La crise, désormais ouverte entre le Président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko, n’a pas surpris les observateurs avertis. La pomme de discorde est venue de la décision de Diomaye Faye de remplacer Aïssatou Mbodj (proche de Sonko) à la tête de la coalition présidentielle qui l’a porté au pouvoir, par Aminata Touré.
Une décision qui a mis en cause un équilibre fragile entre l’homme d’Etat, Bachirou Diomaye Faye, et le stratège politique Ousmane Sonko. Pour le PASTEF, parti-matrice du duo et dirigé par Ousmane Sonko, le chef de l’Etat aurait franchi une ligne rouge. Par contre, la Présidence du Sénégal trouve en cette décision un acte « normal » de réorganisation politique. Entre les deux interprétations, un gouffre d’incompréhension s’est installé.
Ceux qui, pourtant, avaient marché côte à côte, porté les mêmes rêves et affronté les mêmes adversaires, se retrouvent aujourd’hui, pris dans un engrenage qui menace le duo. Pourtant, la jeunesse sénégalaise, et plus largement africaine, avait un immense espoir dans ce tandem inattendu qui avait triomphé, contre vents et marées, d’un appareil étatique verrouillé, incarné par l’ancien Président Macky Sall. Beaucoup voyaient en eux le symbole du renouveau, de la loyauté politique, de la cohérence idéologique. Deux amis d’enfance, deux militants syndicalistes et politiques forgés dans la même résistance, déjà porteurs d’une légende populaire avant même d’entrer au Palais.
Ce qui, aujourd’hui oppose Faye et Sonko, n’est pas seulement une question de personne, encore moins une querelle d’ego. Il s’agit du pouvoir institutionnel d’un chef d’Etat, fort de sa légitimité constitutionnelle, contre le pouvoir charismatique d’un leader politique devenu Premier ministre et toujours maître de sa base militante.
Le Sénégal n’a pas voté le 24 mars 2024 pour un duel de personnalités, mais pour un duo de réformes. Les promesses faites (justice indépendante, gouvernance sobre, rupture avec les privilèges) sont des chantiers immenses qui exigent une unité et une cohésion réelles au sommet de l’Etat. Sans cette unité qui, aujourd’hui est mise en mal, les réformes risquent de n’être que des slogans et la victoire du 24 mars, un rêve éphémère.
La balle est désormais dans le camp de Bassirou Diomaye Faye et de Ousmane Sonko. Ils doivent choisir entre la satisfaction de l’autorité institutionnelle et la sacralité de la parole donnée au peuple. Le Sénégal a besoin d’une alliance qui transcende les susceptibilités et résiste aux pressions internes et externes. Le pire serait que les promesses d’une nouvelle ère se perdent dans les querelles de leadership. Les Sénégalais regardent. L’Afrique observe. Et l’histoire, implacable, jugera.
Kamélé FAYAMA






