La décision récente du gouvernement de nationaliser la Société nouvelle Huilerie et Savonnerie Citec (SN-CITEC), après la SN-SOSUCO, marque une étape significative et symbolique dans le processus d’industrialisation du Burkina Faso. Cet acte, survenu à la suite à la volonté de l’actionnaire majoritaire de se retirer du capital de l’entreprise, reflète une réorientation stratégique et une affirmation de la souveraineté économique et alimentaire nationale.
La nationalisation de la SN-CITEC, une entreprise agroalimentaire historique de Bobo-Dioulasso, spécialisée dans la transformation des oléagineux (coton, arachide) en huiles, savons et aliments pour bétail, doit être lue à travers le prisme de l’histoire économique du Burkina Faso. Privatisée en 1995 dans le cadre des Programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés par les institutions de Bretton Woods, la reprise de la SN-CITEC par l’Etat symbolise un rejet des politiques de « braderie » des actifs publics et une volonté de reprendre le contrôle sur des chaînes de valeurs essentielles. Cette démarche est une tendance observée dans plusieurs pays africains, cherchant à se prémunir contre les chocs externes et à maximiser la valeur ajoutée de leurs matières premières.
Dans le cas burkinabè, la production cotonnière est vitale. Reprendre la SN-CITEC vise à stabiliser la production, sécuriser l’approvisionnement en matières premières transformées localement et garantir des débouchés aux millions de paysans producteurs de coton. L’objectif est d’utiliser l’outil industriel national pour une meilleure valorisation de la production locale au service de l’intérêt général.
Cette nationalisation s’inscrit dans une vision plus large d’accélération de l’industrialisation au Burkina Faso. En effet, sous la houlette du Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, une nouvelle dynamique industrielle est clairement affichée, visant à transformer structurellement l’économie. La stratégie est centrée sur le développement des filières à forte valeur ajoutée, comme l’illustrent les initiatives récentes telles que la construction de complexes textiles pour transformer localement le coton en fil et tissu (Faso Dan Fani), ou encore l’inauguration d’usines de transformation agroalimentaire (minoteries, usines de tomate, de boissons).
L’accent est mis sur la transformation sur place des produits nationaux (coton, oléagineux, ressources minières) pour créer des emplois décents, réduire les importations et renforcer la résilience économique face aux crises.
L’Etat, par la nationalisation de la SN-CITEC, se positionne comme un acteur central et régulateur dans ce processus, veillant à ce que l’outil de production serve des objectifs de développement inclusif et de sécurité alimentaire plutôt que les seuls intérêts d’actionnaires privés. Si la reprise en main d’entreprises stratégiques comme la SN-CITEC est un signe fort de souveraineté, le succès de cette nouvelle politique industrielle dépendra de plusieurs facteurs.
La nationalisation de la SN-CITEC, couplée à une stratégie d’industrialisation axée sur la valorisation locale, envoie un message politique et économique puissant du Burkina Faso qui entend maîtriser son destin productif. En ciblant des secteurs clés comme l’agro-industrie, le gouvernement cherche à construire une économie plus résiliente, autonome et capable de générer de la richesse pour ses citoyens. L’enjeu est désormais de transformer cet élan politique en une performance industrielle durable et profitable à toute la nation.
Kamélé FAYAMA




