée ? En tous les cas, le malheureux présidentiable croit dur comme fer, qu’il est le principal vainqueur de l’élection et que les résultats ont été truqués. Bakary Tchiroma va-t-il s’entêter et entrainer le pays dans un chaos total ?

Le souhait est qu’il n’aille pas dans ce sens, vu les dégâts que cela pourrait occasionner. Des informations relatives à un assaut de l’armée contre la personne de l’opposant circulent d’ailleurs, à telle enseigne que l’on se demande ce que nous réserve les prochains jours. La question de l’alternance se pose au Cameroun, mais le sujet parait tabou jusqu’à présent. Les Camerounais semblent s’accommoder du personnage de Biya, qui croule pourtant sous le poids de l’âge et est contraint de faire des va-et-vient en Occident, plus particulièrement en Suisse, pour des soins. Après plus de quatre décennies aux affaires, Biya n’a plus véritablement rien à prouver et aurait dû prendre une retraite méritée et passer le flambeau à la jeune génération. Hélas ! Il semble être l’otage d’un système bien huilé entretenu par son entourage.

Kader Patrick KARANTAO

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