Tenue des CA et AGO des entreprises le même jour : une pratique à multiples risques

L’Ordre national des experts comptables et comptables agréés du Burkina Faso (ONECCA-BF) a organisé un déjeuner professionnel, le mardi 16 avril 2024, à Ouagadougou sur le thème : «La régularité de la tenue le même jour des CA et AGO d’arrêté et d’approbation des états financiers annuels : quelles causes, quels risques et quelles perspectives ».

Au Burkina, la tenue le même jour des Conseils d’administration (CA) et des Assemblées générales ordinateurs (AGO) des sociétés est en passe de devenir une pratique courante. Cette façon de faire dans la gouvernance des entreprises comporte de nombreux risques. L’Ordre national des experts comptables et comptables agréés du Burkina Faso (ONECCA-BF) veut contribuer à lutter contre ce phénomène et à garantir la régularité de ces rencontres, conformément aux dispositions légales. A cet effet, il a organisé un déjeuner professionnel, le mardi 16 avril 2024, à Ouagadougou sur le thème : « La régularité de la tenue le même jour des CA et AGO d’arrêté et d’approbation des états financiers annuels : quelles causes, quels risques et quelles perspectives ». Une soixantaine d’experts comptables, de comptables agréés, d’avocats, de juristes, de banquiers, d’assureurs et de représentants de sociétés ont pris part à cette rencontre. Selon le panéliste, Alain Zerbo, président du Tribunal de commerce de Ouagadougou, le droit OHADA a prévu des dispositions supplétives qui permettent d’aménager la tenue des CA et AGO, à travers notamment les statuts et règlements des sociétés commerciales. Cependant, la tenue de ces deux rencontres le même jour comporte des risques de nullité que le juge peut être amené à prononcer en cas de saisie d’un actionnaire. Mais qu’est-ce qui justifie que les sociétés tiennent ces deux rencontres en une seule date ? Le besoin de s’assurer de la disponibilité et de la présence de tous les administrateurs et actionnaires, de minimiser les coûts de la tenue de ces réunions liées aux acteurs résidant à l’étranger, sont les raisons le plus souvent évoquées, a répondu le panéliste Bobson Coulibaly, avocat et secrétaire général du bureau.

L’exception en passe de devenir la règle

Les participants ont formulé des recommandations visant à assurer la tenue régulière des CA et des AGO.

A ces raisons s’ajoutent la proximité et la familiarité entre les membres du CA. Pour Me Coulibaly, même si la loi a prévu des possibilités de régularisation de ces rencontres, cela n’exonère pas les dirigeants sociaux de leur responsabilité qui peut être engagée en cas de litige. Les avocats, en tant que conseils des sociétés, ont l’obligation d’égalité entre les actionnaires, de fournir des conseils juridiques avisés. Leur responsabilité peut également être engagée. Ils peuvent donc être poursuivis devant les tribunaux, a-t-il indiqué. Le président de l’ONECCA-BF, Yacouba Traoré, a déploré que ce qui semble être un aménagement exceptionnel soit en passe de devenir la règle, surtout que la tenue cumulée des CA et AGO comporte des « risques systémiques ». Il s’agit notamment des risques de conflits d’intérêts, d’absence de temps pour un examen adéquat des rapports, de non-respect des procédures légales, de possibilité de fraudes, de remises en causes des actes posés, de litiges. « Prenons l’exemple d’une assemblée générale, tenue dans de telles conditions, décide de la distribution des dividendes et qui ont été servis. Imaginez les conséquences sur la vie et même l’image de cette société si cette décision venait à être attaquée et remise en cause », s’est-il interrogé. Pour l’expert-comptable commissaire au compte, la tenue des CA et AGO en un jour pose un problème de datation de ses rapports. Tout comme les avocats, les commissaires au compte qui ont un grand rôle à jouer dans la gouvernance des entreprises peuvent également voir leur responsabilité professionnelle, civile, pénale et disciplinaire être engagée en cas de litige, a souligné le président Traoré. Pour éviter ces risques, aussi bien pour les sociétés que les professionnels qui les accompagnent, Me Coulibaly recommande que les CA et AGO se tiennent à des jours différents, tout en respectant les délais prévus par l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés. Le vice-président de l’ONECCA-BF a indiqué que la tenue de ce déjeuner professionnel vise, entre autres, à formuler des recommandations pour parer aux difficultés liées à la tenue le même jour des CA et les AGO, afin d’assurer la régularité de ces rencontres et la transparence financière dans la gouvernance des entreprises.

Mahamadi SEBOGO Windmad76@gmail.com

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