Si jamais j’étais élu… !

Si j’étais élu, je ferais du « Consommons burkinabè » une contrainte partagée et acceptée de tous. Notre culture ne serait plus un tas de vestiges et de reliques en poussière, mais une masse de trésor à sauvegarder. Nos traditions ne seraient plus perçues comme des croyances et des pratiques contradictoires avec le bon sens. Elles seraient le sens même de notre survie dans un monde moderne en perdition. A l’école, nos enfants découvriraient le corps de l’homme en sciences de la vie et de la terre, mais c’est en cherchant à se connaître qu’ils sauraient la vérité qui élève. Ils découvriraient les grandes pages et figures historiques du monde, mais c’est en apprenant leur propre histoire qu’ils auront les repères qui guident. Entre traditions et modernité, ils verraient tout à la télévision au point de perdre l’acuité visuelle devant l’aphone masque bwa, san ou moaga qui crie. Ils apprendraient nos langues nationales à l’école et seraient évalués en classe et à l’examen sur leur propre langue maternelle.

L’expression culturelle ne serait plus une prestation de cinq minutes balancée au bas des podiums d’officiels pendus à une cravate mal nouée. La chanson traditionnelle ou tradi-moderne serait la ritournelle du peuple et diffusée à la place des clips sans slip qui nous flippent. Je ferais de la télévision nationale le grenier du patrimoine et non la poubelle des ramassis venus d’ailleurs. Les gens pourraient zapper de chaîne en chaîne sur les bouquets du libertinage mais gare au citoyen qui égratignera les bonnes mœurs de la Nation. Si vraiment j’étais élu, l’école ne serait plus une boîte de conserve fermentée de pourritures parentales ou un vaste enclos d’impénitents « sniffeurs » de colle et de drogués en tenue kaki.

Elle ne serait plus une cour de bamboula jonchée de débris enrobés de chocolat. Elle serait le sanctuaire de l’esprit qui s’élève et vole au-dessus de la mêlée. L’école ne serait plus un tas de bancs dressés devant un tableau noir sans fond. Elle devrait concilier théorie et pratique et les apprenants en sortiraient nantis de têtes aussi pleines que les dix doigts de la main. L’école ne serait plus la vacante salle d’attente d’une Fonction publique de moins en moins publique ; de plus en plus oblique ! A l’école, après les bancs, élèves et étudiants iraient au champ et à la basse-cour. Ils apprendront à taper et à couper aussi bien dans le bois que dans le fer. Ils devraient être capables de mettre la main à la pâte et dans la boue, sans rechigner ni répugner. Parce que la réussite ne se trouve pas forcément dans un bureau climatisé, rempli de paperasse, mais aussi dans la bouse fertile des champs fleuris. Si jamais j’étais élu, je n’enfilerais que du « Faso daan fani », du slip au costume sans me sentir complexer devant la camisole de l’autre. Ma garde-robe serait bourrée d’habits en coton, produits au Faso par des cultivateurs du Faso, cousus au Faso par des couturiers du Faso. J’engagerai mon peuple à en faire autant en commençant par mon entourage, parce que le bon exemple fait école. Je ferais du coton le filon sûr du développement, du champ à l’usine. L’autosuffisance alimentaire ne serait plus un slogan de campagne ou un subterfuge de gouvernance, mais un besoin minimal validé.

Nous mangerions ce que nous produisons et même les pauses du conseil des ministres, seraient garnies de galettes locales et de jus locaux produits au Faso. Celui qui boudera la recette pour convenance personnelle démissionnera pour atteinte à la bienséance nationale. Le patriotisme ne sera pas une valeur clamée sur fond de « griotisme » ; la médaille de la nation sera décernée à la femme des marécages, à la brave balayeuse de rue et à l’intrépide soldat qui veille pendant que nous ronflons. Si j’étais élu, j’inviterais mes concitoyens à avoir chacun le drapeau du Burkina Faso. Celui qui « brûle » un feu tricolore devra chanter l’hymne national et passer 72 heures en prison. D’ailleurs, il n’y aura plus de VADS ni de policiers au carrefour. Dans les bureaux des responsables, je ne voudrais pas voir ma photo placardée au panthéon du culte de la personnalité. Parce que la vraie personnalité se forge dans l’autorité et la légitimité sociale. Je ne marcherais même pas sur…

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