Ici c’est « Divorce-ville » !

Il y a un phénomène inquiétant qui se trame dans mon quartier. Depuis quelque temps, mes voisins sont en train de divorcer en série. Le problème m’inquiète, car la série noire du divorce progresse comme une épidémie. C’est une « insurrection » ! Le pire, c’est qu’il décime les foyers par ordre, sans sauter une concession. Il n’y avait que deux voisins indemnes entre ma cour et les foyers de tensions. Avant-hier matin, mon plus proche voisin a déménagé pour échapper à « l’incendie ».

Quand j’écrivais cette chronique, le voisin rescapé de la saga joue la montre avec sa femme. Le couple est en pleine « célébration de divorce ». Ils étaient pourtant presque parfaits. Le jour de leur mariage, une bonne partie de la République était là. Ils ont bloqué toutes les issues et confisqué nos pauvres sommeils jusqu’au matin. Ils sont aujourd’hui devant un tribunal qui tente vainement de recoller des morceaux déjà éparpillés d’un cratère sans fond. En tout cas, si c’est une campagne de divorce, ma position est claire : je ne déménagerai pas du quartier.

C’est vrai que nous avons tous nos forces et nos faiblesses ; nos qualités et nos défauts ; la vie de foyer est un yoyo de haut et de bas. Il n’y a pas mieux chez les uns et pire chez les autres. Il faut juste savoir s’asseoir. Un proverbe de chez nous dit même que vivre ensemble, c’est se bagarrer ensemble. Rien ne sert de rappeler l’histoire de la langue et des dents. Pourquoi tant « d’engouement » pour le divorce ? Très souvent, nous ne sommes pas assez bien préparés. Nous ne prenons pas vraiment tout le temps qu’il faut pour se connaître, s’observer, se tester pour se convaincre.

Beaucoup de fois, nous sommes pressés de brandir la bague en or et crier « OUI ! ». Parfois, c’est la beauté de la sirène qui nous fait jeter dans l’arène. Et on découvre que la reine tient bien les rênes et tire même un peu trop sur la ficelle. On se rend compte que le prince charmant n’avait pas que du charme. Son côté « boubou » était caché en lieu sûr. Derrière le tombeur d’un soir, il y a un fossoyeur de cœur, un plaisantin irresponsable, sans vergogne. Mais c’est trop tard, le coup est déjà tiré, la cible est touchée en plein cœur.

Entre les cordes, nous nous débattons, nous courons vers les coachs avec une éponge déjà imbibée. Ils nous conseillent de ne pas jeter l’éponge. Ils nous intiment de rester sur le ring et de poursuivre le combat. Les spectateurs crient holà, hourra ! Il y en a même qui nous feront des vivats, pressés de voir la fin du combat dès le premier round. Alors, on se quitte sur la pointe des pieds. On quitte le ring avant même la fin du premier round. Les spectateurs rient sous cape en nous consolant.

Certains nous diront que nous avons mené le combat jusqu’au bout. D’autres nous diront que nous sommes les meilleurs perdants. Mais c’est faux, il n’y a pas de bout dans un mariage, point de terminus. C’est pourquoi l’anneau est fermé, sans ouverture. Comme pour dire que quand ça serre, il faut se dégonfler et dégraisser pour être à l’aise. Quand ça flotte, il faut vite apporter du supplément d’amour et de compréhension pour reprendre du poids. En fait, nous marchons avec le baromètre sans connaître le sens des graduations. Le mariage n’est pas un phénomène de mode. Les autres quartiers désignent le mien par le sobriquet de « Divorce-ville ».

Ils disent que nous sommes victimes du divorce, parce que nous ne sommes pas mûrs. Mais entre nous, a-t-on vraiment besoin de fleurir avant d’avoir l’âge en la matière ? Ils disent aussi que nous échouons, parce que nos témoins ne sont pas souvent mieux que nous. Pour eux, nous mordons la poussière, parce que nous ne sommes pas assez soumis pour nous comprendre ; nous ne sommes pas respectueux de la tradition et de la religion ; nous ne sommes même pas de bons croyants.

Et puis, ils ont ajouté que c’est parce que nous accordons plus d’importance à la carrosserie qu’au moteur. Là, je ne suis pas d’accord. Dans mon quartier, il n’y a que des jeunes premiers, de puissants tireurs d’élite à la vue d’aigle. Ils sont entre les réseaux sociaux et les maquis. Même quand ils ont des enfants, ils ne volent pas plus haut qu’un moineau. Ils ont oublié que le mariage est un alliage.

On se coule l’un dans l’autre. Peu importe nos natures, nos caractères et nos tempéraments. Il paraît que dans tout mariage, il faut de temps en temps être « bon et bête ». Mais jusqu’à quand faut-il jouer à ce jeu ? Depuis quelque temps, ça commence à gronder chez moi. Ne me cherchez plus à Divorce-ville, j’habite maintenant Bonheur-ville !

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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