Recyclage des sachets plastiques à Koudougou : une solution contre la pollution

Les données du ministère en charge de l’environnement estiment la production de sachets plastiques par an à près de 224 437 tonnes. Après usage, ces sachets ou emballages sont généralement déversés dans les décharges ou les caniveaux, ce qui augmente la pollution à laquelle le pays fait déjà face. Mais depuis plusieurs années, à Koudougou, dans la région du Centre-Ouest, Oumar Ouédraogo et Georgette Bénao de la coopérative Wend-Waoga redonnent une seconde vie à ces « déchets solides » en les transformant en pavés, poubelles, tabourets, tables, chaises, objets décoratifs et même en pagnes tissés.

« Tisser des pagnes avec des sachets plastiques, c’est une manière pour la coopérative de contribuer à lutter contre la pollution de l’environnement », souligne la présidente de la coopérative Wend Woaga, Georgette Bénao.

Ce 11 octobre 2024, nous sommes dans l’atelier de Oumar Ouédraogo, situé au quartier Burkina, secteur 10 de Koudougou. Assis sous un hangar de fortune, il est à la tâche pour fabriquer des poubelles, une commande de Henri Tiendrébeogo, un client qu’il connait depuis 2014.
Après avoir fait le tri des sachets, Oumar Ouédraogo allume du gaz, règle la température et dépose la cuve sur le foyer amélioré. Ensuite, il introduit des sachets plastiques (des sachets d’eau) dans la cuve. Des crépitements se font entendre, ce qui fait penser à la cuisson du pop-corn. Cela est dû à certains sachets qui contiennent encore quelques gouttes d’eau.
Durant la fonte, il ajoute en dernière position les sachets noirs tout en remuant progressivement le contenu à l’aide d’une perche.
« Dès que les sachets noirs fondent, ils perdent leur élasticité et deviennent comme du charbon. C’est pourquoi je les mets à la fin du processus de transformation des sachets en pâte homogène », explique l’inventeur. En sus, il y met du sable tamisé. Pendant une vingtaine de minutes, le recycleur de sachets plastiques s’applique à remuer la substance pour éviter qu’elle ne se colle à la cuve tout en marquant une pause de temps en temps. La pâte a maintenant une texture épaisse, lourde, donc difficile à mélanger.

« Je dois continuer à remuer avec rapidité en vue d’avoir une pâte homogène », précise-t-il. Une fois la pâte arrivée à point, il la verse, à l’aide d’une pelle, dans des moules. Ils lui donnent une forme selon l’objet voulu : pavé, pot de fleurs, tabouret, table, bordure de jardin, poubelle et objet décoratif. Ce métier de technicien de recyclage, il le fait depuis 2009. Par jour, M. Ouédraogo peut faire deux mètres carrés de pavés et quatre pots de fleurs.
« J’ai des commandes qui me viennent des quatre coins du pays. Pour le tabouret, je vends l’unité à 2 500 ou 3 000 FCFA. La table (d’une longueur de 90 cm et d’une largeur de 60 cm) coûte 8 000 FCFA et le mètre carré du pavé, avec la pause, fait 5 500 FCFA et sans la pause, 5 000 FCFA. Par semaine, je peux engranger la somme de 50 000 FCFA à 75 000 FCFA, voire plus », précise-t-il, l’air heureux.

Une matière première accessible gratuitement

Le vœu de l’inventeur Oumar Ouédraogo est de pouvoir créer un centre de formation au profit de la jeunesse.

Oumar Ouédraogo achète la matière première auprès des particuliers qui font le ramassage des sachets à travers la ville. « J’achète le kilogramme de sachets plastiques à 100 FCFA, s’ils sont propres et 75 FCFA s’ils sont sales », confie-t-il. Mieux, l’inventeur a déposé des poubelles devant les boutiques et passe de temps à autre faire la collecte. « Je n’ai jamais manqué de sachets pour travailler », confirme-t-il.
Ces objets sont appréciés par les clients. Ce n’est pas Henri Tiendrébeogo, un fidèle client, qui dira le contraire. Venu récupérer sa commande, il nous fait savoir que ces objets fabriqués sont bien faits et résistent au temps. « J’achète des poubelles et des pots de fleurs avec lui que je revends. Franchement, ma clientèle apprécie. L’inventeur n’arrive pas à me satisfaire parfois parce qu’il manque de main-d’œuvre », confie M. Tiendrébeogo. Bien que cette activité de recyclage ait un bénéfice écologique, l’inventeur Oumar Ouédraogo explique qu’elle rencontre des difficultés. Il s’agit, entre autres, de l’étroitesse de son atelier. En effet, c’est son domicile qui lui sert de lieu de travail. Donc, il a du mal à stocker sa matière première en saison pluvieuse car les sachets sont mouillés après chaque pluie. « Cela fait que des partenaires refusent de financer mon activité. Si la mairie pouvait m’aider à avoir un terrain pour construire un centre, j’allais pouvoir non seulement recruter des employés mais aussi faire de la formation pour ceux qui veulent exercer ce métier », indique l’inventeur.

