Les relations entre le Mali et l’ancienne puissance coloniale, la France, ont atteint un niveau de dégradation jamais égalé. Depuis l’arrivée au pouvoir du colonel Assimi Goïta, à la suite d’un coup d’Etat, les passes d’armes entre les deux pays se multiplient, au point de s’inscrire désormais dans la routine. Bamako n’a de cesse d’accuser Paris de fournir des armes et des renseignements aux groupes armés islamistes qui attaquent le pays depuis une décennie. La dernière passe d’armes a eu lieu, le mardi 18 octobre 2022, lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui a pris part à cette rencontre, a dénoncé « des tentatives de déstabilisation et des violations répétées de l’espace aérien du Mali par les forces françaises ». Il a qualifié ces violations d’« actes d’agression d’une extrême gravité ». Le chef de la diplomatie malienne a, pour ce faire, souhaité la tenue d’une réunion spécifique du Conseil de sécurité de l’ONU pour leur « permettre de présenter les preuves des actes d’espionnage et de déstabilisation menés par la France ».
Aussi ironique que cela puisse paraitre, il a souhaité que la France porte cette demande de réunion spéciale. Le ministre Diop a, par ailleurs, affirmé que « le gouvernement malien se réserve le droit de se défendre si la France continue de porter atteinte à la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité nationale de notre pays ». Comme depuis toujours, l’Hexagone a encore rejeté ces « accusations mensongères ».
Le représentant permanent de la France auprès des Nations unies, Nicolas de Rivière, a apporté immédiatement la réplique à M. Diop. « La France n’a jamais (…). Je conteste formellement toute violation du cadre juridique bilatéral », a réagi l’ambassadeur français. Les deux personnalités se sont affrontées ouvertement, laissant transparaitre une certaine animosité.
Cette scène, tout comme d’autres qui l’ont précédée, confirme la rupture entre Paris et Bamako qui s’est tournée vers la Russie pour lutter contre le terrorisme. Aucun signe n’indique que ce conflit ouvert, ravivé au gré des événements, prendra fin de sitôt. La confiance, qui caractérisait les relations franco-maliennes, s’est littéralement brisée, à l’aune de la coopération dans la lutte contre le terrorisme.
Alors que les deux pays entretenaient, jusqu’à une période récente, de très bonnes relations. De nombreux Maliens (ils sont estimés entre 80 000 et 100 000 selon des chiffres officiels) vivent d’ailleurs en terre française. Si les autorités maliennes ne nient pas l’aide de la France qui a permis de stopper l’avancée des djihadistes vers Bamako en 2013, elles l’accusent à présent de faire le jeu de l’ennemi. La France a beau signifier avoir perdu, en 9 ans, 53 soldats et neutralisé des centaines de terroristes dans la lutte contre le terrorisme au Mali, Bamako n’en a cure.
Même le départ des soldats de la force Barkhane, exigé et obtenu par les dirigeants maliens, n’a pas suffi à faire retomber la tension avec Paris. Dans ce contexte, on piaffe d’impatience de voir les « preuves palpables » des supposées connivences de la France avec les terroristes, promises par les autorités maliennes. Le ministre Diop aurait pu exposer ces preuves à la rencontre du Conseil de sécurité de l’ONU, comme il en avait la possibilité, au lieu de solliciter une réunion spécifique pour le faire.
C’était l’occasion tout trouvée. Il n’y a pas lieu de faire durer le suspense. L’idéal, c’est de dénoncer les agissements supposés de la France, preuves à l’appui, pour éclairer le monde entier. Le trop plein de discours peut faire croire à une campagne de dénigrement, plutôt qu’à une volonté de crever véritablement l’abcès. Les preuves évoquées par M. Diop sont très attendues, dans un contexte où la politique française en Afrique est décriée, plus particulièrement dans la sous-région ouest-africaine.
Dans cette partie du continent où plusieurs pays sont touchés par le terrorisme, une certaine opinion soupçonne la France d’être le « parrain » des groupes armés. Cette lecture a engendré un sentiment d’hostilité envers ce pays, qui peine malheureusement à redorer son blason. Les preuves maliennes pourraient définitivement situer les esprits sur le rôle d’agent double attribué à Paris dans le combat contre les extrémistes au Sahel. Il ne reste plus qu’à les divulguer et vite…
Kader Patrick KARANTAO