Couvre-feu à Fada: une nuit avec des gendarmes patrouilleurs

Depuis le 21 mars 2020, un couvre-feu de 19 heures à 5 heures est en vigueur sur toute l’étendue du territoire national. Dans la ville de Fada N’Gourma, chef-lieu de la région de l’Est, les forces de défense et de sécurité veillent à l’application de la mesure. Des journalistes, issus de divers organes de presse, ont fait le constat dans la nuit du samedi 4 avril 2020.

La pendule indique 20 heures pile, ce samedi 4 avril 2020, lorsque les pandores reçoivent les dernières consignes de la hiérarchie pour la traditionnelle mission de patrouille dans la ville de Fada N’Gourma qui vit, à l’instar des autres localités, au rythme du couvre-feu. Cette fois, c’est une sortie insolite avec des compagnons inhabituels, des journalistes, notamment. Sans tarder, l’équipe de la gendarmerie, forte de 25 éléments, se scinde en deux groupes, baptisés « Alpha (A) et Bravo (B) ». Elle sera imitée, plus tard, par le groupe d’hommes de médias. Il est 20 heures et quart, c’est l’heure de rigueur pour ces « patrouilleurs » d’une nuit d’embarquer les uns avec l’équipe « A », les autres avec l’équipe B pour un itinéraire tout tracé. Sur la Route nationale n°4 (RN4), « Alpha » ratisse plein Ouest et « Bravo » prend la destination inverse. Pour ce qui est du groupe « A », les journalistes, à bord d’un pick-up suivent de près le véhicule des gendarmes. A l’arrière et à l’avant du cortège, deux binômes veillent au grain. Les véhicules vacillent à tout bout de champ du fait de l’état pitoyable de la route. Il est donc difficile de trouver l’équilibre. Les rues de la ville, à peine éclairées par quelques « braves » lampadaires ayant survécu à l’usure du temps, sont désertes. Les portes des commerces sont hermétiquement closes. Fada N’Gourma s’est endormie. La nuit s’annonce longue. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) progressent et investissent l’Ouest. Un véhicule, aperçu de loin, avance, ralentit et s’arrête à la hauteur de « Alpha » qui s’immobilise aussitôt. Il s’agit d’une ambulance avec à son bord un malade, sur le point d’être évacué au Centre hospitalier régional (CHR) de Fada N’Gourma. Sans protocole, la route est dégagée et l’ambulancier peut continuer sa mission.

Un individu repéré dans un bas-fond

Quelques temps après, « Alpha » croise une équipe motorisée de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), sortie pour la même cause. Les deux corps marquent un arrêt, le temps de se présenter quelques civilités avant de reprendre la patrouille. Jusqu’à la résidence du gouverneur de la région de l’Est, aucun contrevenant n’est pris au piège. La mission rebrousse chemin et regagne, au moyen d’une bretelle, la RN18, l’axe Fada N’Gourma-Bogandé, l’idée étant de rejoindre plus tard le centre-ville. Sur cette bretelle, un individu est repéré dans un bas-fond, non loin du siège local de la Centrale d’achat des médicaments essentiels et génériques et des consommables médicaux (CAMEG). Visiblement, le contrevenant, un quinquagénaire, déféquait en plein air. Torche en main et habillé en survêtements, il est sommé d’avancer pour un interrogatoire. Pris au piège, il se perd dans ces explications. « J’étais en train de me soulager. Chez moi, les toilettes sont étouffantes. C’est pourquoi je suis sorti pour me mettre un peu à l’aise », répond-il. Le chef de l’équipe » A », le capitaine Issa Paré, de marteler qu’aucune justification ne peut le dédouaner dès lors qu’il est en infraction. Néanmoins, le quinquagénaire ne sera pas embarqué. Pour cause, indique le capitaine Paré, le but de la mission c’est aussi d’expliquer à toute personne les tenants et les aboutissants du couvre-feu. « Nous ne sommes pas sortis pour réprimer. Nous voulons juste sensibiliser les gens au respect de la mesure », confie-t-il. Cet homme vient donc d’échapper à une nuit derrière les barreaux. Les pandores le conduisent à son domicile, où les siens l’attendaient pour le sermonner.

Complicité entre pandores et flics

La mission reprend sa routine. Sur la RN18, alors que « Alpha » regagnait le centre-ville, un individu est aperçu à proximité d’un commerce. Aussitôt, il prend ses jambes à son cou. L’équipe « A » marque encore un arrêt pour en savoir davantage. Le constat n’a révélé aucun acte de malveillance. Selon le capitaine Paré, parallèlement, la patrouille a pour but de traquer les individus qui s’adonnent au vol et au brigandage des biens des personnes. « Alpha » reprend le chemin et croise, à la lisière du barrage de Fada N’Gourma, « Bravo » en train d’inspecter en direction de la sortie Nord de la ville. Avant de poursuivre, les deux équipes se partagent quelques informations, sans rien laisser fuiter. A l’intersection des RN4 et 18, « Alpha » bifurque et progresse vers l’Est, la destination contraire à l’initiale. Sur cet axe, elle va rencontrer plusieurs équipes motorisées de la Police nationale. Les deux corps fraternisent, les compagnons du jour des gendarmes sont impressionnés. Pour le capitaine Paré, il y a « une collaboration étroite » entre les corps militaires et paramilitaires à l’Est.

Un satisfecit général

Il est 22 heures 5 minutes, le premier acte de la mission de patrouille tire à sa fin. « Alpha » regagne la base. Sur le chemin du retour, un couple transportant leur enfant vers un centre de santé est autorisé à continuer. Quelques temps après, un individu, sur une moto de grosse cylindrée, avance vers le cortège. Pris de peur, il s’arrête, descend de l’engin et obtempère. Il s’agit d’un instituteur, du nom de Salif Béogo. Selon ses explications, il revient du CHR où il a conduit une accidentée de la route. En outre, M. Béogo se dit surpris de l’attitude des FDS. « La manière dont les gendarmes m’ont abordé est tout le contraire de ce que nous apprenons à travers les réseaux sociaux. Ils ont fait leur travail dans la règle de l’art», remarque-t-il. Celui-ci sera la dernière personne que la mission aura rencontrée, du moins durant l’acte 1. L’horloge marque 22 heures 23 minutes lorsque « Alpha » pénètre dans l’enceinte de la gendarmerie de Fada N’Gourma. « Bravo », avec à sa tête l’adjudant-chef major Ousseni Kienou, y est déjà et attend le débriefing de l’acte 1, mais aussi la planification de l’acte 2. Une phase récapitulative qui vient mettre fin à la mission des hommes de médias, « patrouilleurs » d’une nuit. D’après le chef d’escadron, Issa Yaguibou, commandant du groupement de gendarmerie départemental de Fada N’Gourma, sur la base des rapports établis par les deux équipes, c’est un satisfecit général qui se dégage. « Nous constatons que dans la ville de Fada N’Gourma, le couvre-feu est respecté dans l’ensemble. Ce qui veut dire que le message est passé. Je voudrais féliciter la population », déclare le chef d’escadron Yaguibou. Il se dit, par ailleurs, fier de ses hommes pour leur sens du professionnalisme et du travail bien fait. L’occasion faisant le larron, le chef d’escadron Yaguibou a lancé un appel aux populations de la région de l’Est à une franche collaboration avec les FDS dans le cadre de la lutte contre l’hydre terroriste.

Joanny SOW

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