Il y a un capitaine dans le bateau !

Le président a dit ses quatre vérités aux responsables de partis politiques et des organisations de la société civile. Il suffisait de regarder les visages en gros plan pour penser et même croire qu’ils étaient tous touchés et émus par les vérités du capitaine. Certains visages semblaient même porter un brin de malaise, des traces de regret. Mais qui sait ? Comment jauger l’état de sincérité d’un politicien ?

A quel moment joue-t-il et quand est-il grave, « sérieux » ? Chaque visage portait le deuil d’une conscience qui peine à ressusciter. Chaque faciès avait une histoire et il était difficile de se départir du passé de certains, de ne plus se rappeler leurs actes, leurs propos récents ou passés. Ils avaient tous l’air si sage et assidu, si doux et docile qu’on croirait à des ouailles d’une messe de requiem. Si seulement certains pouvaient dire « amen ! » ou « paix à mon âme ! ». Face à eux, un fils trentenaire presque imberbe, gonflé à bloc par une tragédie qui a touché les siens, un ressenti indélébile qui échauffe la bile, une souffrance silencieuse qui suscite la transe, une révolte comprimée mais mal cachée.

Après avoir tancé son assistance des mots de ses maux, le capitaine a eu droit à des ovations. Oui, ils ont applaudi à rompre les doigts ! Ils ont applaudi le réquisitoire comme on applaudit le but fatal de la victoire. Face à un tel déboire sans complaisance de la conscience qui prend une belle raclée, « un simple » chroniqueur se ferait solennellement harakiri avec sa plume acerbe pour ne plus vivre la tête baissée. Mais c’est quoi le devoir sous nos cieux et à quoi ressemble la honte de se sentir trahi par ses propres turpitudes ? A quoi ressemble-t-on quand devant le miroir de la conscience, la sentence de la vérité nous condamne sans appel pour vol, mensonge, crime, parjure, cupidité, complicité, duplicité, pour couardise…

Je n’applaudirais pas le message d’un homme qui pleure à l’intérieur, non je ne claquerais même pas des doigts. Je me frapperais la poitrine et à haute voix, je me lèverais comme tout un peuple, contre tout protocole et je crierais la gorge nouée : « oui mon capitaine, je suis responsable, je suis comptable, je suis coupable ! » Mais encore faut-il que dans ma poitrine, il y ait un cœur de chair et de sang et non une pierre ; un cœur qui bat au point de se battre contre moi-même, contre mon égo !

Si j’étais un de ces visages, j’enlèverais mon masque et mon casque, je verserais des larmes, mais pas des larmes subtiles de deal ou de crocodile mais celles de l’enfant prodigue qui revient dans le giron des pères patriotes ; oui, je verserais les larmes d’un homme intègre qui pleure pour tous ces soldats tombés, pour toutes ces veuves et tous ces orphelins abandonnés ; pour tous ces déplacés oubliés par ma part de faute, par ma part de responsabilité mal assumée, par mon manque de courage et avec ou sans honte, séance tenante, je me lèverais comme pour me mettre au garde à vous, je partagerais la colère du capitaine.

Sans la moindre mimique, je défierais mes tics politiques, pour dire au capitaine toute ma peine d’avoir cultivé ma part de haine ; d’avoir entretenu la chaine de la discorde en tirant un peu trop sur la corde ; d’avoir tenu le discours du troubadour avec la voix des vautours ; d’avoir été maladroit sans oser porter ma croix ; d’avoir troqué ma foi avec le beurre du malheur des hères qui errent, bref, je serais vrai, vrai de vrai, pour une fois même, si je dois en payer les frais.

Mais cette chronique n’est pas un évangile politique ; elle est loin du discours esthétique des meetings politiques ; elle est simplement le coup de gueule de l’éthylique pauvre type qui pense que la vérité existe toujours. Mais le capitaine a parlé avec son cœur plus que sa tête, sans calcul ni scrupules. Il a parlé à ceux qui ont encore une trace de « Burkindi » en eux. Il a parlé pour l’histoire et seule l’histoire nous dira s’il a été entendu. En tout cas en regardant dans les yeux de certains, on peut même entendre Machiavel susurrer : « Mon capitaine, il faut aller vite et nous laisser la place ! ».

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

Laisser un commentaire