Culture de contre-saison : un tremplin pour les PDI de Solenzo

Fuyant leurs localités pour cause d’insécurité, plusieurs Personnes déplacées internes (PDI), pour subvenir à leurs besoins alimentaires, ont sollicité et obtenu des portions de terre pour les cultures de contre-saison. Pour éviter de tendre la sébile, ces PDI, en dépit des conditions climatiques et le manque de matériels adéquats, s’investissent pendant la saison sèche pour sortir des terres plusieurs spéculations.

Des Personnes déplacées internes (PDI) vivant dans la commune de Solenzo gagnent leur vie dans la culture de contre-saison. Contraintes d’abandonner leurs villages pour cause d’insécurité, elles ont bénéficié de leurs hôtes, des portions de terre dans les encablures de la ville de Solenzo pour faire du jardinage. Sur quelques sites, ce 19 février 2024, la volonté de réussir se lit sur les visages de certains occupants, mais également la peur à cause du manque d’eau. Les motopompes ont vite fait de tarir la rivière. Pour y remédier, les producteurs creusent des puits pour espérer sauver leurs cultures de la sécheresse. Du maïs, du haricot, des tomates, des oignons et diverses autres spéculations se laissent voir sur les parcelles aménagées. Parmi les occupants des lieux, Issiaka Traoré (nom d’emprunt). M. Traoré dit tirer son épingle du jeu dans la commune de Solenzo. « Depuis deux ans, je suis ici. Je rends grâce à Dieu. Je suis en bonne santé et j’arrive à gérer les dépenses de ma famille », se réjouit-il. Un peu plus loin de lui, A.K., venu de Kanadougou dans la Kossi, exploite une superficie d’un demi-hectare. Il cultive du maïs, de la tomate et des oignons. « Je suis à Solenzo depuis août 2023. A notre arrivée, je n’ai pas eu de champs pour cultiver pendant la saison des pluies. Avec ce maïs, je compte nourrir ma famille, car je n’ai pas les moyens pour acheter des vivres », précise-t-il.

Des légumes déjà sur le marché

Certaines personnes ont déjà mis sur le marché, leur production de tomates et de feuilles d’oignons. C’est le cas de A.S., une PDI venue d’un village à 12 kilomètres de Solenzo. « Nous avons commencé à vendre la tomate. J’ai investi près de 100 000 F CFA. A l’issue de la campagne, je peux m’en sortir avec au moins un million F CFA », laisse-t-il entendre. Avec cette somme, il entend acquérir un terrain hors lotissement et construire une maison pour loger sa famille. C’est jour de marché, L.C., propriétaire terrien, s’est joint aux PDI dans la maraicherculture. Ce 19 février, sa charrette pleine de tomates, il ralliait le marché de Solenzo pour écouler les produits de son dur labeur. « Au marché, le petit seau (outil de mesure) se vend à 1 000 F CFA. Les acheteurs de Bobo-Dioulasso se procurent la caisse à 5 000 F CFA », confie-t-il. Avec sa charge, L.C. compte rentrer chez lui avec 12 500 F CFA. Au lieu de se réjouir, il dit avoir un pincement au cœur. « C’est à cause de l’insécurité. Sinon, auparavant, je pouvais m’en sortir avec 75 000 F CFA, la charrette remplie de tomate, surtout pendant le mois de mai », indique-t-il.

Des femmes battantes

Si des hommes, surtout déplacés internes sont motivés dans la culture de contre-saison pour subvenir aux besoins de leurs familles, des femmes battantes, on en trouve parmi eux. Après avoir fui la menace terroriste de son village situé à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de la province des Banwa, J.C. ne compte pas s’apitoyer sur son sort. Sa situation de déplacée, fait-elle savoir, ne doit pas être un obstacle. Dans son jardin d’un demi-hectare, elle a repiqué des oignons. Elle a pu acheter de l’engrais pour son exploitation, mais son seul souci, c’est le manque d’eau. « Mon époux m’a appuyé avec 5 000 F CFA. Avec cette somme, j’ai dû faire recours à un puisatier qui m’a creusé mon puits. Je compte beaucoup sur le rendement de ce jardin qui va servir à nourrir ma famille. Mon mari était aide-maçon, mais ici le travail se fait rare », confie-t-elle. Au marché de la ville Solenzo, Alima Paré est revendeuse de légumes. Elle confie acheter la tomate à 12 500 F, la charge de charrette. « Pour les choux, on négocie le tricycle à 50 000F CFA. A la fin de la journée, je peux m’en sortir avec un bénéfice allant de 3 000 à 5 000 F CFA », précise-t-elle. Elle souligne que n’ayant pas eu de terres pour cultiver pendant la saison écoulée, plusieurs personnes notamment les PDI ont rejoint le bas-fond.

Un exemple de vivre-ensemble

Populations hôtes et PDI se sont donné la main pour travailler dans ce bas-fond. Et les regards sont tournés vers les structures en charge de l’agriculture pour la solution au manque d’eau. « A l’issue d’une rencontre, nous avons mis en place une coopérative qui regroupe tous les producteurs sans distinction. Ceci était une recommandation des agents de l’agriculture », fait savoir Issa Ouédraogo, un exploitant. Mais son souhait est que la rivière soit désensablée. « Si cette rivière est désensablée, Solenzo pourrait alimenter les autres villages en eau et en légumes », pense-t-il. Pour accompagner ces PDI, la direction provinciale en charge de l’agriculture a mis à leur disposition de l’engrais subventionné au prix de 12 000 F CFA, le sac. « Nous avons bénéficié de 7 motopompes et une motopompe solaire pour les PDI. 330 tubes pour l’irrigation ont été acquis également pour les producteurs », ajoute-t-il. S’agissant de l’ensablement de la rivière, la direction provinciale est conscient du problème. Le directeur provincial indique qu’un projet d’aménagement du bas-fond avait été monté pour être réalisé par le Projet d’appui à la promotion des filières agricoles (PAPFA). « Mais, avec l’insécurité, les choses ont dû trainées », renseigne-t-il en rassurant que deux autres projets d’aménagement sont prévus. Une fois ces projets réalisés, à en croire M. Coulibaly, vont accroitre la culture de contre-saison dans la province des Banwa.

Salifou OUEDRAOGO (AIB Banwa)

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