Centrafrique : Préserver les acquis

Alors que des voix se font de plus en plus entendre en Afrique en faveur de la limitation des mandats présidentiels, mais aussi contre les révisions constitutionnelles, le président centrafricain, Faustin Archange Touadera, lui, semble ramer à contrecourant de cette dynamique. En effet, en dépit des réprobations tous azimuts de l’Opposition politique et des acteurs de la société civile de son pays, le président Touadera a installé, le 14 septembre 2022 un comité dans l’objectif de rédiger une nouvelle Constitution. Ce nouveau texte, s’il venait à être élaboré, voté au referendum, devra remplacer le texte fondamental de 2016 du pays, issue des années de la Transition. Malheureusement pour lui, cette intention n’est pas du goût de bon nombre de ses concitoyens, avec en première ligne ses opposants du landerneau politique. Ces derniers, à tort ou à raison, soupçonnent déjà le chef de l’Etat de vouloir, par le biais du changement de la Constitution, briguer un 3e mandat en fin 2025. Un recours a d’ailleurs été introduit par la plateforme de la société civile anti-révision, appelée G-16, à la Cour constitutionnelle contre le comité qui a en charge la rédaction des textes devant doter le pays d’une nouvelle loi fondamentale. La question cristallise l’attention, en interne comme à l’extérieur, au regard de ses enjeux et du contexte sociopolitique fragile du pays.

Face à cette situation qui, sans trop de pessimisme, pourrait plonger la Centrafrique dans des incertitudes, de nombreux observateurs s’interrogent sur la nécessité, mais plus, les véritables mobiles qui militent en faveur d’un tel changement constitutionnel dans le pays. Surtout, lorsqu’il est admis que ce changement constitutionnel voulu par le mathématicien- président, ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique. Ne cache-t-il pas réellement des velléités inavouées dont le président seul ne maitrise tous les contours ? Pour l’instant, il est difficile de répondre à cette interrogation qui, du reste semble fondée. Dans la plupart des cas, ces agissements frisent bien des boulimies sordides du pouvoir d’Etat. Et, il suffit de jeter furtivement un coup d’œil dans l’histoire sociopolitique récente de certains pays pour s’en convaincre. Mais, au-delà de tout ce qui se dit sur cette polémique qui polarise les réseaux sociaux, car avides de sensationnel, le Président Touadera, lui, pense plutôt, par ce changement, répondre à la « volonté » de son peuple.

Pour lui, le corpus juridique de son pays ne devrait pas être immuable et doit être dynamique en suivant le cours de l’évolution des « choses ». Qu’à cela ne tienne, le moins que l’on puisse dire, c’est que la perspective de ce changement constitutionnel ne manquera pas de créer des remous sociaux qui risquent certainement de plonger cet Etat d’Afrique centrale dans des lendemains encore troubles. Car, et ce n’est un secret pour personne, les changements de Constitution en Afrique, n’ont jamais passé comme une lettre à la poste, mais par des passages en force occasionnant des fractures sociales avec des conséquences dommageables. Les exemples, en la matière, foisonnent et les pays qui ont expérimenté cette initiative, antidémocratique aux yeux de certains politologues, trainent toujours les conséquences. Une résultante des ambitions démesurées d’illustres chefs d’Etat, souvent à la solde de puissances étrangères. Fort de cela, il appartient au président centrafricain de savoir « gérer » cette question qui fâche déjà, avec beaucoup de circonspection en ayant surtout à l’esprit, les événements douloureux que son pays a traversés, il y a quelques années et qui hantent encore les esprits de nombreux de ses concitoyens. Et, ses contempteurs, eux, gagneraient également à agir en toute légalité afin de préserver les acquis issus de la Transition de 2016 pour le bien des Centrafricains.

Soumaïla BONKOUNGOU

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