Afrique du Sud : un tournant décisif

Le cycle des élections présidentielles en Afrique se poursuit toujours avec des enjeux et des défis variables, en fonction des pays et des régions. Au nombre de ces pays qui se préparent à cet exercice, il y a l’Afrique du Sud, ce géant du continent. En effet, la Nation Arc-en-ciel, parmi les plus en vue d’Afrique, organisera ses élections nationales, le 29 mai 2024. Des élections dans lesquelles, de l’avis de nombreux observateurs, va se jouer l’avenir du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 30 ans. Selon les sondages, le parti historique pourrait perdre sa majorité absolue au Parlement, pour la première fois. Le parti de Nelson Mandela pourrait obtenir moins de 50 % des voix au niveau national reflétant ainsi les tendances observées lors des récentes élections municipales et locales. Si cela s’avérait, le parti devrait, contre toute attente, se constituer une coalition politique pour rester au pouvoir.

Toute chose qui constituerait une nouveauté, l’Afrique du Sud n’ayant jamais connu, depuis des lustres, de cohabitation politique au niveau national. Faut-il le rappeler, de la fin de l’apartheid en 1994 à nos jours, l’ANC dirige sans partage ce vaste pays du continent noir de quelque 62 millions d’habitants. Des mobiles avérés de cette déchéance, il y a le mécontentement croissant des Sud-Africains alimenté par le chômage endémique, les inégalités croissantes et les problèmes de service public comme l’accès à l’eau et à l’électricité. Les scandales de corruption impliquant des hauts responsables du parti ont également terni la réputation du vieux parti. De ce qui précède, ce n’est donc pas trop de dire que ces élections sonnent comme un tournant décisif pour l’ANC et ses dirigeants qui, forcément, doivent travailler à préserver la place du parti qui est le sien dans le landerneau politique national. Plus de 27 millions d’électeurs inscrits sont appelés à renouveler le Parlement qui élira ensuite le prochain président. La question est de savoir, si les partis d’opposition peuvent tirer profit des défis du moment et présenter des alternatives viables à l’ANC. Difficile d’en dire plus pour l’instant.

Cependant, en considération des forces en présence, ce qui est probable est que la dynamique générale est telle que l’Afrique du Sud s’oriente inexo-rablement vers une politique de coalition au niveau national. Face à cette nouvelle donne, il s’agira pour les dirigeants de l’ANC de se préparer à un changement de paradigme et s’adapter au partage du pouvoir. A ce propos, l’on peut penser à une coalition avec John Steenhuisen, le chef du principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique qui promet de « sauver » l’Afrique du Sud de la mauvaise gestion de l’ANC ou avec l’Economic Freedom Fighters (EFF) de Julius Malema. Les défis s’annoncent donc gigantesques pour Cyril Ramaphosa, président de la République depuis février 2018, désigné fin 2022 comme candidat de l’ANC pour ces élections du 29 mai prochain. Saura-t-il conduire le navire ANC à port ? Seuls les résultats des urnes nous en diront plus.

Soumaïla BONKOUNGOU

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