Madi Sakandé, de clandestin à expert des Nations Unies

Installé en Italie depuis 21 ans, Madi Sakandé est l’un de la diaspora qui fait la fierté du Burkina Faso hors de ses frontières. Chef d’entreprise à Bologne, expert des Nations unies en matière de changement climatique, le natif de Kamsaoghin nourrit beaucoup d’ambitions pour son pays et l’Afrique. Retour sur le parcours d’un expert discret.

Il est des Burkinabè de la diaspora, souvent méconnu au pays, qui forcent l’admiration dans leur pays d’accueil, loin de la mère patrie. Madi Sakandé fait partie de cette catégorie de burkinabè qui honore le Burkina Faso hors de ses frontières. Arrivé en Italie, à Bologne, en 1997, le natif de Kamsaoghin, un des vieux quartiers de Ouagadougou, est aujourd’hui manager général d’une entreprise opérant dans le domaine du froid, la New Cold System. Une entreprise en difficulté qu’il a rachetée, en collaboration avec des amis, d’un italien, confie M. Sakandé. Avec un chiffre d’affaires annuel d’environ deux milliards de FCFA, l’entreprise emploie aujourd’hui une dizaine d’Italiens et a une représentation au Burkina Faso, fait- il savoir.

«J’ai ouvert New Cold System à Ouagadougou en mai 2018. Outre les cinq personnes qu’elle emploie, je fais la sous-traitance avec cinq entreprises burkinabè dont j’ai formé les employés à l’installation et la maintenance des chambres froides», ajoute-t-il. L’enfant de Kamsaoghin est aussi un ingénieur concepteur. «Je conçois et réalise dans mon usine basée en Italie des chambres froides adaptées au climat de l’Afrique et aux besoins de conservation des produits alimentaires des producteurs africains. J’exporte ces chambres froides vers le Burkina, le Nigeria et la Côte-d’Ivoire», témoigne celui qui a été distingué meilleur entrepreneur africain en Italie en 2013 par Africa Italy Excellence Award.
«Mon parti politique, c’est le Burkina Faso».

Outre l’entreprise, ce titulaire d’un master en techniques de réfrigération est expert-consultant de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en matière de changement climatique, notamment en gaz à effet de serre. «En 2015, au siège de l’ONUDI à Vienne, avec une équipe de huit experts, nous devrions faire sortir les lignes-guides que l’ONUDI devrait présenter au fonds multilatéral pour lever des fonds pour le financement de ses projets dans le domaine de l’environnement. Je faisais partie de cette équipe réduite d’experts de l’ONUDI», rapporte-t-il. Et lors des rencontres internationales d’experts, je défends la cause de l’Afrique sans que les Africains et l’Union Africaine ne le sachent, commente l’ancien pionnier de la révolution d’août 1983. Formateur des experts nationaux en matière de règlement européen F-Gaz sur le contrôle, l’émission des gaz réfrigérant ou gaz à effet de serre dans l’environnement, ce Burkinabè de la diaspora vend son expertise à la Tunisie, la Côte-d’Ivoire, la Gambie.

«L’Etat tunisien m’a demandé de venir m’installer en Tunisie, avec 10 ans d’exonération. Mais j’ai préféré ouvrir initialement mon entreprise dans mon pays où mes chambres froides sont taxées à 48,2%», relate le formateur et coordonnateur de l’institut italien Centro Studi Galileo, qui totalise 47 ans d’expérience en matière de formation dans le domaine du froid. Quand bien même son pays d’origine n’a jamais sollicité son expertise, le natif de la capitale burkinabè ne manque pas d’initiatives pour transmettre son savoir-faire à ses compatriotes. «Depuis l’ouverture de mon entreprise en mai 2018, j’ai déjà formé gratuitement plus de 150 jeunes frigoristes», révèle-t-il. Pour M. Sakandé, il n’est pas question qu’il forme des gens qui, à leur tour, viennent vendre leur expertise à son pays, alors que lui-même peut le faire directement. «Une fois à Tunis, un des nombreux professeurs tunisiens que j’ai formés m’a fait savoir qu’il est déjà venu former des gens au Burkina Faso», rapporte le burkinabè de Bologne, avec un petit pincement au cœur.

Très attaché à la mère patrie, Madi Sakandé a à cœur d’agir et d’impacter le développement de son pays mais aussi de l’Afrique. «On n’a plus besoin de discours ou de commentaires sur les réseaux sociaux pour développer l’Afrique car les Thomas Sankara, Kwamé N’krumah, Patrick Lumumba, Jomo Kenyatta ont déjà tout dit. Il reste à appliquer ce qu’ils ont dit», soutient celui qui se réclame apolitique. «Je n’ai pas de bord politique. En Europe, des partis me font la cour mais cela ne m’intéresse pas! Et c’est pareil au pays. Mon parti s’appelle Burkina Faso», foi de cet expatrié burkinabè, du haut de ses 46 ans. Son engagement pour le développement de sa patrie l’a d’ailleurs amené à être membre fondateur de l’Association de la Diaspora Burkinabè (DIAFASO) dont l’objectif est de mobiliser au moins 10 milliards de FCFA par an auprès des durkinabè de l’extérieur pour financer des projets structurants de développement durable au Burkina Faso.
Clandestin dans les champs de tomates.

Mais avant la régularisation de son titre de séjour et la naturalisation, le début du séjour italien n’a pas été rose pour celui est parti de son pays natal par «folie ou rêve de grandeur» à l’âge de 24 ans, après ces études au département chimie, biochimie, biologie, géologie (CBBG) de l’université de Ouagadougou.

«J’ai été clandestin après l’expiration de mon visa tourisme. J’ai travaillé dans les champs de tomates avec mes frères», raconte-t-il, tout souriant. Et d’ajouter qu’il a fait toutes sortes de métiers avant d’intégrer une entreprise de vente de pièces dans le domaine du froid où à force d’abnégation, il a gravi tous les échelons: magasinier, commercial, technicien, responsable pays. «Tout en travaillant, je suivais plusieurs formations continues jusqu’à obtenir un Master en techniques de réfrigération», précise celui qui a reçu en septembre dernier, le prix du meilleur entrepreneur de la diaspora, décerné par Africa Aid, à New York, aux USA.
Le 7 décembre 2018, le mérite de M.

Sakandé a été reconnu par la nation burkinabè. Il a été fait Chevalier de l’Ordre de l’Etalon. «J’ai été distingué plusieurs fois à l’international mais c’est la première fois que mon pays m’honore. Et cette décoration, venant de la mère patrie, a une saveur particulière», se réjouit-il.

Mariée et père de deux enfants, l’ancien étudiant de Zogona a un rêve: celui d’implanter une usine de fabrication des chambres froides au Burkina, afin de contribuer à créer plus d’emplois, et surtout permettre le développement réel de l’industrie de l’agro-alimentaire.

Mahamadi SEBOGO
msebogo@yahoo.fr

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