Madagascar : la rue grogne

A Madagascar, la rue est en colère, depuis le 25 septembre dernier, pour protester contre les récurrentes coupures d’eau et d’électricité, la corruption, le népotisme et les violations des libertés fondamentales. Débutées dans la capitale, Antanarivo, les manifestations, initiées par le mouvement Génération Z, n’ont pas tardé à gagner tout le pays, tournant parfois à des affrontements avec les forces de l’ordre. Aussi donnent-elles à voir un triste spectacle, notamment des scènes de pillage de commerces, des saccages et des incendies de domiciles de plusieurs personnalités proches du pouvoir.

Des dégâts humains et matériels ont été enregistrés, mais il est difficile d’avoir des chiffres liés à ces manifestations. Si le Haut-commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme parle de 22 morts et d’une centaine de blessés, le pouvoir malgache déclare qu’aucun chiffre officiel ne corrobore ce bilan. Guerre de chiffres ou pas, les manifestants sont remontés à bloc et certains d’entre eux vont plus loin, en demandant la démission du chef de l’Etat malgache, Andry Rajoelina, au pouvoir depuis 2019, après avoir été auparavant, Président de la Transition de 2009 à 2014, à la suite d’un coup de force militaire contre Marc Ravalomanana.

La pression de la rue est telle que l’ancien maire d’Antanarivo, surnommé « TGV » pour son côté fonceur, a dû sortir de son silence pour apporter une réponse aux plaintes des voix discordantes. Habitué aux crises politiques, Rajoelina a annoncé, lundi 29 septembre dernier, la dissolution de son gouvernement en raison des violentes manifestations en cours. Aussi a-t-il précisé que « les portes d’Ambotsirohitra, le Palais présidentiel, sont ouvertes pour recevoir les dossiers de candidature en vue de constituer le nouveau gouvernement. L’objectif est de répondre aux attentes et besoins du peuple, tout en apportant un véritable changement au pays ».

Quelques jours avant, le président malgache a limogé le ministre de l’Energie, sans parvenir à calmer la rue. Réussira-t-il cette fois-ci en faisant tomber tout le gouvernement, pour mettre en place un autre censé combler les besoins pressants des populations ? Les prochains jours nous édifieront. De toute évidence, Rajoelina est sur la sellette, ses compatriotes estimant que sa gouvernance n’est pas de nature à améliorer leurs conditions de vie. Ce n’est pas la première fois que les Malgaches, confrontés à la précarité, prennent la rue d’assaut pour dénoncer les coupures régulières d’eau et d’électricité, avec leurs lots de désagréments.

Si dans l’Etat insulaire, certains facteurs, comme la baisse du niveau d’eau des barrages hydroélectriques pendant la saison sèche, expliquent en partie les pénuries, la mauvaise gestion de la Société nationale d’eau et d’électricité, JIRAMA, est fortement pointée du doigt. Le président malgache doit faire un profond nettoyage dans la gouvernance des deux secteurs, en plus d’investissements importants pour résoudre les problèmes structurels.

Rajoelina, qui avait suscité beaucoup d’espoir à son retour aux affaires en 2019, semble vivre une période de disgrâce qui pourrait perdurer et conduire à sa chute, s’il n’y prend garde. Le temps urge pour lui, car ses promesses pour changer le quotidien des Malgaches (baisser de 80 % les délestages pour que les habitants aient accès à l’électricité sans interruption de 6 heures à 22 heures par exemple) n’ont pas encore été tenues. Satisfaire aux exigences du peuple demeure pourtant un impératif pour tout dirigeant…

Kader Patrick KARANTAO

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