« La récréation est terminée ! »

Hier matin, mon voisin m’a demandé ce que signifie l’expression « la récréation est terminée ». D’où vient-elle ? Qui l’a utilisée la première fois dans l’histoire ? Quand ? Pourquoi ? Et quel effet a-t-elle sur celui ou celle à qui elle est adressée ? Il voulait savoir dans quel contexte on l’utilisait et il m’a demandé à voix basse si les femmes aussi pouvaient l’employer. Je dis voisin, cela fait beaucoup de questions à la fois et ce n’est pas évident de répondre en même temps à toutes ces questions. Il avait l’air préoccupé et tenait surtout à tout savoir. Vous ne savez peut-être pas mais entre mon voisin et sa femme le torchon brûle depuis des mois ! La crise a atteint un niveau de gravité presque irréversible. Hier nuit, le couple est allé au front à la suite d’un banal accrochage conjugal qui a failli être fatal pour mon voisin latéral.

Vous savez bien que je ne me mêle pas de la vie privée des gens mais cette fois-ci les deux « belligérants » ont tellement haussé le ton que même les chiens aboyaient pour appeler le couple à la raison. Chacun accusait l’autre d’être à la base de la
« déstabilisation » du foyer. Le mari a dit que sa femme ourdissait un « complot de haute intensité » pour le chasser de chez lui et profiter seule des biens de la famille. Il a traité sa femme de conjointe « impérialiste » d’une condescendance « fasciste » aux velléités hégémoniques. Il l’a même soupçonnée de tentative de crime conjugal par empoisonnement à la soupe de boyaux, son plat préféré. La femme a répliqué en jurant sur la tête des saints seins de sa mère qu’elle n’a jamais tenté d’intenter à la petite vie de son mari tant aimé. Puis, elle se mit à vider son carquois jusqu’à la dernière flèche avant de traiter mon voisin de « terroriste sentimental ».

C’est la première fois que j’entends ce terme employé dans un contexte aussi perplexe, frisant le prétexte qui vexe. La femme de mon voisin a fini par dire à son mari : « la récréation est terminée !» Comme un garçon, elle a même osé répéter trois fois l’expression, et elle ajouta qu’elle avait même des audio compromettants sur son mari décadent. Mais entre nous, pour une querelle de casseroles et de torchons, a-t-on vraiment besoin d’user de gros mots pour traiter nos maux ? Qu’est-ce qu’un foyer ardent quand il devient un brasier qui crépite au gré du vent ? Qu’est-ce que l’amour quand il porte le manteau de velours noir des vautours ? Non, dans un foyer on ne peut pas sonner la fin de la récréation, sans laisser une chance à la communication et au pardon. Parce qu’entre le meilleur et le pire, il n’y a pas de mur, point de cloison étanche. On vit en côtoyant la crise, on fait avec la crise.

Pendant que nous nous tentons à tâtons de récréer un climat de récréation dans le foyer en détérioration du voisin en détresse, mon fils accourut vers moi avec des questions au revers de quiproquo : « pourquoi mettre fin à la récréation avant même que nous n’ayons foulé le plancher des classes ? Il n’y a pas de cour d’école sans récréation ! La récréation, c’est comme la respiration, on ne peut pas vivre sans respirer et il n’y a pas d’école sans récréation ! Je dis fils, on ne va plus se récréer dans une cour de récréation où la drogue passe entre les mailles de la pagaille pour enivrer la marmaille. A quoi bon aller en récréation avec de nouvelles trouvailles pour snifer de la colle à l’école et kiffer les retrouvailles entre racailles de mêmes failles ? Il n’y aura plus de récréation pour des élèves de la nouvelle génération qui pensent que l’école est un enclos de rééducation pour sans-éducation. La récréation est terminée pour tous ces élèves qui pensent que l’échec est un simple incident de parcours et la réussite, un jeu de probabilité dans un sac de possibilités.

Désormais, notre école sera celle de la réussite dans la discipline et la rigueur. La fin de la récréation, c’est aussi la fin des notes et des tontines sexuelles encaissées au guichet sensuel de la pucelle sans sel, ramassées à la pelle par un peloton de garçons aux sales caleçons. Ils gouteront aux délices du fouet qui éduque mieux que leurs parents défaillants qui abdiquent. Oui, la fin de la récréation, c’est le grand retour de l’autorité enseignante et parentale, de gré ou de force, à la cocotte ou à la chicote. La fin de la récréation, c’est aussi la fin du désordre inutile qui se laisse voir en circulation, sur les réseaux sociaux et dans nos services. La fin de la récréation, c’est le choix citoyen de placer toujours le Burkina Faso avant et devant tout ! Parce que l’intégrité ne s’achète pas ; elle se secrète en nous, par nous et pour nous ! Alors, terminons la récréation et entamons la re-création !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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