Des pagnes tissés à base de sachets plastiques

La mairie de Koudougou, à travers son ancien chef de service d’hygiène et d’assainissement, Djibril Tondé, affirme apporter son soutien à l’inventeur en cas de besoin. « C’est grâce à notre collaboration qu’un partenaire l’a aidé à clôturer sa cour qui lui sert d’atelier. Pour peu qu’il manifeste la volonté de mettre en place un centre, nous allons le soutenir par des partenariats », renchérit-il.Tout comme lui, la coopérative « Wend Woaga », qui signifie « Dieu est grand » en langue mooré, fait du tissage de pagnes avec des sachets plastiques. Dans des métiers à tisser, Georgette Bénao, avec ses collaboratrices (environ 30 femmes), mixent des fils de coton et de sachets neufs découpés très finement pour tisser. Elles obtiennent ainsi un pagne composé 50 % de fils en coton et 50 % de sachets plastiques.
« Pour avoir un pagne et demi, par exemple, si on achète le rouleau de sachet plastique à 100 FCFA, combiné à un paquet de fil, il en reste à la fin », atteste la présidente de la coopérative, Georgette Bénao. A l’écouter, c’est une manière pour la coopérative de lutter contre la pollution de l’environnement par les sachets plastiques. Le pagne est vendu à 5 000 FCFA.

« Il s’arrache comme des petits pains lors des événements comme le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). C’est une activité très rentable. Le pagne se lave, se repasse. Cependant, il faut éviter le contact avec le feu », relève la fabricante.
Le souci majeur pour ces femmes est le manque des métiers à tisser. « On n’a qu’un seul métier qui est aujourd’hui obsolète », indique Mme Bénao.

Les dangers des sachets

Les pavés à base de déchets plastiques ne se dégradent pas.

L’économiste de l’environnement, Amadou Zoungrana, soutient que la transformation des sachets plastiques débarrasse la nature des sachets usés, car les conséquences de la pollution plastique sont désastreuses pour la santé humaine, animale et environnementale. En effet, le sachet plastique est fabriqué à partir de molécules chimiques, lesquelles sont nuisibles. « Ainsi, elles provoquent la mort par indigestion chez certains animaux qui les avalent. Cela est estimé à 30 % de la mortalité animale », précise-t-il.
Si toutefois, l’homme ingère ces molécules, cela peut créer des problèmes respiratoires et même affecter la santé mentale, poursuit le spécialiste de l’environnement. Les sachets plastiques peuvent aussi provoquer des inondations à cause des caniveaux bouchés. Ces canaux devenus des poubelles à ciel ouvert empêchent l’eau de s’écouler et de s’infiltrer dans le sol, ce qui impacte la recharge de la nappe phréatique.

« Ils dégradent également les terres cultivables et ne permettent pas une bonne production agricole. C’est pourquoi, je félicite ceux qui participent à la valorisation de ces déchets plastiques usés ou non. Ils ont vraiment besoin d’accompagnement pour faire prospérer leurs activités », apprécie M. Zoungrana. L’adoption, le 31 décembre 2024, de la loi 017 portant interdiction des emballages et des sachets plastiques vient à point nommé, car elle va contribuer à lutter contre la pollution plastique au Burkina Faso. « Il est bien d’interdire, mais il faut trouver des alternatives. En ce sens, il faut encourager les populations à ne pas utiliser des emballages à usage unique et amener les prestataires à fabriquer d’autres types d’emballages », conclut l’économiste de l’environnement.

Fleur BIRBA
fleurbirba@gmail.com

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