Alpha Condé : Le mandat de trop !

Ce qui a commencé au petit matin du dimanche 5 septembre 2021 comme une rumeur est devenu une réalité. Le Président guinéen, Alpha Condé, 83 ans, a été déposé par le Groupement des forces spéciales (GPS), une unité bien formée et équipée, commandée par le lieutenant-colonel, Mamady Doumbouya. Les images de l’arrestation du chef de l’Etat sont touchantes. On voit Alpha Condé, engoncé dans un fauteuil, la chemise ouverte sur la poitrine, les pieds nus, le regard hagard et perdu, la main posée sous le menton.

Entouré de militaires bien armés, il s’interroge certainement sur ce qui est en train de lui arriver, lui qui rempilait pour un 3e mandat controversé depuis qu’il avait été proclamé vainqueur de la présidentielle en octobre 2020. Cette fois-ci, il n’a pas eu la chance comme en 2011 où il avait échappé de justesse à une tentative de coup d’Etat. Oui, c’est dans l’humiliation et le déshonneur qu’Alpha Condé quitte la tête de son pays. Après ses deux premiers mandats de 2010 et 2015 que lui autorisait la Constitution guinéenne, M. Condé, ayant succombé à la tentation du mandat de plus, décide de faire feu de tout bois pour rester à la tête du pays. Dans la désapprobation générale, soldée par des dizaines de victimes, il modifie la Constitution par référendum.

Le verrou des mandats n’est pas levé, mais il interprète cette modification à sa manière. Plusieurs dizaines de ses compatriotes opposés à cette forfaiture démocratique vont perdre la vie. L’élection présidentielle d’octobre 2020 se tient dans un climat tendu avant et après. Le 7 novembre 2020, il est déclaré vainqueur au 1er tour avec 59,5% des voix. Bien qu’investi, l’atmosphère sociopolitique reste très délétère tant le 3e mandat a laissé de profondes lézardes dans la société guinéenne. Finalement, comme il fallait s’y attendre, cette situation de pourrissement et de mécontentement alimentée par une gestion décriée des deniers publics finit par avoir raison du régime d’Alpha Condé.

La résistance de la garde prési dentielle n’a pas pu prendre le dessus sur la détermination du GPS. Alpha Condé est arrêté et « gardé en lieu sûr » par les putschistes. L’opposant historique qui avait été embastillé par feu le président Lansana Conté en 1998 avait gagné la sympathie de l’Afrique et du monde au regard de l’injustice dont il était victime. Arrivé au pouvoir en 2010, Alpa Condé n’a pas su incarner les vertus démocratiques. Le renouveau de la Guinée qui était tant attendu sous son règne aura cruellement manqué au rendez-vous.

Au contraire, les considérations régionalistes et ethniques dans la gestion du pouvoir conjuguées à la personnalité du chef de l’Etat qui n’en faisait qu’à sa tête vont créer plus de méfiances et d’incompréhensions entre les Guinéens. L’octogénaire qui a marqué son pays était entré dans l’histoire par la grande porte en accédant à la magistrature suprême en 2010. Onze ans après, c’est par la petite porte et dans l’indignité qu’Alpha Condé quitte le palais de Sékoutoureya. Une fois de plus, l’appétit du pouvoir aura eu raison d’un chef d’Etat africain.

A vouloir à tout prix imposer sa volonté au peuple, l’on finit par s’enfoncer dans les dérives. Quand l’autorité bafoue le bon sens, la raison et le sens de l’écoute, il va de soi qu’elle court à sa perte. Alpha Condé avait toutes les chances, lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2010, de remettre la Guinée sur les rails. Mais hélas, il aura entrainé son pays dans le gouffre tant il était obnubilé par le pouvoir. C’est une autre page de la Guinée qui s’ouvre sur un horizon d’incertitudes. Toutefois, il appartient au peuple guinéen de faire le pari d’un nouveau départ pour des lendemains qui enchantent.

Karim BADOLO

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