Soro au Niger

Il s’était emmuré dans un silence pendant un bon moment, jusqu’à ce qu’un fait le ramène au-devant de l’actualité. A la suite de sa supposée arrestation manquée en Turquie, début novembre, l’ancien Premier ministre ivoirien en exil, Guillaume Soro, est sorti du bois. Dans une vidéo diffusée sur sa page Twitter, le dimanche 12 novembre dernier, l’ex-chef rebelle, amaigri, accuse le président Alassane Ouattara d’être le commanditaire de cette interpellation ratée.

Pour Soro, le chef de l’Etat ivoirien, avec qui il est entré en disgrâce, a fait de lui son ennemi juré, au point de le traquer dans les quatre vents de la planète. Il s’est d’ailleurs fendu de ce commentaire qui en dit long sur leur inimitié : « la dernière tentative d’arrestation opérée à Istanbul, démontre, si besoin l’était, que le seul lieu de repos paisible que Monsieur Ouattara me réserve est bien le cimetière ».

La haine entre les deux hommes, qui entretenaient de très bonnes relations, a atteint manifestement un point de non-retour. Si son soutien à Alassane Ouattara au détriment de Laurent Gbagbo lors de la crise postélectorale de 2010-2011 les a rapprochés, les ambitions présidentielles de Soro ont mis le feu aux poudres. Ouattara entendait faire de lui, l’un de ses principaux lieutenants en l’amenant à intégrer le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), quand le chef du Parlement d’alors a bruyamment claqué la porte.

Reconnu pour ne reculer devant rien, Soro, un homme politique à la réputation sulfureuse, ne s’était pas plié aux exigences de son désormais ex-mentor. Il avait préféré démissionner avec fracas, pour se porter candidat à l’élection présidentielle de 2020 et créer, dans la foulée, son mouvement, Génération et peuples solidaires (GPS), du reste dissout par la justice ivoirienne. Après coup, ne disait-il pas en son temps « rendre le tabouret pour aller chercher le fauteuil présidentiel » ? Il n’en fallait pas plus. Alors qu’il venait de passer un semestre à l’étranger pour prendre du recul, Soro va échouer à regagner le pays en décembre 2019 et être contraint à l’exil. Les ennuis judiciaires s’enchainent alors pour Soro, qui dénonce des dossiers suscités à dessein pour le « liquider » politiquement.

En avril 2020, l’ancien chef du gouvernement ivoirien est condamné en son absence pour « recel et détournement de fonds publics » et « blanchiment de capitaux ». La sentence est lourde : 20 ans de prison, 4,5 milliards F CFA d’amende et la privation de ses droits civiques pendant cinq ans. Il n’était qu’au début de ses malheurs. La justice va enfoncer le clou en juin 2021. Poursuivi pour tentative de coup d’Etat, Soro est « reconnu coupable » de ce fait et écope d’une condamnation à perpétuité, avec un mandat d’arrêt international contre sa personne.

Certains de ses proches ont été également condamnés dans cette affaire. Persona non grata dans son pays, l’ex-Premier ministre ivoirien, qui aurait échappé à plusieurs attentives d’assassinat dans son parcours tumultueux, va de pays en pays (France, Belgique, Turquie…) depuis plus de quatre ans. Il n’en peut plus de jouer le rôle du fugitif. Dans sa sortie du dimanche, Soro a affirmé « vouloir mettre fin à son exil » sans donner des précisions.

Cependant, un communiqué de GPS en date du 13 novembre 2023 renseigne, que son maitre à penser est arrivé à Niamey, deux jours plus tôt. Aussi, la note ajoute que Soro a été reçu en audience par le président de la Transition, le général Abdourahamane Tiani. L’ancien chef du gouvernement ivoirien va-t-il prendre ses quartiers dans la capitale nigérienne ou va-t-il s’établir ailleurs ? Certaines sources avancent que Soro entretient des rapports cordiaux avec le colonel Assimi Goita, qui pourrait volontiers lui accorder l’hospitalité.

L’ex-occupant du perchoir ivoirien, qui entend se présenter à la présidentielle de 2025 malgré ses démêlées judiciaires, apparait comme un véritable poil à gratter. Soro se voit un destin présidentiel, qu’il espère voir s’accomplir, n’en déplaise à ses détracteurs. Il n’est pourtant pas évident qu’il rentre au bercail par ces temps qui courent. A plus forte raison, prétendre prendre part à la présidentielle à venir et gagner dans les urnes.

On le sait, remettre les pieds en terre ivoirienne s’avère être un projet périlleux pour le fondateur de GPS qui sera immédiatement mis aux arrêts et jeté en prison, eu égard aux condamnations qui pèsent sur lui. Tout concourt à ce qu’il reste dans un pays de la sous-région ouest-africaine, comme certains membres de son entourage le rapportent. Le chemin, qui mène au palais présidentiel, est décidément parsemé de grosses embûches pour Soro. Son avenir politique est-il totalement hypothéqué ?

Kader Patrick KARANTAO

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