Questions et pratiques linguistiques

A la faveur du vent de refondation qui souffle sur le Burkina Faso, la question de la langue s’est invitée au débat, avec cependant des « saillies » qui impose que la problématique soit recentrée sur l’essentiel, à savoir la renaissance africaine. Pour se faire, et le diagnostic a été posé à l’orée des indépendances, cette renaissance ne saurait être que si la culture est fondée sur nos langues. En effet, on apprend mieux et plus facilement dans sa langue maternelle parce qu’il y a un accord incontestable entre le génie d’une langue et la mentalité du peuple qui la parle. C’est cette réalité et le désir de nous maintenir dans notre état d’aliénation mentale et économique qui a poussé le colonisateur à nous imposer sa langue, si fait qu’il faut au petit moaga, bwaba, peul ou lobi …un minimum de six ans d’école pour posséder la syntaxe française et connaître assez de vocabulaire, avant de recevoir la connaissance avec fruit, alors que cette même connaissance aurait pu lui être donnée directement à sept ans dans sa langue maternelle sans difficulté aucune. Le petit noir est donc obligé de fournir un double effort pour assimiler le sens des mots d’abord et pour accéder à la réalité exprimée par ces mots ensuite.

Il faudrait cependant éviter les raccourcis et la précipitation en abordant ce chantier délicat car le même colonisateur a « corsé  » cette bombe linguistique en nous léguant des espaces géographiques arbitrairement tracés, lesquels ont écartelé les Nations préalablement créées par nos ancêtres. Nos Etats ont donc vu leur tâche de construction nationale compliquée par l’ethnicisme et le régionalisme que le même colon a introduit dans les esprits. Il nous faut donc ressusciter de façon saisissante et scientifique notre histoire pour proposer les jalons d’un avenir meilleur pour les générations futures. Dans cette optique, la question de la langue ne peut être abordée avec réussite qu’à l’échelle supranationale pour pouvoir imposer une ou au maximum quatre langues africaines aux autres. Loin d’être une vue de l’esprit, ce chantier reste en friche du fait du manque de volonté politique de nos dirigeants et de la paresse intellectuelle de nos élites. En effet, parmi les 600 langues africaines que l’on aime citer, il y a à peine quatre d’envergure continentale, les autres n’étant que des variantes parlées par un petit groupe. A l’échelle nationale, et en attendant cette œuvre d’affranchissement intellectuel et moral, les campagnes d’alphabétisation massives comme l’opération baantaré du temps du CNR apparaissent cependant nécessaires, pour apprendre au peuple à lire et à écrire dans ses langues. C’est dire qu’à l’étape actuelle, il ne faut pas se tromper de combat ni d’adversaire, car, à l’heure de l’universel, le repli identitaire est suicidaire. Une œuvre de longue haleine en définitive.

Boubakar SY

Laisser un commentaire