C’est un défi d’offrir une éducation inclusive. Mais cela en vaut la peine.

Par Manos Antoninis, directeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation, UNESCO

 De nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont mauvaise presse pour leurs progrès en matière d’éducation inclusive. Seuls deux enfants sur trois terminent l’école primaire dans les délais impartis, alors que le nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés, qui est actuellement de 97 millions, ne cesse d’augmenter. On parle moins, cependant, de la gamme d’outils que de nombreux pays de la région déploient pour inclure certains de ceux qui accusent le plus de retard dans les écoles ordinaires : les élèves handicapés.

 

Ces efforts doivent être célébrés et il ne semble pas y avoir de meilleur moment pour penser à l’inclusion que maintenant. Les inégalités en matière d’éducation sont toujours flagrantes, mais le nouveau Rapport mondial de suivi de l’éducation (GEM) 2020 de l’UNESCO montre que la pandémie de COVID-19 a exacerbé l’exclusion. Environ 40 % des pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas été en mesure de soutenir les apprenants défavorisés lors des fermetures d’écoles, y compris les élèves handicapés.

 Avant la pandémie, les pays de la région adoptaient des approches différentes en matière d’inclusion. Les données du continent montrent que 23 % des pays ont adopté des lois qui exigent que les enfants handicapés soient scolarisés dans des écoles spéciales. Cependant, la plupart des pays combinent l’enseignement dans des écoles ordinaires et dans les écoles spéciales, généralement pour les apprenants lourdement handicapés.

 De nombreux pays qui cherchent à passer de systèmes de ségrégation à des systèmes d’inclusion doivent surmonter des difficultés liées à la gestion. Ils doivent réfléchir à une manière de mieux partager les ressources spécialisées entre les écoles afin que tous les enfants puissent en bénéficier. À ce sujet, plusieurs pays du continent pourraient être cités en exemple.

 L’Angola et le Nigeria, par exemple, envisagent à la fois de transformer les écoles spéciales en bases de soutien pour les enfants handicapés dans les écoles ordinaires et de former les enseignants. L’Angola s’est fixé comme objectif en 2017 d’inclure 30 000 enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux dans les écoles ordinaires d’ici 2022.

 Le Kenya reconnaît également le rôle central des écoles spéciales dans la transition vers l’éducation inclusive. À l’heure actuelle, près de 2 000 écoles primaires et secondaires ordinaires dispensent un enseignement aux élèves ayant des besoins particuliers. 

 Le Malawi tente une double approche. Les personnes lourdement handicapées sont scolarisées dans des écoles ou des centres spécialisés, tandis que les personnes légèrement handicapées fréquentes les écoles et les centres ordinaires. Des écoles spéciales à chaque degré d’enseignement sont transformées en centres de ressources.

 Au lieu de centres de ressources, la Tanzanie mobilise des enseignants itinérants offrant des services spécialisés. Ces enseignants sont formés et gérés par la Tanzania Society for the Blind et sont équipés d’une moto. Ils effectuent également des dépistages des troubles de la vue, orientent les enfants vers des établissements médicaux et organisent des activités de sensibilisation et de conseil au sein de la communauté.

 Si la volonté politique de changement semble claire, il existe souvent un fossé entre la théorie et la pratique. C’est sur ce point que l’accent doit être mis d’ici 2030. Dans toute l’Afrique subsaharienne, les enseignants mentionnent qu’il est difficile de mettre en œuvre une éducation inclusive parce qu’ils manquent de ressources.

 Prenez le Malawi par exemple. Si le pays encourage de plus en plus les apprenants ayant des besoins particuliers à s’inscrire dans des écoles ordinaires, le manque d’installations oblige beaucoup d’entre eux à se diriger vers des écoles spéciales. En Namibie, la pénurie d’écoles-ressources dans les zones rurales, le manque d’infrastructures accessibles et les attitudes défavorables à l’égard du handicap ne sont que quelques-uns des obstacles à la mise en œuvre réussie de sa politique d’éducation inclusive. De même, en République-Unie de Tanzanie, seule la moitié des enfants atteints d’albinisme terminent l’école primaire. Par manque de soutien, ils finissent souvent par être transférés dans des écoles spéciales. 

 Même son de cloche en Afrique du Sud. Le pays dispose d’une loi adoptée en 1996 qui stipule que le droit à l’éducation des enfants ayant des besoins spéciaux doit être respecté dans les écoles publiques ordinaires. Toutefois, le pays a récemment signalé au Comité des droits des personnes handicapées qu’il disposait de nouvelles écoles séparées dans l’enseignement de base et qu’il manquait de dispositions pour les enfants ayant de graves handicaps intellectuels.

 

Le Ghana en est un autre exemple. C’est le seul pays de la région à prévoir des dispositions pour tous les apprenants dans sa loi sur l’éducation. Son cadre politique d’éducation inclusive pour 2015 envisage de transformer les écoles spéciales en centres de ressources, tout en maintenant des unités spéciales, des écoles et d’autres institutions pour les élèves lourdement handicapés. Les enfants souffrant de handicaps intellectuels et développementaux doivent toutefois accomplir les mêmes tâches dans les mêmes délais que leurs camarades non handicapés, occupent des pupitres placés loin des enseignants et sont souvent punis physiquement par ces derniers pour des problèmes de comportement, même dans les écoles inclusives d’Accra.

 Si tous ces efforts sont louables, le fait de simplement jeter les bases de l’inclusion dans l’éducation n’est pas suffisant. La mise en œuvre des ambitions énoncées dans les politiques d’éducation nécessitera une nouvelle vague d’efforts. Le Rapport GEM 2020 examine les différentes étapes nécessaires pour offrir une éducation adaptée aux personnes handicapées, en formulant dix recommandations à l’intention des décideurs politiques, des enseignants et de la société civile au cours des dix prochaines années. Nous espérons qu’il constituera une ressource utile pour les pays de la région afin de passer à l’étape suivante.

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