Le mariage intellectuel, du miel au fiel !

Mon voisin est un intellectuel de haut niveau. Des diplômes, il en a toute une besace et les honneurs lui pleuvent de partout. Sa femme fait partie de la crème féminine du moment : quotient intellectuel exceptionnel, parcours scolaire et universitaire sans galère, distinctions honorifiques tous azimuts. Le portrait-robot du couple n’est pas complet, mais l’idée y est.

Le couple est presque parfait. Il suffit de regarder le duplex de silex qui abrite les tourtereaux. Il y a de quoi les envier, mais erreur ! Ce sont les plus malheureux du monde. Pourtant, ils font la Une des médias tous les jours, ils sont toujours tirés à quatre épingles et certains disent même qu’ils ne tombent jamais malades. De toute façon, quand ils ont mal au doigt, ils prennent un avion pour aller se faire soigner en Europe ou en Amérique. Chaque trois mois, ils s’y rendent pour une révision générale avant de revenir plus pimpants. Mais qu’est-ce qui leur manque pour être heureux ?

Leur trop plein de connaissances a fait d’eux des surhommes, des illuminés suffisants et infaillibles. Leur rang social a fait d’eux, des êtres à part. Voilà pourquoi, ils ne vont jamais à la messe ou à la mosquée. Voilà pourquoi, ils n’assistent jamais aux décès encore moins aux baptêmes et tout le bataclan. Parfois, ils font parler leur cœur en tendant ostentatoirement un billet craquant à quatre zéros avant d’éconduire l’encombrant visiteur sous les aboiements du furieux berger allemand.

Quand on a l’argent, on se fout du bonjour du locataire du taudis d’en face ; on traite les jeunes chômeurs du quartier, de voyous et de brigands. Leurs enfants ne s’amusent jamais avec les bambins crasseux du quartier. Ils sont éduqués par la télévision et Facebook. Ils ne parlent même pas leur langue maternelle, mais plutôt celle de Molière. Loin de la misère de leurs camarades qui pataugent sous les paillotes, eux, ils suivent leurs cours dans des classes climatisées à 18 degrés. Ils fument la drogue pour mieux apprendre leurs leçons. Ils picolent le jour et racolent la nuit le long des murs de leur propre école.

Leur argent de poche dépasse le SMIG et le jour de leur anniversaire, la terre s’arrête de tourner.
La nuit, les deux intellos passent le temps à réciter dos à dos leurs droits respectifs, en omettant d’exercer leur devoir conjugal le plus élémentaire. Ils sont dans l’antichambre du divorce et chacun bombe le torse sans regret. Ils ont déjà réparti le butin du mariage. Des voitures aux villas en passant par les enfants, le partage fait des gorges chaudes. Le père réclame son garçon pourri ; le cœur de la fillette choyée balance entre le père et la mère.

Mais c’est la mère qui l’emportera. La pension alimentaire s’avère amère, mais on avale la pilule quand-même. Même le chien est affecté à qui de droit ! En attendant, le père perd la villa de son premier salaire et une bonne partie du mobilier. La femme concède la parcelle de leur première saison amoureuse. Le débat reste tendu sur le domaine acheté à deux. La femme clame la paternité du terrain, pendant que l’homme tient mordicus aux investissements effectués sur les lieux.

On grince des dents en maudissant le régime de «biens communs». De part et d’autre, les avocats se bousculent et se débattent dans leur toge pour arracher un kopeck de plus. Les témoins de mariage ne sont que les figurants d’une idylle aux relents de deal. Ils plaident tous pour la répartition de la masse à partager. Les deux familles se regardent en chiens de faïence et sont aux aguets ; tout sera partagé jusqu’à la moindre aiguille.

Finalement, il ne suffit pas d’aller à l’école pour réussir son mariage. Il ne suffit pas d’être diplômé pour savoir slalomer dans le labyrinthe de la vie à deux. Il ne suffit même pas parfois d’être le plus nanti pour vivre ensemble à vie. Trop d’intellos font tonneau avec une bague en or, parce que l’essentiel n’est pas dans le décor. Il y a trop de grands hommes sans foyer ardent. Trop de femmes de feu en paille. Tout n’est pas dans le cerveau ; il y a des fois où le cœur sait mieux que la tête. On ne régit pas un foyer qu’avec des textes de loi.

On ne construit pas une famille selon la Constitution. L’argent n’est pas la panacée. Le fils à papa ne réussit pas toujours dans la vie. Il échoue parfois, même dans l’opulence. Son héritage est un gâchis en cendre léguée à une progéniture sans futur. Le plus riche a tout sauf l’essentiel. Le plus fort peut tout sauf le minimum. Le plus intelligent n’est en réalité que le dernier de la société. La vie de famille n’est pas un sujet de mathématiques ou de droit. Elle n’est pas non plus un jeu de pronostic aléatoire jeté dans le hasard. La famille est un travail continu. Chaque jour, il faut se remettre en cause, savoir manier la carotte et le bâton, sans oublier d’aimer.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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