Mon voisin est venu me voir hier soir. Il en veut à la Brigade Laabal. Il m’a même dit qu’il portera plainte pour “retrait abusif” de mendiants dans les rues. “Avec qui allons-nous faire nos sacrifices maintenant ? On ne peut pas vider nos rues de tout ! Les mendiants ne sont pas des fainéants. Ce sont des gens du néant qui nous servent de médians entre nos aspirations et nos supplications. Nous sommes en Afrique… !” J’ai dit voisin, la Brigade ne fait que son travail.
On ne peut pas laisser nos rues infestées de mendiants bien-portants aux quatre membres valides. Mon voisin m’a aussitôt tiré par la main et chez lui il m’a montré un mouton noir et des poulets de toutes sortes de plumage. Il m’a dit que c’était son sacrifice du vendredi. “ C’est une question de vie ou de mort. Il me faut faire ce sacrifice pour exorciser le mal et crever le mauvais æil qui me guette”. Mon voisin m’a expliqué qu’il avait consulté un devin qui lui avait prescrit un sacrifice à faire main à main avec un mendiant de teint clair assis à l’Est et un autre de teint noir posté à l’Ouest de la ville, avant que le soleil ne soit au zénith. Les poulets étaient destinés à un mendiant boitant du pied gauche assis au feu tricolore d’un carrefour.
C’est lourd à porter! Mon voisin à parlé toute la nuit jusqu’au petit matin. Je ne sais pas ce qu’il a fait de son dodu mouton noir et de ses tendres gallinacées au plumage bigarrés, mais s’il pouvait transformer ses sacrifices en oeuvre de charité en faveur des voisins, il pourrait bénéficier des bonnes grâces du ciel. Pourquoi enjamber ses voisins pour donner un mouton à un inconnu mendiant, füt-il clair ou bronzé ? C’est quoi le sacrifice qui se donne sans s’adonner, sans passer par soi-même ?
Et si finalement on se sacrifiait plus que de vendre nos illusions à de sédentaires monuments flemmards au regard pitoyable ? Entre sacrifier et se sacrifier, lequel met-il en valeur notre potentiel, nos capacités, notre fierté?
L’interdiction de la mendicité dans la cité ne doit pas être perçue comme une animosité perpétrée contre une classe de citoyen sans moyens. Elle doit être appréhendée dans le sens de la rupture avec un mythe : celui de la pauvreté mentale qui asservit et sévit plus que l’indigence matérielle.
Il n’y a pas de gloire ou de victoire à tendre la main et à compter sur les autres pour vivre, pour survivre. Tant que la main tendue comptera cinq doigts, il suffira de joindre les deux mains pour bâtir demain et envisager des lendemains meilleurs. Et c’est dans cette nouvelle dynamique que nous seront véritablement utiles à ce pays qui a tant trainé les pas à l’ombre de l’assistanat avilissant et de la paresse déguisée en croyance. Oui, il est incongru pour un pays persécuté comme le Burkina Faso, de laisser des bras valides se tourner le pouce dans la rue avec comme ration une pièce usée de 25 F jetée à sauvette par l’usager sensible en quête de baraka.
Non, il faut casser la baraque et renvoyer tous ce potentiel de ressources humaines sur les chantiers de la Nation. La pauvreté, ce n’est pas forcément la poche vide qui manque de “sonnantes et trébuchantes ». La vraie pauvreté, c’est celle qui traine un homme ou une femme bien-portante dans la rue des regards pour compter sur les autres. La grande pauvreté, c’est ce mental de minimaliste qui se contente du peu juste pour survivre, alors que la destinée de son pays l’appelle à jouer le baroudeur au pied des montagnes de défis à soulever. Le Burkinabè est un grand travailleur et partout en Afrique les témoignages sont légion. Le courage et le sens de l’honneur du Burkinabè sont devenues une marque d’identité convoitée.
On ne peut pas laisser des Burkinabè se déprécier en froissant cet honneur dans la rue et en la troquant avec une modique pièce maudite. Il faut réveiller le sens de la responsabilité chez ces mendiants de la facilité en leur mettant au service de la communauté, afin qu’ils gouttent à leur propre sueur pour ressentir leur amour-propre. Il faudra dans un avenir proche travailler à les réinsérer tous dans le système de production dans tous les domaines d’activités possibles. Il faut continuer ces actions fortes tout en sensibilisant les populations aux nouvelles orientations du moment. C’est dans ce sens, que La Brigade Laabal gagnera en notoriété mais surtout en légitimité sociale. C’est également dans ce sens, que les cibles concernées seront fières d’être Burkinabè, parce que utiles et serviables à la Nation.
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr





















