Au pied du mur

Alors que le Burkina Faso s’affairait à la finalisation du processus politique en cours par la mise en place de l’Assemblée législative de Transition (ALT), les regards se sont tournés vers l’instance sous régionale.

L’enjeu et l’un des enjeux de cette rencontre au sommet pour les nouvelles autorités du pays et pour les populations est d’éviter de possibles sanctions économiques (en plus de la suspension en cours du pays des instances de la CEDEAO jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel conformément au protocole additionnel de 2001 relatif à la démocratie et à la bonne gouvernance) qui plomberaient les efforts déployés pour se débarrasser durablement de l’emprise des groupes armés terroristes à l’Est, au Sahel, au Centre-Nord, dans la Boucle du Mouhoun, dans la région des Cascades…

La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 25 mars dernier a été, en partie, consacrée à l’évolution de la situation sociopolitique au Burkina Faso. Si elle n’a pas décidé de sanctions supplémentaires immédiates, deux ultimatums relatifs à la durée de la Transition et à « la détention » de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, pendent au nez du Burkina Faso.

En effet, après plusieurs missions d’évaluation de la situation, la Conférence a exprimé « sa profonde préoccupation par rapport au maintien en détention de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré …», et s’est aussi montrée « très préoccupée » par la durée de la Transition fixée à 36 mois par la Charte de Transition et par les Assises nationales.

La CEDEAO demande par conséquent la libération « inconditionnelle et sans délai » de l’ex-chef de l’Etat et un nouveau chronogramme « acceptable » de Transition au plus tard le 25 avril 2022 sous peine de sanctions économiques et financières.

A l’image des deux précédentes situations (Mali, Guinée), l’organisation sous régionale réaffirme ainsi son principe de « tolérance zéro » à la prise du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels et demande aux nouvelles autorités des gages « tangibles » d’avancée vers un retour à un ordre constitutionnel normal. Les chefs d’Etat voudraient-ils mettre la pression sur le Président de la Transition, Paul-Henri Sandaogo Damiba, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Les nouvelles autorités semblent être au pied du mur.

Au terme d’un processus de transition mené sur les chapeaux de roue pour mettre en place, en quelques semaines, des organes de transition conformément aux recommandations du Sommet de la CEDEAO le 3 février dernier, le Burkina Faso saisira-t-il ou non l’occasion qui lui est offerte de s’épargner des sanctions économiques et financières, pour envisager plus sereinement la principale priorité du moment ?

Pour l’heure, dans ce qui ressemble à un dilemme du prisonnier, les nouvelles autorités semblent avoir toutes les cartes en main pour répondre aux exigences d’une communauté consciente de la délicatesse de la situation d’un pays empêtré dans le terrorisme et ses manifestations les plus hideuses depuis plus de six ans, appelant « la communauté internationale à renforcer son appui humanitaire au Burkina Faso ».

Malgré les impondérables de la vie publique interne, la Transition politique burkinabè a su se démarquer de deux autres pays de la sous-région, par réalisme, dans ses rapports « conciliants » avec une communauté sous régionale interdépendante. L’idée même d’un bras de fer autour des dernières exigences de la CEDEAO serait contre-productive et nous éloignerait du sens de la marche. Il y va de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme dans le cadre du G5 Sahel, notamment.

Par Mahamadi TIEGNA

mahamaditiegna@yahoo.fr

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