Addi, le terroriste noir

Tierno Monénembo a “ressuscité” Addi Bâ, un personnage réel méconnu au destin exceptionnel.

Dans une biographie romancée, “Le terroriste noir”, l’écrivain Tierno Monénembo relate le parcours exceptionnel de Addi Bâ, un tirailleur guinéen devenu chef de maquis pendant la seconde guerre mondiale, et fusillé par les Allemands en 1943.

Grand prix Palatine du roman historique et prix Ahmadou-Kourouma en 2013, l’ouvrage “Le terroriste noir” de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo rappelle l’histoire héroïque d’africains au cours de la seconde guerre mondiale à travers un personnage réel, Addi Bâ, un tirailleur guinéen. Né en 1916 à Bomboli dans la région du Fouta-Djalon (Guinée) le jeune homme est confié, à l’âge de dix ans, par ses parents, à un percepteur blanc. De retour chez lui, celui-ci l’éduque avant que ce dernier, devenu majeur, rejoigne Paris. Engagé volontaire en 1940 au sein du 12e régiment de tirailleurs sénégalais, il est, jusqu’au 19 juin, parmi les derniers combattants. Son régiment décimé, il erre dans la forêt des Vosges après la cinglante déroute de l’armée française. Capturé par les Allemands, il parvient à s’évader avec quelques tirailleurs.

Blessé, il trouvera refuge dans un petit village (Romaincourt) où après quelques réticences, il est “adopté” par les villageois. Ceux-ci tombent sous le charme et l’autorité calme du “petit nègre” à la fois austère et charmeur. Addi Bâ enflamme les cœurs et attire, par la même occasion des protections. Déterminé à poursuivre la lutte au nom de la France, il s’attelle trois années durant, toujours vêtu de son uniforme militaire, à créer avec un certain Marcel Arburger le premier maquis des Vosges, qui se rallie à De Gaulle fin 1940. Avant de passer à l’action, les deux hommes accueillent et forment, pendant deux ans, de nombreux jeunes qui tentent de fuir les troupes hitlériennes. En 1942, ils entrent en contact avec la Résistance.

Les Allemands le surnomment “le terroriste noir”. Lancés sur ses traces, ils montent une opération contre son réseau. Plusieurs mois après, les membres du maquis sont capturés. “Le terroriste noir” tombe dans les filets des Allemands en juillet 1943. Blessé et torturé pendant des mois, Addi Bâ restera muet comme une carpe. Il sera fusillé, le 18 décembre 1943, par la funeste police politique d’Adolf Hitler, la Gestapo à Epinal. C’est Germaine, une survivante de la période et amie de Addi Bâ, qui raconte à son neveu, venu en France en 2003 pour recevoir à titre posthume les décorations militaires de son oncle que lui confère la République française, cette histoire de ce héros méconnu de la résistance à l’Occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale et adopté par toute une petite région comme l’un de ses fils.

Qui a trahi Addi Bâ ? Une de ses nombreuses amantes ? Un collabo professionnel ? Ou tout simplement la rivalité opposant deux familles aux haines séculaires ? L’auteur laisse le libre choix au lecteur de répondre à ces différentes interrogations. Une chose est sûre. Tierno Monénembo a le mérite d’avoir retracé avec brio un pan méconnu de l’histoire des tirailleurs sénégalais et la vie quotidienne de la population des Vosges comme s’il s’agissait d’un village africain. En 2017, le roman “Le terroriste noir” est adapté au cinéma, par Gabriel Le Bomin, sous le titre “Nos patriotes”.

Aubin W. NANA

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