Procès « charbon fin » : des prévenus de faits de faux à la barre

Le procès « Ministère public contre Essakane » dans le dossier « charbon fin » a repris hier, jeudi 21 décembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga I (TGI Ouaga I), après son renvoi d’il y a un peu plus d’une semaine à la demande de la défense.

Le Tribunal de grande instance Ouaga I (TGI Ouaga I) a repris du service, hier jeudi 21 décembre 2023, à la suite du renvoi du procès « Ministère public contre Essakane » dans le dossier « charbon fin, jeudi 14 décembre dernier à la demande de la défense. Tour à tour, le parquet, l’Etat burkinabè et le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) ont instruit, la prévention de faux dans le pesage et le colisage de « charbon fin » reproché aux accusés, Daouda Zabré, Pascal Ramdé, Joseph Tony, Salomon Hien et François Somé. A la barre, Daouda Zabré, technicien supérieur des mines et technicien des mines au moment des faits, a reconnu avoir effectué, une mission dans le cadre du processus de pesée et de colisage du « charbon fin », à Essakane, au titre du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB). Il a affirmé qu’il a assisté au pesage de 580 sacs supposés contenir du « charbon fin » avec 60 sacs restants, mais pas à l’échantillonnage.

« A quelle étape entre le colisage et le pesage avez-vous participé ? », a demandé le parquet. Et, Daouda Zabré de répondre que c’est entièrement lors du colisage de 640 sacs qui consistait, selon lui, au rangement des sacs dans les 32 conteneurs. Est-ce que vous vous attendiez à peser autre chose que du charbon fin ? En tant que technicien, serez-vous autorisé à contester le Procès-verbal (PV) au cas où, vous constaterez que ce n’est pas du « charbon fin » ? Est-ce que la calibration vaut certification, selon vous ? Face à ces questions du parquet, Daouda Zabré, dans un premier temps, a mentionné que sa mission n’avait pas pour but de caractériser le « charbon fin », mais à le péser. Ensuite, il a indiqué que s’il constatait que ce n’est pas du « charbon fin », il allait rendre compte à la hiérarchie. A la relance du Parquet de savoir s’il allait signer le PV, M. Zabré a signifié qu’il n’a pas de réponse. A ce propos, le Parquet a considéré que la mission de Daouda Zabré était d’aller signer le PV. Concernant, enfin, la question sur la calibration, M. Zabré a dit avoir fait le constat que la balance d’Essakane était « opérationnelle », car pour lever toute équivoque, il a dû procéder à un calibrage de l’instrument. Toutefois, il a laissé entendre que la calibration ne vaut pas certification. A l’issue du processus d’expertise, un différentiel de 67 tonnes (t) de « charbon fin » contenant 37 kilogrammes (kg) d’or a été observé, aux dires du parquet.

« La responsabilité pénale est personnelle »

Il a demandé à Daouda Zabré, si, l’on peut dire par rapport à cette situation que ses pesées ont du crédit, du moment où les 67 t auraient été démontrées sur la base de balances certifiées. « Nous ne sommes pas allés à une mission d’inspection mais de contrôle », a répliqué l’accusé. Le REN-LAC a rappelé que la responsabilité pénale est personnelle face à la responsabilité de l’Administration, que Daouda Zabré a dit assumer en signant le PV. Il a tenu à ce que M. Zabré clarifie sa notion d’assistance au processus de pesage et de colisage. En guise de réponse, le prévenu a soutenu que c’est de chercher à savoir d’abord si la balance est certifiée, ensuite de faire le calibrage et enfin faire un « re-pesage » avant la signature du PV. Aussi, le parquet s’est inquiété de ce qu’il a qualifié de « revirement à 100 à l’heure », quand Daouda Zabré a fait comprendre que dans le colisage, la mise en sacs ne fait pas partie.

Le deuxième accusé, Pascal Ramdé, douanier de profession, a, lui, martelé que c’est à la barre qu’il découvre le mot « colisage » lorsque le Parquet a cherché à savoir s’il a pris part au processus de colisage, de pesée et de mise en sacs du « charbon fin » pour être expédié. Il a relaté que c’était le 1er décembre 2018 que son chef l’a envoyé à Essakane en mission d’escorte de six camions transportant deux conteneurs chacun. Il a détaillé, de ce fait, qu’il est allé trouver les derniers sacs qui devaient être rangés dans les conteneurs. « Le lendemain 2 décembre 2018, j’ai été commis d’aller assister à une pesée. C’est dans une salle que les agents du ministère m’ont dit que les pesées ont été déjà faites et il ne restait que la signature des PV », a-t-il déclaré. Le Parquet n’a pas compris pourquoi Pascal Ramdé a signé les PV alors qu’il n’a pas participé à la pesée. « Est-ce que de tels PV sont vrais ou faux ? », s’est interrogé le Parquet.

Pour M. Ramdé, ces documents sont vrais puisque l’Administration douanière a assisté à la pesée. Et le parquet de lui signifier qu’il en tirera toutes les conséquences. Quant à l’agent judiciaire de l’Etat, Me André Ouédraogo, il s’est convaincu que les missionnaires de l’Etat à Essakane ont voulu protéger les intérêts de leurs employeurs au regard du différentiel de 67 t de « charbon fin » contenant 37 kg d’or après l’expertise. « Nous ne nous sommes pas écartés de notre mission. En outre, l’Etat ne nous a pas donné de balance pour les pesées. Pour les tenues et les chaussures, c’est Essakane qui les a mises à notre disposition pour le travail », a lancé Daouda Zabré. Donc, vous êtes allés sanctionner l’Etat alors, a estimé le Parquet. Mais, pour l’accusé, en tant que technicien des mines au moment des faits, il ne pouvait dire non à son supérieur hiérarchique. « Quelle est la valeur de votre signature sur les PV ? », a demandé le REN-LAC. Et, Daouda Zabré de dire que sa signature montre qu’il a participé. Le parquet, l’Etat burkinabè et le REN-LAC ont pris acte des déclarations des deux prévenus de faits de faux. Après une brève concertation entre le Tribunal et toutes les parties, l’audience du jour a été suspendue pour être reprise aujourd’hui vendredi 22 décembre 2023, au TGI Ouaga I.

Boukary BONKOUNGOU

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