Quand la France loue ce qu’elle reproche au Burkina

Il y a parfois, dans l’actualité internationale, des éclats de vérité qui surgissent à la faveur d’un discours. Hier matin, dans les Alpes, le Président français Emmanuel Macron a annoncé la création d’un Service militaire volontaire (SMV) destiné à accueillir 3 000 jeunes la première année… et 50 000 volontaires annuels d’ici 2035. Une montée en puissance massive, justifiée par la « résilience nationale », « les défis stratégiques contemporains » et surtout par la « soif d’engagement de la jeunesse française ».
Rien de choquant en soi : les nations ont besoin d’engagement et les jeunesses savent répondre présentes lorsque la Patrie appelle. Le Burkina Faso en est un exemple quotidien. Mais alors – permettons-nous la question – pourquoi ce qui est présenté comme une vertu civique à Paris se transforme-t-il, lorsqu’il s’agit du Burkina Faso, en inquiétude, soupçon et procès permanent dans la presse européenne ?

Quand les VDP deviennent un « danger », mais les volontaires français une « force morale »

Depuis trois ans, de nombreux médias européens dépeignent les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) comme un corps hybride, potentiellement incontrôlable, vecteur de risques, sujet à toutes les dérives. Les mêmes journaux qui saluent aujourd’hui « l’esprit de défense » de la jeunesse française titrent souvent, au sujet des VDP : « Milices civiles armées » ; « Risques de dérapages » ; « Armer les civils au prix de la cohésion sociale ».
Les VDP sont, pour certains commentateurs européens, un symbole de fragilité, presque une anomalie démocratique. Lorsque 80 000 Burkinabè s’engagent pour protéger leurs familles, leurs villages et leur pays, on y voit un problème, un danger potentiel, un signe de chaos. Mais lorsque la France, par la voix de son président, annonce la création d’un dispositif militaire visant 50 000 volontaires chaque année, encadrés par l’armée, sur fond de « menaces croissantes », cela devient soudain un « sursaut républicain », un « modèle d’engagement moderne », un « renouveau du lien armée-Nation ».

La géométrie variable, en politique internationale, est décidément un art délicat.

« La peur n’évite pas le danger » : une maxime pour tous, ou seulement pour Paris ? Le Président Macron a expliqué que « la peur n’évite jamais le danger ». C’est vrai. C’est même une vérité universelle. Mais alors, que dire des pays qui vivent depuis une décennie des attaques, des villages rayés de la carte, des milliers de morts et des innocents déplacés ?
Fallait-il que le Burkina Faso attende, lui, que les colonnes armées soient aux portes de Ouagadougou pour « éviter le danger » sans générer la mine dubitative de certains éditorialistes européens ?
Le Burkina n’a pas levé les VDP par idéologie. Il les a levés parce que le danger était là, palpable, massif, concret. Et parce qu’il fallait, selon la même logique énoncée aujourd’hui par Paris, s’y préparer.

Volontariat ici, « milicianisation » là-bas : le deux poids, deux mesures

Le cœur du paradoxe est là. Dans son discours, Emmanuel Macron insiste sur le caractère volontaire ; l’encadrement militaire ; la cohésion nationale ; la montée en puissance graduelle ; l’exclusion de toute projection extérieure, Ukraine comprise (attendons !). Or, ces cinq principes … sont exactement ceux que le Burkina Faso applique aux VDP depuis leur création : volontariat, encadrement, formation, protection du territoire, renforcement du lien Nation-Défense.
Pourquoi ces principes deviennent-ils vertueux au nord du Sahara, mais suspects au sud ? Le volontariat, en France, serait synonyme de patriotisme. Le même volontariat, en Afrique, deviendrait un signe de dérive ou de précarité institutionnelle. Pour être poli, nous dirons simplement que … ce n’est pas sérieux.

Volontariat « vertueux » à Paris et « dangereux » à Ouagadougou : cela commence à faire beaucoup

Il ne s’agit pas de comparer les contextes – ils sont différents. Il ne s’agit pas non plus de nier les défis réels que pose toute mobilisation de civils en temps de conflit. Il s’agit seulement de poser un miroir et de rappeler une évidence : ce que les Européens découvrent aujourd’hui par nécessité stratégique, les Burkinabè l’ont assumé par nécessité vitale.
Alors, lorsque la France redécouvre la valeur du volontariat armé, peut-être pourrait-elle – au lieu de brandir un regard soupçonneux – accorder aux autres nations ce qu’elle s’accorde à elle-même : le droit de défendre leur souveraineté avec les moyens que les circonstances exigent.
Parce qu’en définitive, que l’on soit dans les Alpes enneigées ou dans le Sahel ensoleillé, une vérité demeure : la Nation se défend par ceux qui acceptent librement de la servir. Et si, pour une fois, au lieu de distribuer des diagnostics à géométrie variable, on reconnaissait que chaque peuple a le droit – et parfois le devoir – d’organiser sa propre défense ?
Après tout, si 50 000 volontaires français peuvent sauver leur Nation, pourquoi 80 000 volontaires burkinabè ne pourraient-ils pas sauver la leur ?

Pogdnaba Christian ZONGO

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